L'appel d'Abassi Madani au boycott du scrutin : une mise en scène ?

Abassi Madani et Ali Benhadj appellent au rejet des législatives
Abassi Madani et Ali Benhadj appellent au rejet des législatives

De Doha, l'ex-n°1 de l'ex-FIS, Abassi Madani, vient de lancer un appel au rejet des législatives. Une aubaine pour le clan présidentiel qui, face au spectre de l'abstention, agite d'ores et déjà le chantage de la menace islamiste.

Abassi Madani, par cette déclaration, contente-t-il le jeu malsain d'un pouvoir aux abois ? Le récent appel de l’ancien chef du parti dissous au boycott des législatives du 10 mai aura-t-il des répercussions sur les formations politioques en lice, les alliances scellées et les prévisions attendues par celles-ci du scrutin ? Abassi Madani agite-t-il le spectre tant craint par le pouvoir de voir ressurgir à quelques encablures de l’échéance électorale la bête noire qu’il prétend avoir domestiquée par la concorde nationale et les récentes réformes? L’arrêt du processus électoral de 92 que Bouteflika traîne comme un boulet depuis sa première mandature est-il un effet boomerang qui vient se retourner sur tous ses espoirs de voir ralliés à la cause de la concorde civile les irréductibles de l’ex-FIS.

Abassi Madani fonde son appel au boycott par l’histoire récente de son parti qui s’est vu interdit de retour à la légalité par l’article 4 de la nouvelle loi organique sur les partis politiques ; une décision qui ne relève pas d’une attitude courageuse et "républicaine" du chef de l’Etat mais imposée sans doute par le fait que le passif du processus électoral de 1992 est non seulement trop lourd à assumer mais aussi et surtout dangereux quant à ses retombées immédiates sur le devenir même de la nature hybride du pouvoir s’il avait cédé ouvertement et légalement aux revendications politiques sans partage du parti dissout près d’une décennie avant l’élection de Bouteflika. Ainsi, l’appel au boycott d’Abassi Madani et d’Ali Benhadj est timidement référencé à l’arrêt du processus électoral de 1992 et semble même être la principale revendication du FFS au temps du Contrat de Rome. Participer à ces élections, "c’est faire perdurer la crise et rater une autre occasion pour un changement réel auquel aspirent tous les Algériens épris de paix", Les co-signataires estiment que "la légitimité du régime politique algérien est posée depuis les coups d’État contre le gouvernement provisoire de la République algérienne durant l’été 1962, et contre la volonté du peuple en 1992."

Cet appel au boycott torpille-t-il l’alliance des formations islamistes ? Celles-ci voient leur espoir de voir se rallier à leur cause les anciens militants de l’ex-Fis qui ne sont pas prêts à renier leur passé encore moins leurs chefs historiques dont Ali Benjadj est toujours actif à Kouba, défiant les forces de police. D’ailleurs, ces derniers se sont abstenus de toute déclaration sur le scrutin législatif, s’interdisant même de commenter les déclarations tonitruantes de Bouguerra Soltani sur la victoire "naturelle" de son parti à la faveur de la poussée des partis islamistes à l'issue des révolutions arabes. Restés méfiants, sur la défensive, même vis-à-vis de la politique de la réconciliation nationale, c’est avec discrétion qu’ils se sont affichés lors des congrès constitutifs de formations islamistes.

L’impact de cette appel au rejet du scrutin par les ex-dirigeants du parti dissout a-t-il au contraire un effet bénéfique à l’alliance présidentielle et aux nouveaux partis populistes qui légitiment la tenue du scrutin en agitant le spectre du danger islamiste, le retour de la "décennie noire" que provoquerait une abstention générale. Si on n’attendait pas autre déclaration que celle que vient de lancer, de Doha, Abassi Madani qui, suite au plébiscite de l’article 4 interdisant à son parti tout espoir de se remettre en selle en tant que formation héritière de 91, a menacé de saisir les instances internationales, faut-il pour autant l'interpréter comme une réelle menace au clan présidentiel ? D'évidence, son appel au rejet du scrutin sert plus le pouvoir qu’il ne le dessert. Il sera sans nul doute dans les jours qui viennent l’aubaine pour booster une campagne électorale qui revêtira les contours d’un "scrutin chantage" contre les algériens qui se verront ainsi sommés de choisir entre "le scrutin de la dernière chance" ou le retour de l’ogre, le FIS dissous, et le bain de sang.

S’agit-il alors d’une mise en scène, sachant que Bouteflika n’attendait pas moins d’un Abassi Madani que cette déclaration qui conforte son alliance et sème le trouble au sein des formations islamistes qui prétendaient à une large mobilisation des militants de l’ex-Fis.

Précisons que l’appel de ses deux chefs dénoncent "les pressions et les menaces proférées par le régime contre les Algériens pour les obliger à aller voter massivement le 10 mai" et critiquent les réformes politiques du président Abdelaziz Bouteflika qu’ils considèrent superficielles et dictées par des considérations conjoncturelles dues aux révoltes arabes. Ce L’ex-FIS estime que le multipartisme politique n’a aucune crédibilité et que la participation des partis aux législatives ne reflète pas les positions et les convictions de leurs militants. Un argument ressassé par Bouguerra Soltani qui, rappelons-le a quitté l’alliance présidentielle en avançant les mêmes critiques sur les réformes engagées par le président de la République. Autant dire que les justificatifs d’Abassi Madani pour appeler les Algériens au rejet des législatives sont en quelque sorte décalés et semblent, dans leur formulation, trop populistes pour présenter une réelle menace au clan présidentiel qui n'a pas encore réagi à cette déclaration.

R. M.

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Commentaires (23) | Réagir ?

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khelaf hellal

Il s'agit d'un leurre, d'un canular monté de toutes pièces par le système pour polluer et discréditer l'idée du boycott des élections prochaines qui germe doucement mais surement et qui n'est en fait que l'aspiration du peuple à une refondation d'une nouvelle république pour en finir et abolir un système ploutocratique et mafieux et qui a relégué notre pays au stade des républiques bananières et campradores qui ne vivent que du pillage des richesses et des transferts de capitaux. L’aliénation par l'argent et la religion sont la condition siné qua none pour parvenir à ses fins et annihiler la volonté de lutte des classes des masses laborieuses et les amener à voter docilement pour reconduire celui qui fait leur maitre ou leur roi. Karl Marx avait mis en garde contre la tentation obscurantiste de la bourgeoisie capitaliste qui a tout a gagner dans ce qu'il appelle : la religion est l'opium des peuples.

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timimoun djelfa

Je me pose souvent la question si les Algériens tiennent toujours à aller voter, reste-t-il encore de la volonté pour se précipiter dans les abîmes d'un système aux abois, que Abassi appelle au boycott des élections législatives, c'est son droit le plus légitime lui qui se croyait prophète jusqu'au bout des ongles, mais par ailleurs, il me semble qu'il ne représente que sa personne, mais à proprement parler rien ne peut arrêter ces énergumènes même la honte ne peut leur faire face, tellement qu'elle est digne semble t-il parfois, le reste c'est une question de choix, les discours qui nous parviennent des pays arabo-islamo-baathiste, n’intéressent nullement la majorité des Algériens, la donne a change de camp, il suffit d’être un fin observateur pour découvrir toutes les supercheries qui se préparent en coulisses pour détrôner ceux qui ont amassé assez de chkarates pour laisser la place à d'autres pour faire pareillement... les vautours continueront leur curée et pour longtemps sans se gêner, tant qu'il y aura dans notre pays des gens qui les soutiennent.

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