Le profil du chef des observateurs en Syrie inquiète l'opposition

Le général soudanais Dabi ne rassure pas les opposants au régime de Damas.
Le général soudanais Dabi ne rassure pas les opposants au régime de Damas.

Le choix du général soudanais Moustafa Dabi pour diriger l'équipe des observateurs de la Ligue arabe en Syrie suscite l'inquiétude de l'opposition syrienne en raison de la situation particulière des dirigeants de Khartoum, en délicatesse avec la justice internationale.

L'organisation panarabe estime que l'expertise militaire et diplomatique de Dabi est essentielle pour mener à bien la mission d'observation chargée de vérifier l'application par Damas d'un plan de sortie de crise, après neuf mois de manifestations antigouvernementales réprimées dans le sang. Mais aux yeux de certains détracteurs de Khartoum, il semble peu probable que le général soudanais recommande à l'issue de la mission une intervention étrangère ou la mise en place d'un tribunal international pour se pencher sur la question des violations des droits de l'homme commises en Syrie.

Pour Eric Reeves, professeur au Smith College, dans le Massachusetts, la nomination de Dabi à la tête de la mission est le signe que la Ligue arabe ne souhaite pas découvrir des éléments qui la contraindrait à muscler son action contre Damas. "Il y a une question que tout le monde se pose : pourquoi nommer quelqu'un à la tête d'une mission d'enquête (...) quand il est membre d'une armée qui est précisément coupable des crimes qui sont dénoncés en Syrie?", s'interroge Reeves. "Je pense qu'un général soudanais est l'une des personnes les moins à même de reconnaître ces éléments s'ils se trouvaient sous ses yeux. Cela n'a aucun sens à moins que vous ne souhaitiez influencer les informations obtenues sur le terrain. Ils veulent les influencer de telle sorte qu'ils ne soient pas obligés d'en faire plus que maintenant."

L'opposition syrienne, qui a placé beaucoup d'espoir dans cette mission d'observation, est peu encline à critiquer ouvertement le choix de son dirigeant. Mais en privé certains s'interrogent sur la marge de manoeuvre et la capacité de Dabi d'adopter une position plus ferme face au président Bachar al Assad.

Le général Dabi a occupé des postes importants dans l'armée soudanaise et au sein du gouvernement, notamment dans la province du Darfour où l'armée de Khartoum, selon la Cour pénale internationale (CPI), a commis des crimes de guerre et où, d'après l'Onu, 300.000 personnes ont été tuées ces dernières années. Le président soudanais Omar Hassan Al Bachir a été inculpé par la CPI de La Haye pour génocide et crimes contre l'humanité. Khartoum, qui dénonce des accusations dénuées de fondement et motivées politiquement, fait état de 10.000 morts au Darfour.

Selon Amnesty International, l'armée soudanaise, sous le commandement de Dabi, a commis des actes "d'arrestation arbitraire, de détention, de disparition forcée, de torture et d'autres mauvais traitements infligés à de nombreuses personnes au Soudan". "La décision de la Ligue arabe de nommer à la tête de sa mission d'observation un général soudanais sous les yeux de qui de graves violations des droits de l'homme ont été commises au Soudan risque de saper les efforts de la Ligue arabe et pose de sérieuses questions sur la crédibilité de la mission."

Dabi, qui est âgé de 63 ans, est arrivé à Damas pour prendre la tête de la mission de quelque 150 observateurs chargés d'évaluer l'application du plan de sortie de crise. Ce plan de la Ligue arabe accepté le 2 novembre par le régime syrien prévoit notamment le retrait des troupes déployées dans les villes, la libération des prisonniers politiques et l'ouverture d'un dialogue avec l'opposition. Il s'agit de la première intervention étrangère sur le sol syrien depuis le début de la répression des manifestations antigouvernementales qui ont fait selon l'Onu 5.000 morts depuis la mi-mars.

Services secrets soudanais

Dabi a été nommé à la tête des services secrets militaires du Soudan en 1989, le jour du coup d'Etat de Bachir, avant de prendre la tête de l'agence des renseignements étrangers et d'occuper le poste de responsable adjoint des opérations militaires entre 1996 et 1999. Pour Jehanne Henry, chercheuse spécialiste du Soudan à Human Rights Watch, Dabi, en tant que chef des services secrets militaires du Soudan dans les années 1990, "était très certainement au courant de ce que faisaient les services de sécurité à cette époque". "Les services de sécurité ont été impliqués dans de graves violations des droits de l'homme comme des arrestations arbitraires, la détention d'activistes politiques, des mauvais traitements et des actes de torture", souligne-t-elle.

"Il ne correspond pas de toute évidence au profil d'observateur des droits de l'homme", conclut-elle. Le secrétaire général de la Ligue arabe Nabil El Arabi a décrit Dabi comme un militaire doté d'une "très vaste expérience". "La mission n'est pas facile", a ajouté El Arabi dans une interview avant l'arrivée de la mission en Syrie. "Par le passé, nous n'avons jamais été appelés à faire des missions de la sorte."

Selon les responsables soudanais, L'expertise militaire et diplomatique de Dabi va contribuer au succès de la mission. "Nous savons que Dabi a de l'expérience et nous pensons qu'il délivrera un message à la Ligue arabe et que cela sera un succès", a déclaré Rabie Abdelati, responsable du Parti du Congrès national, au pouvoir au Soudan.

Reuters

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mstfa yazid

Voila! la tshakshouka arabe est prête ! Gare à vos langues et malheur à vos papilles et à vos hémorroides!