L'armée égytienne défend son action : 12 morts et des centaines de blessés

Les manifestants méritent les incinérateurs d'Hitler, a déclaré un général égyptien.
Les manifestants méritent les incinérateurs d'Hitler, a déclaré un général égyptien.

Le pouvoir militaire en Egypte tentait lundi de défendre son action face aux pressions internationales pour mettre fin à la confrontation avec des manifestants anti-armée qui a fait 12 morts et des centaines de blessés en quatre jours dans le centre du Caire.

Deux personnes ont été tuées lundi à l'aube, alors que les forces de sécurité évacuaient les manifestants de la place Tahrir, haut lieu de la contestation, a-t-on appris auprès du ministère de la Santé. Le Conseil suprême des forces armées (CSFA), qui dirige l'Egypte depuis la chute en février du président Hosni Moubarak, a affirmé que l'armée n'avait "pas recours à la force contre les manifestants" mais les a accusés de "chercher à détruire l'Etat".

Le général Adel Emara, membre du CSFA, a ainsi affirmé qu'un "plan visant à brûler l'Assemblée du peuple avait été découvert". Des déclarations qui n'ont pas été étayées de preuves. Comme celle d'ailleurs de la main de l'étranger.

Il a admis que les troupes avaient frappé une manifestante voilée à qui elles ont découvert le soutien-gorge et le ventre, la traînant sur la chaussée. La photo de cette femme largement diffusée sur les réseaux sociaux et qui a fait la Une d'un journal dimanche a provoqué l'indignation à travers le pays.

"Oui, cela s'est passé. Mais il faut voir les circonstances (de l'incident)", a reconnu le général Emara aux journalistes, assurant : "Nous enquêtons, nous avons rien à cacher". Mais vu l'extrême brutalité dont ont fait preuve les services de sécurité, il semble qu'elles ont reçu des assurances en haut lieu pour agir ainsi. En vrai, les militaires égyptiens ne veulent pas lâcher le pouvoir au risque qu'ils deviennent la cible de commission d'enquête sur les malversations et autres violations des droits de l'homme dont ils sont responsables.

Les violences aux femmes dans les manifestations sont indignes de la révolution et "déshonorent l'Etat" égyptien, a accusé la secrétaire d'Etat américaine Hillary Clinton, qualifiant ces faits de "particulièrement choquants".

Parallèlement, des ONG de défense des droits de l'Homme et des opposants ont dénoncé les propos du général à la retraite Abdelmoneim Kato - un conseiller de l'armée - qui a dit que certains à Tahrir étaient "des enfants de rue qui mériteraient d'être jetés dans les incinérateurs d'Hitler".

L'ancien chef de l'AIEA, Mohamed ElBaradei, candidat possible à la présidentielle a dénoncé un "état d'esprit dérangé et criminel" alors que le Réseau arabe pour l'information sur les droits de l'Homme les a qualifiés de propos "incitant à la haine et justifiant la violence contre les citoyens". A l'ONU, le Haut Commissaire aux droits de l'Homme, Mme Navi Pillay, a condamné "la répression brutale" des manifestations.

"La violence impitoyable avec laquelle des femmes manifestant pacifiquement ont été frappées est particulièrement choquante et ne peut rester impunie", a-t-elle souligné dans un communiqué.

Amnesty International a pour sa part appelé à cesser la fourniture "de petites armes, munitions et autres équipements répressifs à l'armée et aux forces de sécurité égyptiennes", condamnant "l'usage excessif de la force contre les manifestants". Le ministre britannique des Affaires étrangères, William Hague, a lui jugé les violences "inacceptables" et "contraires" au processus démocratique engagé en Egypte depuis quelques mois.

L'Egypte est engagée depuis le 28 novembre dans les premières élections législatives de l'après-Moubarak, qui doivent désigner une nouvelle Assemblée. Le parquet du Caire a décidé le maintien en détention de 123 personnes arrêtées dans les heurts et la libération de 53 autres, selon l'agence officielle Mena.

Elles encourent des poursuites pour résistance à l'autorité, violences contre les forces de sécurité, incendie de bâtiments publics et atteinte à des propriétés publiques et privées.

Après une accalmie, des heurts ont repris lundi après-midi, avec des jets de pierres et de projectiles incendiaires par-dessus un mur de blocs de pierre qui bloquait la rue où se sont concentrés les derniers affrontements, tout près de la place Tahrir.

Plusieurs jeunes touchés à la tête par des projectiles ont été évacués en moto. A proximité, des équipes s'affairaient pour sauver des ouvrages et manuscrits endommagés de l'Institut d'Égypte, fondé en 1798 par Napoléon Bonaparte, qui a brûlé samedi au cours des affrontements.

La France a demandé aux autorités égyptiennes "une enquête exhaustive et transparente sur les origines et les responsabilités" de la destruction de l'établissement, qui abritait 200.000 ouvrages, certains rarissimes. Les affrontements avaient éclaté vendredi entre les forces de l'ordre et des manifestants qui campaient depuis fin novembre devant le siège du gouvernement pour protester contre la nomination par l'armée comme Premier ministre de Kamal el- Ganzouri, qui avait déjà occupé ce poste sous Hosni Moubarak.

Les manifestants réclament également la fin du pouvoir militaire, visant en particulier le chef de l'armée et chef d'Etat de fait, le maréchal Hussein Tantaoui. Ces violences ont éclipsé la deuxième phase des législatives - tenue mercredi et jeudi - qui a conforté la nette domination des formations islamistes, au détriment des partis libéraux et des mouvements issus de la révolte anti-Moubarak.

Avec AFP

Plus d'articles de : L'actu en Algérie et ailleurs

Commentaires (0) | Réagir ?