Dans un article dans l'Humanité : Benchicou prend le relais de Sansal

Dans un article dans l'Humanité : Benchicou prend le relais de Sansal

« L’assassinat des quatre touristes français en Mauritanie par des terroristes entraînés en Algérie réveille la question qui fâche : au prix de combien de vies encore l’Élysée va-t-il soutenir le régime d’Alger et l’aider à se reconduire par un troisième mandat pour Abdelaziz Bouteflika ? (…)Sansal parlait de la dîme en vie humaines et en humiliations que paye, chaque jour que Dieu fait, la société algérienne à la gloire d’un régime corrompu et usé. J’ai bien peur, hélas ! qu’avec l’assassinat des quatre touristes en Mauritanie nous n’en soyons plus là et que la contrepartie au maintien du régime algérien ne se mesure plus seulement en deuils algériens mais aussi en larmes françaises.»
C’est l’interpellation de Mohamed Benchicou aux amis Français dans un article publié aujourd’hui dans le quotidien parisien l’Humanité (lire l’article dans l’Humanité ) et qui se veut une suite de la réflexion de l’écrivain Boualem Sansal paru dans le Monde (lire l’article de Sansa l).


Voici le texte intégral :

La terrible leçon mauritanienne

Il nous faut décidément encore compter sur la mort pour réaliser à quels drames peut conduire la frivolité des vivants. L’assassinat des quatre touristes français en Mauritanie par des terroristes entraînés en Algérie réveille la question qui fâche : au prix de combien de vies encore l’Élysée va-t-il soutenir le régime d’Alger et l’aider à se reconduire par un troisième mandat pour Abdelaziz Bouteflika ? Dans une récente contribution au journal le Monde, l’écrivain algérien Boualem Sansal apostrophait « nos amis français » en ces termes : « Quand M. Sarkozy vous ramènera le point de croissance supplémentaire promis durant la campagne présidentielle, j’espère que vous vous rappellerez d’où il vient, ce point, et quel prix il nous coûte » (1). Sansal parlait de la dîme en vie humaines et en humiliations que paye, chaque jour que Dieu fait, la société algérienne à la gloire d’un régime corrompu et usé. J’ai bien peur, hélas ! qu’avec l’assassinat des quatre touristes en Mauritanie nous n’en soyons plus là et que la contrepartie au maintien du régime algérien ne se mesure plus seulement en deuils algériens mais aussi en larmes françaises.

Le quadruple meurtre d’Aleg indique bien qu’al Qaeda au Maghreb s’est suffisamment structuré pour pouvoir honorer les menaces d’un de ses chefs, Ayman Al Zawahiri : s’en prendre aux Français au Maghreb. « Depuis hier, ce sont tous les Français résidant ou voyageant dans la région qui peuvent se sentir visés », réalisait le Figaro, au lendemain de l’attentat.

Nous aimerions tant le démentir. Mais le sordide constat est là : l’organisation terroriste est solidement installée à une heure de Paris, peut-être même à Paris, comme le laisse supposer le récent coup de filet de la DST.

Quel lien avec le régime algérien, dira-t-on ? Un élémentaire lien de cause à effet. Al Qaeda ne se serait jamais implantée au Maghreb s’il n’y avait à la tête du principal pays de la région ce pouvoir corrompu, usé, vieilli, coupé de la société, obsédé par sa seule survie, incapable de faire face non seulement aux défis de l’époque - les Algériens en payent le prix en décadences continues, en suicides et en harragas - mais aussi aux périls du moment, à leur tête, le terrorisme.

En choisissant de s’installer en Algérie, al Qaeda a choisi l’État le plus faible. Il faut croire, pour une fois, les dirigeants algériens quand ils avouent leur impuissance, de la bouche du ministre de l’Intérieur, Yazid Zerhouni, ou du chef de la police, Ali Tounsi : le régime grabataire algérien est incapable de contenir le terrorisme d’al Qaeda. Coupé de sa société, il ne bénéficie plus de l’apport de la population dans la traque des terroristes, comme c’était le cas dans les années quatre-vingt-dix. Corrompu, livré à des mafias de toutes sortes, il a laissé se développer des réseaux parallèles par lesquels transitent les arsenaux terroristes qui peuvent à loisir faire entrer des hommes, des armes ou même des camions bourrés d’explosifs. Traversé par des courants mafieux qui ne songent qu’a s’éterniser autour de la rente, il n’est obsédé que par sa survie, et prêt à toutes les capitulations pour se maintenir à la tête du pays. Et c’est ce qu’il fait : en dépit de son impuissance et pour rester au pouvoir, il ne cesse de tendre la main à la seule force qui le menace, les groupes armés islamistes, affichant une vulnérabilité et une aptitude constante à l’abdication dont se nourrit al Qaeda.

C’est le pouvoir qui redonne, régulièrement, son second souffle au terrorisme. Cette fragilité dramatique d’un État voisin n’a, du reste, pas échappé aux responsables de la sécurité française. Le directeur général de la police nationale française, Frédéric Péchenard, se préoccupait déjà en septembre dernier de la « fragilité algérienne » dans un entretien au Journal du dimanche.

Il faut croire que les dirigeants politiques français ne partagent pas le diagnostic de leurs policiers. Ou, plutôt le partagent-ils mais pour, croyaient-ils, en tirer profit en monnayant leur soutien à un régime usé. Le quadruple meurtre de Mauritanie vient nous rappeler l’impensable dommage qu’il y a à troquer la France des Lumières et des droits de l’homme pour 10 milliards d’euros de contrats : on ressuscite le Moyen Âge chez soi.

On ne peut à la fois se prémunir du terrorisme et aider les régimes archaïques qui lui servent de gisements nourriciers : telle est la leçon algérienne qui nous vient de Mauritanie.

Par Mohamed Benchicou, journaliste et écrivain algérien, auteur des Geôles d’Alger, directeur du quotidien le Matin, suspendu.

Plus d'articles de : Éditorial

Commentaires (37) | Réagir ?

avatar
Ahcene dahnane

MadameDihya, Monsieur Chalabi. Je m'excuse d'intérférer dans un débat aussi savant que le votre (que je qualifierais plutot de polémique pour ma part) qui semble emballer autant de bonnes consciences.

Pour avoir eu l'occasion de lire vos commentaires respectifs (pas seulement ceux se rapportant à ce sujet), je sais que vous etes tous les deux du meme bord. Maintenant, s'il s'agit seulement du délit de plagiat dont l'un accuse l'autre, il me semble que des explications ont été apportées et qu'il y a lieu d'en rester là.

Vous me permettrez tout de meme de risquer une petite digression qui je l'espère apportera "un plus"et permettra au débat (et non à la polémique) d'avancer. Nous, les citoyens (sujets) avons acquis pour habitude d'accuser les leaders des différents partis politiques (de la mouvance démocratique) de se preter à ces petites querelles qui ne tiennent pas à grand chose. Nous voilà, malheureusement, nous les accusateurs, en train de reproduire les memes reflexes à notre niveau (est-ce inné?) Il faut convenir qu'à leur niveau, les dividendes sont plus palpables. Nous sommes donc plus blamables que ces leaderr politiques que nous ne cessons d'accabler (à juste titre d'ailleurs!)

Comprenez-moi bien, je n'ai nulle intention de me positionner en donneur de leçons, mais notre combat doit"primer" (quel terme) sur tous les petits malentendus de circonstance. Unissons nos efforts. Oublions nos querelles de clochers et allons de l'avant. J'espère seulement que mon humble intervention servira au moins à quelque chose. Merci pour votre patience.

avatar
MAHOMED GRIGRI

Dyhia, merci beaucoup pour votre ecrit fort instructif n'en deplaise à certains pseudo-intelectuels qui pensent trouver le salut de leur ame dans l'islam.

Vous avez raison, l'islam n'est qu'un système politique dictatorial puisant sa force dans le spirituel (superstition) et une violence des plus sauvages. Votre texte explique clairement la genese des religions et leur role dans les societés mais il est difficile de vous comprendre quand on est de culture et de fond arabo-musulmans donc limité et verrouillé.

Au plaisir de vous relire

visualisation: 2 / 37