Pourquoi les révolutions arabes produisent de l'islamisme...

Abdellah Benkirane, dirigeant du PJD
Abdellah Benkirane, dirigeant du PJD

Nombre d'observateurs se posent la question de savoir les raisons pour lesquelles les révolutions arabes on consacré la victoire des partis islamistes lors des élections qui ont immédiatement suivi la chute des dictatures...

Dans un entretien paru dans L’Express.fr de ce lundi 28 novembre 20011, Jean-Noël Ferrié, directeur de recherche au Centre Jaques Berque (CNRS) à Rabat, analyse la victoire des islamistes du parti justice et développement aux élections législatives marocaines avec 107 sièges sur 395. A la question de savoir ce qui a motivé le vote des Marocains, le chercheur considère que «le PJD représente une offre politique nouvelle» et que «les partis politiques traditionnels sont décrédibilisés et la réforme de la constitution a permis une nouvelle donne». Selon le chercheur, "Beaucoup de Marocains ont donné leurs voix au PJD parce qu’ils représentent une offre politique nouvelle. Il y a une dimension expérimentale dans ce vote. Y compris de la part d'électeurs qui ne partagent pas totalement les vues du parti." Il justifie également cette victoire du PJD par le fait que "les partis politiques traditionnels sont décrédibilisés et la réforme de la constitution a permis une nouvelle donne. Les Marocains ont beaucoup d'attentes sur la question sociale, notamment les inégalités et le retard en matière d'éducation, ainsi que la corruption, véritable gangrène nationale. Le PJD arrive avec un mandat clair dans ce domaine." Replaçant le PJD dans l’échiquier politique marocain, le chercheur du CNRS relève que le PJD n’a pas de mot d’ordre d’application de la chari’a et qu’il ne conteste pas le régime monarchique, ni même la Moudawama, le code de la famille révisé en 2004. Ce qui fait dire à Jean-Noël Ferrié : "Le PJD est un parti conservateur, certes, mais modéré " sans, toutefois, donner plus de détails sur le qualificatif de "modéré" par lequel a été estimé Ennahdha de la Tunisie et les partis islamistes algériens agrées, à leur tête, le MSP de Bouguerra Soltani.

Le spécialiste de la vie marocaine relativise cependant la victoire du PJD et de Ennahdha en Tunisie qui apparaissent minoritaires en termes d’électorat : "Il faut toutefois relativiser le poids des islamistes dans l'électorat. Ainsi, si on additionne l'abstention et les votes pour d'autres partis, on constate que 60% des Tunisiens n'ont pas voté pour Ennahda. Et au Maroc, avec 30% des voix sur 45% de participation, le PJD ne représente en réalité que 15% des inscrits. Les partis islamistes ont donc une présence forte mais pas hégémonique. Même en Egypte, un pays plus conservateur et bigot, les Frères musulmans ne sont pas hégémoniques. Je ne crois pas à une dérive totalitaire dans ces pays. "Cette analyse est également valable pertinente en Algérie où, en 1991, le FIS est sorti victorieux du scrutin législatif avec un fort taux d’abstention de l’électorat.

Répondant à une question que nombre d'observateurs se posent, notamment les raisons pour lesquelles les changements de régime dans le monde arabe ouvrent tous la voie aux islamistes, l’invité de l’Express semble avoir des réponses toutes faites. Il considère qu’il est «logique que dans des pays de culture musulmane la population choisisse des partis de sensibilité musulmane.» Dès lors, pourquoi les indépendances de ces pays n’ont - elles pas donné des pouvoirs islamistes ? Généralisant les réalités historiques pourtant si différentes entre l’Algérie, la Tunisie et le Maroc, l’invité de l’Express a cette sentence: "Tous les partis en place depuis l’indépendance ont été décrédibilisés" cependant que "aucun parti islamiste n’est parvenu au pouvoir" car, selon lui, "il n’ y avait pas d’élections libres". L’offre islamiste par la voie des urnes, du fait qu’elle a été entravée par les régimes dictatoriaux, se légitime, aujourd'hui, par leur chute. Mais, pour l’analyste, ces partis comme Ennahdha ou le PJD, ne sont pas à l’abri d’une sanction électorale "s’ils déçoivent, eux aussi"

Pour l’islamologue Mathieu Guidère, auteur de Choc des Révolutions arabes (Ed. Autrement, 2010) "Ce résultat montre une volonté de changement. Mais il est pour le moins transitoire. Car si le scrutin est officiellement libre, il ne rassemble en réalité que des partis refusant de remettre en cause le statut de commandeur des croyants du roi." (Lire le Point.fr de ce lundi 28, Les islamistes de Sa Majesté).

Relevons que dans ces deux analyses faites sur la victoire de Ennahdha en Tunisie, du PJD au Maroc et celle prévisible des Frères musulmans en Egypte, l’Algérie qui en est, à posteriori, un terrain expérimental n'est pas citée en référence.

R.M

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Commentaires (3) | Réagir ?

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hocine amari

Cette question est simple, le pana-arabisme a été remplacé par le pana-islamisme;

Ces deux idéologies étant similairement rapprochées par leur bêtise humaine.

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khelaf hellal

Les dictatures arabes ont été leur propre fossoyeur et la nôtre n'en est pas exempte, elles cultivent le terreau islamiste pour consolider et pérenniser leurs pouvoirs successifs. Elles vont jusqu'à pardonner les crimes les plus abominables pour rallier sous leur giron les sectes islamistes les plus rebelles. Il n'est pas encore loin le temps ou les adeptes du FIS scandaient haut et fort dans les rues d'Alger : la mithak la doustour ! Démocratia koffr ! Aujourd'hui, la donne a changé et c'est paradoxalement la démocratie post-dictature qui vient à leur secours. Une manière de tomber de Charybde en Scilla pour ceux et celles qui espéraient s'en sortir. La pseudo-constitution et la pseudo-démocratie que ces dictatures ménageaient à chaque concession et faisaient valoir auprès des islamistes ont énormément contribué à leur chute lorsque la cohabitation est devenue impossible. L'Etat interdit aux partis d'instrumentaliser la religion à des fins politiques lorsque lui-même les devance dans l'application de la chari3a (dans la justice, la vie publique etc...) et l'exclusion de tout autre culte (loi de 2006). Il va même jusqu'à instituer son dogme : Islam religion d'Etat.

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