Le projet controversé sur l'information présenté lundi aux députés

Qu'est-ce qui va sortir de ce projet de loi ?
Qu'est-ce qui va sortir de ce projet de loi ?

Le projet de loi relatif à l'information, qui consacre notamment l'ouverture de l'audiovisuel au privé, fait grincer des dents avant sa présentation aujourd'hui aux députés. Des journalistes estimant qu'il est "répressif" et "encourage l'autocensure".

L'article 2 du texte suscite de vives critiques. Selon des journalistes, il comporte des dispositions qui "prêtent à confusion" sur la question des informations "autorisées" ou "interdites". Derrière ce projet de loi habillé en neuf se niche en fait des dispositions particulièrement répressive pour une pratique journalistique libre.

Pour Hacen Ouali, du quotidien francophone El Watan, "d'une manière générale, ce projet ne permet pas une réelle indépendance des médias dans un système globalement fermé". "Même s'il y a dépénalisation du délit de presse, il reste que l'esprit de la loi est répressif", a-t-il ajouté.

Le projet de loi ne prévoit plus qu'un journal et un journaliste puissent, le cas échéant, être poursuivies devant la justice, mais seulement l'auteur d'un article.

Mais "comment peut-on demander au journaliste de payer une amende faramineuse quand il est payé un salaire dérisoire", a souligné Fadhéla, journaliste arabophone. Le salaire moyen d'un journaliste est de 40.000 dinars. Certains, nombreux d'ailleurs touchent moitié moins.

"On risque de ne plus traiter certains sujets et de s'autocensurer par crainte de devoir payer une amende", appréhende cette journaliste. Sachant qu'il y a cette épée de Damoclès suspendue au-dessus de la tête des journalistes, ceux-ci réfléchiront par deux fois avant de rendre publique une information. Ce qui de fil en aiguille n'encourage nullement le travail d'investigation. "On va se retrouver entre le marteau et l'enclume. Faire notre travail et risquer de subir les foudres de la justice ou opter pour le silence pour être tranquille", a déclaré, avec beaucoup d'amertume, Ali, journaliste arabophone.

Un autre son de cloche néanmoins. Celui du directeur de publication du quotidien Liberté, Outoudert Abrous, qui estime au contraire que "pour la partie presse écrite, il y a des améliorations".

"Il y a un article pour empêcher une concentration accrue et effrénée des médias. Une personne physique ou morale ne peut pas avoir plus de deux titres, un en arabe et un en français, sinon demain avec la crise que connaît la presse écrite, n'importe qui pourra entrer et devenir actionnaire principal dans tous les titres algériens", a-t-il ajouté. En clair c'est le verre à moitié plein pour certains et à moitié pour d'autres. Une conseil supérieur de l'éthique et ma déontologie devrait voir le jour également. Mais si l'on se penche sur sa composante, on se rendra facilement compte qu'elle pourrait tomber sous le contrôle du pouvoir qui serait tenté de garder la haute main sur cette organisation. Notamment à travers le mode de désignation de la composante de ce conseil (14 membres). Sept sont des journalistes élus, deux autres sont désignés, ainsi que le président de l’instance, par le président de la République et quatre autres membres seront issus des deux chambres du Parlement.

"Champ audiovisuel fermé"

L'ouverture du champ audiovisuel suscite attention et convoitises. A ce propos, Chérif Rezki, directeur de publication du quotidien de langue arabe El Khabar, a estimé que le projet de loi veut "placer l'Algérie dans un contexte démocratique" car "seule l'Algérie a son champ audiovisuel fermé en Afrique du Nord". Son journal est candidat à l'ouverture d'une chaîne.

Le directeur de Liberté tempère et se désole de "tout le bruit que l'on fait autour des télévisions". "Il faut attendre le cahier des charges", Puis s'interroge : "Ce qui m'étonne, c'est le fait que tout le monde parle de créer une TV, comme s'il s'agissait de créer une petite entreprise".

Il existe actuellement en Algérie cinq chaînes de télévision, cinq radios nationales et 47 radios locales, toutes publiques. Le secteur privé n'a jamais eu accès à ce secteur depuis l'indépendance en 1962. Des chaînes destinées entre autres aux Algériens comme Brtv émettent depuis quelques années déjà, mais elles sont de droit français.

Mais depuis l'annonce il y a quelques mois de l'ouverture du champ audiovisuel au privé, de nombreux professionnels et hommes d'affaires s'étaient positionnés. Une première chaîne satellitaire privée a ainsi été lancée symboliquement le 1er novembre par le quotidien populaire Echourouk. Les quotidiens El Watan et El Khabar ont annoncé leur projet de création de chaine télé ainsi que d'importants opérateurs économiques algériens, comme Mehri (hôtellerie), Haddad (Groupe ETRHB) et Rabrab -Groupe Cévital). La plupart des partis politiques estiment que l'ouverture de l'audiovisuel au privé doit inclure des garde-fous pour garantir la promotion de la démocratie et empêcher les détenteurs de fonds de monopoliser le secteur.

Deux autorités de régulation devraient voir le jour, l'une pour la presse écrite et l'autre pour l'audiovisuel. Ce projet, tout comme la demi-douzaine d'autres qui constituent le train de réformes présidentielles promises par Abdelaziz Bouteflika le 15 avril, doit être voté avant la fin janvier, fin de la session d'automne qui sera aussi la dernière de ce Parlement avant les élections législatives de 2012.

Y.K/AFP

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