La tristement sinistre boucle arabe

La tristement sinistre boucle arabe

L’Algérie s’aligne avec la majorité votant la suspension de la Syrie de la Ligue arabe, mais elle ne compte pas rapatrier son ambassadeur à Damas comme il est prévu dans la résolution de samedi, soi-disant parce que notre pays "traite avec les Etats mais non avec des régimes."

Au moins un des lecteurs consternés qui aurait lu les dépêches annonçant la nouvelle possède un parent enfant ou adolescent scolarisé chez l’inamovible Benbouzid, plus baâsiste que lui, il demanderait au prévôt général du gouvernement un autre poste équivalent de prestige dans le réservoir de gouvernance étoffé dans le gang dit de l’"Alliance républicaine", pour rappeler aux non initiés qu’en Algérie on ne peut pas exister en démocratie.

Il ne faut pas être diplômé de Yale ou d’Oxford en Sciences-po pour comprendre que le système qui régit la vie des mortels dans le pays de Mustapha Ben Boulaïd et de Hassiba Ben Bouali est, depuis l’exécution du colonel Chaâbani – celui qui s’est opposé à l’invasion des armées des frontières à l’indépendance de l’Algérie, avec, entre autres, Boudiaf et Aït Ahmed - la réplique du régime syrien échafaudé par le géniteur de l’actuel maître de Damas.

Mieux. Les gens qui contrôlent le pays ont à leur disposition des fortunes en espèces et en libellés qui font rêver les dirigeants les plus puissants de la planète. Ça achète pas mal de « concorde » et de compromis, suffisamment de positionnement dans les regroupements interétatiques d’influence pour tenir un rôle ostensible.

Mais aussi et surtout ça ouvre à des tribunes officielles où le ministre chargé des relations extérieures pourrait par exemple affirmer que la position de l’Algérie s’exprime "au nom de la nation" pour l’intérêt du peuple "frère" syrien à qui l’on souhaite la persévérance dans le dialogue interne pour la sortie de crise. Et où les courants de l’opposition syrienne doivent se mettre d’accord pour "parler de la transition" après le départ du dictateur.

Pendant que la police politique de Bachar Al Assad torture dans les geôles, exécute dans les coins de rue, ses fantassins enivrés canardent dans le tas et son artillerie bombarde les habitations suspectées, on s'interroge sur la véritable signification – le concret – de "l’Algérie ne discute pas avec les régimes" quand le président décide de maintenir son ambassadeur en terre syrienne.

Cela veut dire que Monsieur Medelci, qui, il n’y a pas longtemps était ministre de l’Economie et rien ne dit que, avant la fin du mois, il ne serait pas à la tête de l’Agriculture ou des sports, insinue tout simplement le départ de Bachar Al Assad et son équipe à la tête du pouvoir en Syrie. A la manière de ce qui s’est toujours passé en Algérie, depuis la déposition de Ben Bella, l’empoisonnement de Boumediene, le "démissionnement" de Chadli Bendjedid, le limogeage d'Ali Kafi et sa bande du HCE, l’assassinat de Mohamed Boudiaf, le second "démissionnement" de Liamine Zeroual, et ce qui se produira encore après le départ de Bouteflika, impliqué, quant à lui, au tout début autour des manigances dans le chapeautage de la Révolution à partir du Maroc et aujourd’hui dans le maintien du statu quo d’un dirigisme relooké qui donne la parole aux citoyens de dire leurs misères mais qui continue de régenter leurs devenir et celui de leurs enfants à la façon d’un asile national de malades incapables, où l’opposition réelle même dans le web est attaquée d’une manière sournoise par des infiltrations perturbatrices semant le doute quant au bien-fondé des démarches saines et légitimes de citoyens cherchant les moyens d’atteindre le maximum de démocrates convaincus soucieux de débarrasser le pays de trabendistes politiques collés sur le dos du peuple comme des sangsues.

Le pauvre Medelci juste avant la clôture de la séance au Caire, s’interroge-t-il, avec l’ambassadeur de la Syrie, sur la conformité juridique de la décision sous le regard moqueur de ses pairs sommés par l’Onu, la Cia, du MI6 et du Sdec d'agir. Le monde arabe dans son intégralité, du Golfe arabique aux rives atlantiques, est dans une feuille de route de mise en place dès l’annexion du Koweït commanditée par les services secrets anglo-américains vers la fin des années quatre-vingt lorsque une alerte scientifiquement vérifiée avait averti Washington et Londres d’un gravissime déficit proche en matières hydrocarbures, confirmé par les gigantesques besoins chinois qui n’étaient pas visibles avant l’effilochement du régime soviétique et la sacralisation du principe commercial de la mondialité.

Avant de décider de voter pour la suspension, le ministre a contacté plusieurs fois Alger. Il y allait de la présidence des 77 plus – eh ouais ! – la Chine pour l’année 2012, décision prise en septembre à New York sur insistance de la délégation algérienne à la 66ème session de l’Assemblée générale. Insistance, on comprend, due au trésor de la réserve de change dont le Président ne sait toujours pas quoi en faire sinon redorer son blason international ; mais dans le pays désormais depuis le troisième mandat arraché à coup de massacre sur la Constitution, les populations majoritaires qui souffrent les malheurs de la vie quotidienne et son incapacité à ouvrir vers une existence meilleure, n’attendent absolument rien de lui. Tout au moins qu’il comprenne que le temps du blabala est révolu, que l’Algérie pendant son long exil dans la péninsule arabique a-t-elle doublé de population et les générations d’aujourd’hui ne tolèrent pas les qararna et les amitiés internationales au goût individuel de leur chef d’Etat.

Cette histoire de laisser sur place un ambassadeur, tel le clou de Djeha, malgré les recommandations strictes après la décision officielle d’écarter momentanément la Syrie de la Ligue, jusqu’à la normalisation dans les affaires de Damas, d’une manière ou d’une autre - au cas du pire le Baas encore au pouvoir sans la famille Assad - elle est cyniquement intéressante dans le sens où ses élèves au pouvoir en Algérie, surtout les fractions islamistes émargeant dans les ardoises des zaouïas favorables au chef d’Etat, vont dans la semaine devoir préparer des scenarii pour montrer un visage d’ensemble vis-à-vis du dernier maillon du Front de la fermeté encore plus ou moins laissé sur son sort, en l’occurrence le Yémen dont de très sérieuses études de sciences géophysiques occidentales affirment qu’il regorge de pétrole et de gaz.

Le souverain chérifien n’a pas intérêt qu’on fasse des projections érudites sur le sous-sol du pays sur lequel sa dynastie règne depuis des siècles. Histoire de boucler la boucle arabe géostratégique, si jamais un intarissable gisement est découvert pas très loin de Taroudant.

Nadir Bacha

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