Ennahda de Ghannouchi tende la main au camp laïque

Ghannouchi, chef du parti islamiste Ennarda.
Ghannouchi, chef du parti islamiste Ennarda.

Les résultats des élections en Tunisie, premier scrutin démocratique du "printemps arabe", sont attendus ce mardi après-midi mais les islamistes d'Ennahda ont d'ores et déjà revendiqué la victoire et tendu la main à des formations laïques.

En raison du mode de scrutin proportionnel, Ennahda ne devrait pas pouvoir obtenir de majorité absolue au sein de la future assemblée chargée de rédiger une nouvelle Constitution neuf mois après le renversement de Zine Ben Ali. Conscient des inquiétudes qu'il suscite en Tunisie comme à l'étranger, le parti islamiste s'est dit prêt à former une alliance avec les deux formations laïques arrivées derrière lui, le Congrès pour la république et Ettakatol.

"Nous sommes prêts à former une alliance avec le Congrès pour la république de Moncef Marzouki et l'Ettakatol de Moustapha Ben Jaafar puisque leurs opinions ne sont pas éloignées des nôtres et que ces deux partis ont obtenu un grand nombre de suffrages", a dit à Reuters Ali Larayd, membre du comité exécutif d'Ennahda (Renaissance).

Auparavant, la formation islamiste, interdite sous le régime de Zine Ben Ali, a indiqué sur la foi des résultats affichés localement devant les bureaux de vote qu'elle avait remporté plus de 30% des voix, arrivant en première place sur le plan national et dans la plupart des régions. "Nous ne ferons l'économie d'aucun effort pour forger une alliance politique stable au sein de l'assemblée constituante", a annoncé Abdelhamid Jlazzi, directeur de campagne d'Ennahda, tandis que montaient des "Allah Akbar !" (Dieu est grand) dans les rangs de ses partisans.

A l'extérieur du siège du parti, pendant que résonnaient ces cris de victoire, une jeune femme voilée s'est réjouie de vivre ce "moment historique". "Personne ne peut douter du résultat. Ce résultat montre très clairement que le peuple tunisien est attaché à son identité islamique", a dit Zeinab Omri. Les seuls résultats officiels disponibles concernent le vote des Tunisiens de l'étranger, qui votaient avant dimanche.

Le PDP reconnaît sa défaite

Sur les 18 sièges qu'ils devaient désigner, neuf sont allés à Ennahda, quatre au Congrès pour la république de Moncef Marzouki, longtemps exilé en France, trois à l'Ettakatol. Sans attendre la proclamation des résultats par l'Instance supérieure indépendante des élections (ISIE), le Parti démocratique progressiste (PDP), formation laïque qui s'est placée en pointe dans le combat contre les islamistes, a reconnu sa défaite.

"Le PDP respecte le jeu démocratique. Le peuple a accordé sa confiance à ceux qu'il a considérés comme étant dignes de cette confiance. Nous félicitons le vainqueur et nous siégerons dans les rangs de l'opposition", indique le parti de Najib Chebbi dans un communiqué adressé à l'agence Reuters. Après avoir renversé le 14 janvier un dirigeant autocratique en place depuis près de 24 ans, les Tunisiens, pionniers du "printemps arabe", se sont déplacés en masse dimanche pour élire démocratiquement une assemblée constituante. La participation a dépassé les 90% des inscrits.

Ennahda s'est attaché pendant toute la campagne à se présenter comme le représentant d'un islamisme modéré sur le modèle du parti AKP, au pouvoir en Turquie. Mais une partie de la population, soucieuse de préserver la laïcité historiquement attachée à la Tunisie indépendante, s'inquiète de la résurgence des islamistes. Lundi soir, une cinquantaine de militants laïques se sont réunis devant le siège de l'ISIE, réclamant des investigations sur des irrégularités dont ils accusent les islamistes.

"Je suis vraiment habitée par la peur et l'inquiétude face à ce résultat", témoigne Meriam Osmani, une journaliste de 28 ans. "Les droits des femmes vont être rabotés et une fois qu'Ennahda aura formé une majorité à l'Assemblée constituante, on assistera au retour de la dictature", ajoute-t-elle. En plus de la rédaction de la nouvelle constitution du pays, les 217 membres de l'assemblée élue dimanche devront former un nouveau gouvernement provisoire avant des élections législatives et présidentielle prévues l'année prochaine.

Avec Reuters

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