Mort de Kadhafi : "C'est son sang sur ma chemise, je ne la laverai jamais"

Ce jeune tient pistolet qui a tué l'ancien tyran.
Ce jeune tient pistolet qui a tué l'ancien tyran.

À l'hôpital de Syrte, une foule en liesse célèbre la fin du colonel Kadhafi.

En une minute, la bataille de Syrte devient victoire : la cour de l'hôpital de campagne se remplit de pick-up dont sortent des hordes de combattants euphoriques qui tirent en l'air et s'embrassent : "On a attrapé Kadhafi ! Il arrive !" hurlent-ils en chantant. "Ils amènent Kadhafi et ses hommes ici", jure un médecin avant de tomber à genoux en remerciant Dieu. À ses côtés, un combattant abasourdi se met à pleurer, puis hurle, un doigt vers le ciel : "La Libye est enfin libre !"

Derrière le portail, un convoi de véhicules armés de mitrailleuses ralentit : le leader déchu est à bord de l'une des voitures, blessé, jurent les hommes de Misrata. Combattants, médecins, infirmiers se ruent en bloc vers l'entrée, dans un concert de klaxons et sous les salves de kalachnikovs pointées en l'air. Tous veulent voir de leurs propres yeux l'ancien dictateur, arrêté à quelques kilomètres de là après plus d'un mois de combats féroces à Syrte, chef-lieu de sa région natale. Aujourd'hui, les forces pro-CNT comprennent enfin pourquoi la résistance des pro-Kadhafi était si acharnée. Mais seuls quelques pick-up fendent finalement la foule, les autres repartent en trombe au bout de quelques secondes.

Le pistolet du dictateur déchu

"Ils emmènent Kadhafi directement à Misrata, il allait se faire massacrer", crie le docteur Abdu Rauf avant de sauter à l'arrière d'un véhicule où gît un corps sans vie, entouré de combattants hystériques : "C'est Aboubaker Younès ! Prenez-le en photo !" Le médecin prend le pouls du ministre de la Défense du régime déchu et confirme qu'il est bien mort, provoquant les hourras des curieux agglutinés autour du cadavre, dont le visage porte d'énigmatiques marques de peinture bleue.

Devant l'hôpital, un jeune garçon vêtu d'une tunique beige souillée de sang, un gros revolver en or à la main, est porté en triomphe par ses camarades fous de joie : "C'est le pistolet de Kadhafi", assure Mohamed Chaban, qui jure avoir participé à l'arrestation de l'ex-dirigeant libyen : "On l'a trouvé en train de ramper dans un tube en béton. C'est son sang sur ma chemise, je ne la laverai jamais."

Un nouvel attroupement se forme autour d'une civière : Mansour Daou, le chef des services de sécurité intérieure du régime Kadhafi, vient d'arriver, légèrement blessé. Très vite, des combattants l'interrogent, vidéo-caméra braquée sur lui. Allongé, l'homme en uniforme reçoit quelques gifles, se fait insulter. Interrogé par l'Agence France-Presse, il explique d'une voix faible : "Oui, j'étais avec Muammar Kadhafi quand on a été arrêté. Mais j'ai été blessé en premier, j'ai perdu connaissance, je ne sais pas ce qui lui est arrivé."

Signe de reconnaissance

Devant les marches de l'hôpital, un soldat pro-Kadhafi, visage également peint en bleu, agonise par terre, la main droite arrachée. À la vue du moignon sanguinolent, un médecin s'approche l'air dégoûté et jette sur l'homme un fin tissu vert. "Kadhafi voulait probablement pouvoir identifier les hommes qui étaient avec lui, d'où la peinture bleue", juge un autre docteur, Soleimane Rifadi. Quelques autres loyalistes blessés par balle gisent à l'intérieur de l'hôpital, jambes, tête ou pieds bandés. Un à un, ils sont transportés dans des ambulances pour être transférés à l'hôpital Ibn Sina à Syrte. "Ces hommes sont de Syrte, ils retournent à Syrte", fait valoir le docteur Marwane al-Moubarak.

Selon un infirmier, une partie du personnel médical refuserait de soigner les pro-Kadhafi, tenus responsables des centaines de blessés passés entre ces murs ces dernières semaines. Autour de l'hôpital, des combattants cherchent à vérifier la rumeur selon laquelle Muammar Kadhafi serait finalement mort sur le chemin de Misrata, ville bombardée plusieurs semaines au printemps dernier par l'ancien régime. "Kadhafi, fini", décrète l'un d'entre eux, un talkie-walkie en main. "Ils l'ont sans doute achevé en route", lance un médecin en haussant les épaules, tandis qu'une petite foule danse en brandissant le V de la victoire.

Avec AFP

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