Grève des cheminots : le pourrissement

La dette de l’entreprise SNTF est évaluée à 15 milliards de dinars
La dette de l’entreprise SNTF est évaluée à 15 milliards de dinars

Après que le secrétaire général de la Fédération nationale des cheminots eut été destinataire d’une décision de justice, l’UGTA entre en scène et la grève se radicalise. Elle touche désormais l’administration.

La direction de la SNTF reste de son côté catégorique. En plus des mises en demeure et des décisions de justice obligeant les travailleurs à regagner leurs postes, des ponctions sur salaires sont également envisagées.

Pour son quatrième jour consécutif, la grève des cheminots s’est radicalisée à la faveur d’une décision de justice dont le secrétaire général de la FNTE, Abdelmadjid Deradji, a été destinataire. Ainsi, l’UGTA vient de prendre part au bras de fer qui opposait jusque-là les sections syndicales de wilaya à la direction de la Société nationale du transport ferroviaire. Hier, à l’entrée du siège de la SNTF, sis à la rue Didouche-Mourad, à Alger, des affiches sur lesquelles on peut lire "UGTA : les travailleurs du siège de la SNTF sont en grève" étaient placardées sur la façade. Interrogé, le chargé de la communication de la Fédération nationale des cheminots, Djamel Bichikhi, dira que sa structure syndicale était jusque-là observatrice et que son adhésion au mouvement de protestation est beaucoup plus motivée par le dépôt de plainte par l’entreprise contre Abdelmadjid Deradji. Mais certains observateurs du secteur ferroviaire, qui ont préféré garder l’anonymat, voient dans cette procédure une subtile manœuvre de la direction : "L’administration sait très bien que la fédération a actionné les sections syndicales pour faire grève tout en restant en dehors du mouvement de protestation et garder le statut d’observatrice. Comme la direction ne peut pas saisir par voie de justice les responsables des sections syndicales, car du point de vue réglementaire, c’est la Fédération des cheminots qui est le représentant légal, elle a ainsi manœuvré subtilement pour la faire participer aux négociations à travers une décision de justice. C’était d’ailleurs la seule manière d’avoir un représentant légal avec qui négocier, vue que la FNC, de par sa position, était assise sur deux chaises."

Les précisions de la direction de la SNTF

De son côté, le directeur des ressources humaines de la SNTF, Noureddine Dekhli, interrogé hier au siège de l’entreprise, a tenu d’abord à préciser que "des réunions de négociations sont quotidiennement tenues entre la direction et la Fédération nationale des cheminots, contrairement à ce que avancent certains syndicalistes". Pas plus tard que mardi, affirme-t-il, une réunion a eu lieu dans la matinée. "D’ailleurs, ajoute-t-il, le DG de la SNTF recevra aujourd’hui (hier ndlr), en fin d’aprèsmidi, Abdelmadjid Deradji." Concernant la décision de justice dont a été destinataire le SG de la Fédération des cheminots, Noureddine Dekhli dira : "Il s’agit d’une grève illégale et je suis dans l’obligation d’user de tous les moyens légaux pour assurer ma mission de service public. Nous ne pouvons adresser des décisions de justice à tout le monde et à ceux qui ne sont pas représentatifs. Notre seule solution était, ainsi, d’interpeller par voie de justice le SG de la FNC qui est notre partenaire social officiel et représentant légal des travailleurs. Des ponctions sur salaires seront mêmes appliquées aux travailleurs grévistes."

Le salaire moyen d'un cheminot de 41 000 dinars

Par ailleurs, et concernant la revendication principale des cheminots grévistes, à savoir le versement du rappel d’une augmentation de salaire acquise en septembre 2009, le DRH de la SNTF est catégorique : "Nous ne pouvons pas supporter un impact financier de l’ordre de 75 milliards de centimes." Noureddine Dekhli explique également qu’il y a d’autres raisons qui motivent le refus de satisfaction de cette revendication. "Nous avons signé le 16 juin un protocole d’accord avec la Fédération nationale des cheminots et dans lequel était convenu un rappel à partir de janvier 2011. Le 3 octobre dernier, nous avons été surpris par un mouvement de protestation motivé par l’exigence d’un rappel à partir de janvier 2009. Qui va nous dire que demain et une fois que nous aurons répondu favorablement à cette revendication, ils ne vont pas nous faire sortir d’autres réclamations", a-t-il souligné, tout en laissant entendre qu’une crise de confiance s’est installée entre la direction et le partenaire social. Noureddine Dekhli précise également que l’augmentation en question est de l’ordre de 20% et non pas de 5 %, comme avancés par certains syndicalistes. "Il faut savoir qu’en 2008, l’entreprise a procédé à une augmentation de 5,6 % au profit des travailleurs, puis une autre de 15 % en 2009, ensuite de 19 % en 2010 et une autre augmentation est attendue en janvier 2012, et qui touchera hormis le nouveau SNMG, certaines indemnités", a-t-il souligné. Le DRH de la SNTF ajoutera que "le salaire net moyen d’un travailleur de la SNTF qui était en 2008 de l’ordre de 24 000 DA est aujourd’hui évalué à 41 000 DA et qu’il dépassera à partir de janvier 2012 les 44 000 DA".

La SNTF menace ruine

Enfin, mis à part la grève qui est déjà à son quatrième jour et dont le manque à gagner en termes de rentrées d’argent est fort pénalisant, la SNTF souffre actuellement d’un grand déficit financier. Selon des sources très proches, le chiffre d’affaires mensuel de la Société nationale du transport ferroviaire ne dépasse pas les 350 millions de dinars alors que la masse salariale de cette entreprise qui compte plus de 11 000 employés tourne autour de 700 millions de dinars. Ajoutons à cela que la dette de l’entreprise est évaluée à 15 milliards de dinars et qui, contrairement à ce que pense la plupart, n’a pas été effacée mais seulement gelée à partir de 2009, par souci de ne pas faire augmenter l’impact financier des intérêts générés par le service de la dette.

Mehdi Mehenni

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