Universités de Sétif et de Batna : affrontements et saccages

Rectorat de l'université de Sétif.
Rectorat de l'université de Sétif.

Colère dans les campus. Explosion des effectifs estudiantins, mauvaise orientation et manque d'encadrement, à Sétif. Guéguerre des organisations estudiantines, luttes de clans et tribalisme dans la gestion de l'université de Batna. Le malaise est profond. Il s'exprime par la violence et la brutalité.

Pour exprimer leur courroux vis-à-vis d’une singulière orientation les obligeant à poursuivre leur cursus universitaire à la faculté des sciences économiques et commerciales, implantée au niveau du deuxième pôle de l’université Ferhat Abbas de Sétif (UFAS), des centaines d’étudiants originaires de la wilaya de Béjaïa ont déclenché un mouvement de grève hier.

Ce débrayage s’est transformé en batailles rangées entre les grévistes et leurs camarades de la faculté précitée. Les divers projectiles balancés par des groupes en furie ont saccagé l’entrée de la faculté et la façade en verre. Tous les carreaux ont volé en éclats. De nombreux véhicules d’étudiants et d’enseignants stationnés non loin du lieu des échauffourées ont été endommagés. Présents sur les lieux, les agents de sécurité de la société de gardiennage chargée pourtant de la protection des biens et des personnes se sont comportés comme de simples spectateurs. La colère des étudiants a occasionné d’énormes dégâts à la faculté. Il convient de préciser que ces graves incidents se produisent pour la première fois à l’intérieur de l’UFAS, créée en 1978.

Contacté par nos soins, un employé de la faculté, qui a préféré garder l’anonymat, pointe du doigt les responsables de l’orientation : "Sur les 12 000 nouveaux inscrits à l’université de Sétif, plus de 4200 étudiants dont 1200 de Béjaïa ont été orientés vers la faculté. En faisant un petit calcul, plus de 38% des premières années de l’UFAS poursuivent leur scolarité au niveau de la faculté des sciences économiques et commerciales. Réalisée à la va-vite, cette orientation porte préjudice à la qualité de l’enseignement et de la formation, car il n’est pas du tout aisé d’encadrer 12 sections de 250 étudiants chacune et assurer de très bons travaux dirigés (TD) à plus de 130 groupes de 35 étudiants chacun. Même si je condamne fermement les actions s’apparentant à du vandalisme, car on détruit un bien public réalisé avec l’argent du contribuable, on doit prendre en considération le vœu de nos étudiants", dira notre interlocuteur. Ne pouvant exercer dans pareilles conditions, de nombreux enseignants abondent dans le même sens.

Explosion du nombre d’étudiants

"Ce n’est pas du tout évident d’assurer un bon cursus à un aussi important contingent d’étudiants. Dispenser des cours dans de telles conditions relève de l’impossible", précisent de nombreux enseignants choqués par la tournure des événements. Ce sentiment est partagé par l’ensemble de la communauté qui parle de manipulation : "Profitant de la situation qui prévaut dans le pays et le monde, certains fonctionnaires de la politique qui se préparent pour les prochaines échéances électorales ne veulent ni plus ni moins que jeter de l’huile sur le feu."

Ratages et approximations

Approchés pour connaître leur avis, de nombreux étudiants grévistes se démarquent. «L’université Abderrahmane Mira de Béjaïa dispose pourtant d’une faculté des sciences économiques et commerciales. Nous ne comprenons pas cette manière de faire des éminences grises du ministère de l’Enseignement supérieur qui excellent dans les approximations et les ratages. Nous ne voulons rien d’autre que retourner à Béjaïa où les études sont en outre dispensées en français», dira un gréviste. Pour avoir d’amples informations auprès du recteur de l’université, nos différentes tentatives n’ont pas abouti. Notons par ailleurs que les différentes entrées de l’ancien campus de l’UFAS ont été fermées hier par des centaines d’étudiants (répétitifs) n’ayant pas été autorisés à refaire une nouvelle fois l’année. A travers un tel mouvement, les frondeurs exigent l’étude de leur cas.

Guerre de clans à l’université de Batna

Les 60 000 étudiants sont otages d’une guerre de clans qui s’affrontent par organisations estudiantines interposées. L’enjeu ? Les postes stratégiques qui gèrent les privilèges et autres intérêts d’ordre politique ou simplement tribal. Au moins quatre étudiants ont été blessés, mercredi, dans des affrontements qui ont eu lieu devant le siège du vice-rectorat chargé de la pédagogie.

Ce dernier, ciblé depuis le début de semaine par des organisations estudiantines en mal de diplomatie, a été saccagé hier alors que le vice-recteur, Gharbi Rahal, a dû quitter les lieux pour échapper à la furie dévastatrice des assaillants. Cette violence est le point culminant d’une série de grèves, sit-in et fermetures d’instituts qui se suivent depuis la reprise des cours, qui en vérité n’a pas encore eu lieu.

Dans cette université créée à la fin des années 1970, trois clans issus de N’gaous, Barika et Khenchela font la pluie et le beau temps ; ils accaparent les postes les plus importants et gare aux autres. Gharbi Rahal, vice-recteur, est visé pour avoir refusé d’assouvir l’appétit des organisations qui revendiquent des quotas de transfert d’étudiants.

Depuis quand les étudiants gèrent-ils les questions de transfert d’universitaires ?

Ceci est la conséquence des dérapages provoqués et tolérés par des responsables de l’université qui commanditaient les organisations. "Nous sommes arrivés à une situation d’intimité entre ces organisations et des responsables de l’université", explique Mabrouk Kheireddine, coordinateur du CNES à l’université de Batna. Comment en est-on arrivé là ? Le syndicaliste explique que l’instrumentalisation des organisations à des fins tactiques, mais strictement locales, a fini par reprendre du poil de la bête dans ces structures devenues maffieuses, qui aujourd’hui échappent au contrôle des instigateurs et menacent la paix sociale au sein de cette population.

Des transferts monnayés à 20 000 dinars

La rentrée universitaire est l’occasion pour ces organisations de faire des démonstrations de force pour se positionner et négocier chacune sa part. Cette année, des informations recoupées indiquent que ces organisations vendent à 20 000 DA le billet de transfert pour les étudiants en besoin. Un business parmi d’autres auxquels tiennent énergiquement les "managers" des organisations. Notre interlocuteur reconnaît, cependant, une part d’objectivité dans le comportement des étudiants, lesquels arrivent handicapés à l’université de par leur formation monolinguistique et le raisonnement défaillant, ce qui explique, toujours selon lui, la facilité avec laquelle on arrive à les manipuler.

Mais ceci n’explique pas tout. D’autres responsables universitaires, qui ont requis l’anonymat par peur de représailles, affirment qu’on en veut au vice-recteur pour d’autres raisons aussi. Gharbi Rahal, plutôt bureaucrate, pressenti comme successeur potentiel au poste de recteur, fait les frais de sa filiation qui ne correspond pas au profil admis par les tribus aux commandes de l’université. Pour d’autres, ces affrontements sont l’expression d’une guerre de positions en prévision des prochaines échéances électorales.

Très peu parmi les acteurs universitaires sortent de leur silence, si ce n’est la section CNES qui a alerté à plusieurs reprises les autorités locales et nationales sur la gravité de la situation. Une situation dont la responsabilité incombe au ministre, affirme M. Kheireddine qui revendique une intervention rigoureuse pour arrêter l’hémorragie avant qu’il ne soit trop tard.

Kamel Beniaiche/ Nouri Nesrouche

Plus d'articles de : Actualité

Commentaires (6) | Réagir ?

avatar
Mahieddine Naoun

Virez le ministre. mettez-le au musée. Videz le MESRS des incompétents (les directeurs centraux).

Supprimez les conférences régionales. Débarrassez-nous des recteurs, ils sont tous véreux sans copinage ils ne seraient jamais recteur. Réintroduisez l'Ingéniorat, les licences de 4 années. Virez le directeur de la recherche et ses comparses pour que l'on puissent équiper correctement l'université. Dans moins de cinq ans nous aurons de nouveau une Université propre et compétente. Une recette que je vous promets "success full" pour sauver ce qui reste de l'université algérienne et l'avenir de nos enfants.

Ils ont clochardisé l'enseignement supérieur.

avatar
Taha Alia

Qui peut nous expliqué comment sa fille a eu le magistère ce Mabrouk Kheirdine ? Ou bien le taux de filles qui disent qu'il est vicieux pour que je dise pas un autre mot et l'autre Rahal qu'il explique pourquoi tous les etudiants ne l'aiment pas l'université de Batna est zéro. Croyez-moi le niveau de formation de formateurs et d'étudiants est en chute.

visualisation: 2 / 6