Mohammed Harbi : "Il faut redéfinir le lien social et le vivre-ensemble"

Mohamed Harbi.
Mohamed Harbi.

C’est à l’historien émérite Mohammed Harbi qu’échoit la tâche de l’analyse globale du colloque organisé par El Watan et qui aura duré trois jours, dont il dira d’emblée qu’il aura décidément couvert tous les domaines des sciences sociales.

"L’analyse sociale et économique a pris une très une grande importance et on a beaucoup parlé du partage du gâteau en évoquant le problème des systèmes politiques", a dit M. Harbi. L’apport de l’historien tiendra autour de trois points à éclaircir. La problématique de la démocratie dans le monde arabe, dont il dira qu’elle n’est pas une réalité mais un langage : "Pour que la démocratie soit une pratique, il faut traquer partout le problème de la soumission en s’attaquant au problème de la culture politique." Selon lui, les sociétés précoloniales, qui étaient extrêmement inégalitaires et où le rang comptait beaucoup, auraient engendré une philosophie basée sur des préférences où l’origine familiale et le rang comptaient énormément et donnaient des privilèges particuliers.

"Revoir la problématique de la démocratie"

Cette mentalité serait toujours à l’œuvre dans les sociétés d’aujourd’hui et aurait été réintroduite dans nos systèmes politiques basés sur la cooptation dans le choix des responsables. L’autre phénomène qui participe à la prolongation du système de soumission est la domination masculine qui pèse de tout son poids sur la société et entraîne cette régression de la pensée arabo-musulmane que dénonçait déjà le philosophe Ibn Roch (Averroès) au XIIe siècle. Selon M. Harbi, si nos sociétés sont en retard par rapport aux sociétés chrétiennes, c’est parce qu’elles ne permettent pas aux femmes de jouer pleinement leur rôle. Les structures politiques sont calquées sur les structures familiales et le chef de clan ou de famille a le même rôle que le chef politique.

"Il faut revoir la problématique de la démocratie et s’en rapprocher le plus vite possible. Ce que nous connaissons actuellement est tout simplement une décompression autoritaire. C’est-à-dire que l’autoritarisme ne pèse plus de la même manière que par le passé. Cela est dû au fait que petit à petit, des mouvements d’opinion ont ouvert la voie à des prises de conscience", a-t-il déclaré. Pour l’historien, il faut s’attaquer au changement de mentalité de manière urgente. Il est également impératif de redéfinir le lien social et de définir de nouvelles règles de "vivre ensemble".

Le vivre ensemble signifie que l’on prend en compte la diversité des populations et des opinions et tout ce qui permet de créer cette cohésion sociale qui est mise à mal dans beaucoup de pays arabes qui ne respectent pas les langues et les cultures des minorités, comme les Kurdes et les Amazighs. Mohammed Harbi pose également les problèmes de l’égalité des sexes et de la diversité des confessions qui ne sont pas pris en compte. "Il faut réfléchir à cette diversité de confessions très vite et très sérieusement", dit-il en pointant du doigt le problème du Soudan qui a éclaté pour n’avoir pas su tenir compte de ses propres assises et des rapports entre populations et confessions.

"Sortir des phénomènes de dépendance"

Le conférencier soutient que lorsque nous avons voulu redéfinir le lien social, nous l’avons fait uniquement par rapport à la domination étrangère et laissé de côté un certain nombre de phénomènes. "Nous avons trop idéalisé notre passé, il faut le revisiter à travers toutes les hypothèques qu’il nous a laissées, comme le clientélisme ou le factionnalisme. Nous avons tout intérêt à redéfinir ce lien social que nous voyons dans nos sociétés se déliter et aller dans toutes les directions", a-t-il dit, en soulignant que des populations sont prises en otages dans leur propre pays et désespèrent. Le dernier point évoqué par M. Harbi est le problème des convergences. "C’est le problème des forces avec lesquelles nous devons nous allier à travers le monde pour essayer de sortir des phénomènes de dépendance que l’on cherche ici ou là à nous imposer", explique-t-il.

L’historien conclut qu’il est impératif de changer notre grille de lecture du monde car il a changé et connaît de nouvelles recompositions. Il faudrait substituer à la souveraineté de l’Etat et de la nation la souveraineté du peuple, tout en garantissant toutes les libertés individuelles et la liberté de conscience.

D. A.

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Commentaires (8) | Réagir ?

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Kacem Madani

Il n'y a rien à redéfinir dans le lien social et le vivre-ensemble des Algériens Monsieur Harbi ! Les Algériens peuvent et savent vivre ensemble depuis des millénaires, si tant est que les manœuvres de division et de manipulation du pouvoir prennent fin ! Ce qu'il faut, par contre, c'est de tout faire pour évacuer en urgence le virus islamiste que le pouvoir inocule dans les cerveaux du peuple pour mieux le contrôler et le soumettre ! Ce virus spirituel est seul responsable de la rupture du lien qui existe entre nous. Pour preuve, la sentence de Bouteflika : "Je ne ferais rien qui mette en cause un verset du Coran" en réponse à une question sur le code de la famille, qui relègue la femme au rang d'éternelle mineure. C'est bien beau de crier au monde que ce pouvoir de FLiN-tox aspire à la présence de femmes au pouvoir quand ces dernières sont obligées de demander une autorisation paternelle pour voyager avec leurs propres enfants ou quand la loi prévoit de la mettre à la rue en cas de divorce. Et on ose parler de libération de la femme par l'Islam ! Anaâlou Bliss !

Abrogez l'article "Islam religion d'Etat" et tout ira bien entre nous! Eh oui, et la tendresse dans les pays islamistes ? Le mot tendresse, envers le peuple qu'ils malmènent et pillent sans vergogne, existe-t-il dans le vocabulaire de Boutéflika, Ouyahia et Belkhadem ?

Voilà des questions de fond Monsieur Harbi ! Pour le reste, on peut toujours ergoter et tourner en rond pour faire les "zintelligents" et les beaux sur cette Terre que d'aucuns s'acharnent à figer alors qu'elle n'arrête pas de tourner... en rond, il faut bien l'admettre aussi !

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khelaf hellal

La garantie de toutes les libertés individuelles et la liberté de conscience, là est le fond du problème face à la montée du fanatisme, des intolérances et des irrationnalismes de toutes sortes. Vivre ensemble c'est d'abord respecter l'autre dans sa différence et vice-versa, sans vouloir lui imposer la dictature de la majorité ou le contraindre sous quelque forme que ce soit à rallier le point de vue de la majorité. C'est rendre à l'individu son libre-arbitre et son autonomie de jugement dans la société en lui offrant toutes les conditions de sa liberté de vivre et de son émancipation.

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akli ath laarat

Oui, mais ces principes, ces dispositions, il faut bien les prendre (les apprendre) queqlue part. A l'heure actuelle, dans les monde entier, c'est l'école (en plus de la famille) qui se charge d'inculquer, par exemple dans les leçons l'éducation civique. On apprend par exemple le respect d'autrui, de son voisinage, etc.

Or, en Algérie, à la place de l'éduation civique, ils ont mis les séances d'abrustissement religieux. Ils enseignent aussi l'intolérance, la suffisance, l'intégrance, l'abritissance, eccetera Et quand quelques l'échappe, à cette "école", ils lui tendent un guet-apens au niveau du carrefour de la mosquée. Et si tu l'échappes, ils ont un truc infaillible : la télé, qui fait de nos cahrmantes femmes, des anesses en puissances. Moi, je l'ai cassé, leur puta.. de téloche. Et tout ça, avec notre propre argent. Deg thamarth is, Vekher as (Men leheytou, bekher lou)

Voila donc toutes ces dispositions qui font d'un citoyen, d'un groupe, d'un peuple, des entités saines et heureuses, sont en réalité que des choses qui se cultivent au jour le jour, dont on prend soin comme d'un bébé, d'une plante fragile, avec l'attention, l'amour, la tendresse, l'affection et la passion. Ce ne sont donc ni une bénédiction, ni une malédiction, ni une génération spontanée.

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sadek Oumasseoud

Oui, en effet, Akli, l'enseignement religieux est dangereux pour les enfants. La religion n'était qu'une des étapes dans le long processus de recherche de la vérité et la compréhension du monde par l'humanité. La religion n'est donc que la science d'autrefois, aujourd'hui dépassée. elle n'est plus que l'enveloppe d'une explication scientifique.

la religion n'a pu duré tant de siècles qu'en berçant avec ses mensonges les âmes apeurées des hommes, en atténuant par des promesses notre effroi de mourir.

L'esprit de l'enfant n'est pas capable de prévention ; la notion de doute lui est inconnue. l'enfant est crédule, comme tout primitif, il croit en tout, le miracle ne surprend pas... Et c'est ainsi que l'enseignement islamiste à qui nous abandonnons cet esprit vierge (de l'enfant) y marque sans peine une empreinte ineffaçable. Cet enseignement inspire d'abord à l'enfant une crainte arbitraire de son dieu, puis il lui présentra les mysteres du culte comme autant de verités revelées qui échappent et doivent échapper à l'entendement humain.

C'est donc l'esprit sans defense de cet enfant que nous les parents allons confier, des le jeune age, à l'influence de l'enseignement religieux.

Et puis, la grossiere erreur est de croire que, en murissant, l'esprit secouera sans peine toutes ces fumées. l'homme que la religion a marqué dans la jeune enfance ne s'en débarrassera pas facilement.

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Raveh Aksel

Croyez-vous vraiment Monsieur que la culture arabo-islamique sait s'accommoder des autres ? Peuples, cultures ou religions !! J'en doute fort et j'en veux pour preuves (depuis l'avènement de l'islam jusqu'à aujourd'hui), les exemples au Moyen-Orient, dans la presqu'île arabique ou en Afrique du nord. Mon sentiment est que la culture arabo-islamique respectueuse des droits, individuels et collectifs, n'existe tout simplement pas.

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