Le parcours militant de Messali Hadj est à revisiter

Ahmed Messali.
Ahmed Messali.

Le colonialisme français et des nationaux ont nié l’existence de la nation algérienne. L’histoire de l’Algérie déjà présente dans la Numidie, qui esquisse à l’avance l’espace où elle allait grandir, n’a pas commencé avec la conquête romaine, arabe ou française, mais remonte à des millénaires où les Algériens se sont dénommés Amazighs unificateurs du pays, qui, par prédestination du langage, signifie hommes libres.

L’Algérie, comme une rivière tranquille fidèle à sa source et à ses racines, suit son cours, s’élargit, grossit, s’enrichit de nouveaux affluents, arrive à la mer, ne porte pas le nom d’un de ses affluents, si important soit-il, mais celui de sa source.

Chaque occupant de ce pays, frappé d’amnésie pour toute autre période que la sienne, fait une lecture particulière de l’histoire qu’il dénature, détourne et mutile, pour dire, chacun à sa manière, avant moi rien n’existait, avec moi tout commence. Les Français qui, 132 ans durant, expliquent l’entreprise coloniale et la justifient, disent que l’Algérie n’a pas d’histoire, n’existait pas, est une terre sans authenticité, et que ce sont eux qui ont inventé son nom, l’Algérie. Dans sa déclaration du 16 septembre 1959, où il a reconnu au nom de la France, le droit du peuple algérien à l’autodétermination, à disposer de son destin, le général de Gaulle a nié l’existence d’une nation et d’un Etat algérien dans le passé et dans la présent, mais a reconnu que la France n’a jamais réussi à pacifier, à plus forte raison à intégrer et à assimiler le peuple algérien.

Longtemps le Parti communiste français (PCF) a soutenu que la nation algérienne n’existait pas, du fait que les thèses de Staline relatives à la formation de la nation ne s’appliquent pas à son cas. Les thèses de Staline de 1913 édictent : « La nation est une communauté humaine stable, historiquement constituée, fondée sur une communauté de langue, de territoire, de vie économique, et sur une communauté spirituelle». Tels sont les cinq critères qui servent à définir une nation : l’histoire, la langue, le territoire, l’économie et la communauté spirituelle. Pour Maurice Thorez, secrétaire général du PCF, «la nation algérienne n’a pas existé, mais avait pris corps, était en formation. Il y a une nation algérienne qui se constitue elle aussi dans le mélange de vingt races».

La règle était que le Parti communiste d’un pays colonisé dépendait du Parti communiste de la puissance coloniale. L’association des Oulémas fut créée à Alger le 5 mars 1931. Son premier congrès à Alger en date du 7 juin 1936 écarte la question nationale, demande le rattachement de l’Algérie à la France, opte pour l’assimilation politique, revendique seulement l’autonomie religieuse et linguistique. La délégation du Congrès musulman algérien avec à sa tête le docteur Bendjelloul et composée notamment des cheiks Abdelhamid Ben Badis, Tayeb El Okbi, Bachir Ibrahimi et Ferhat Abbas, arrive à Paris le 18 juillet 1936 et demande au gouvernement français le rattachement politique de l’Algérie à la France, assorti de revendications religieuses et d’ordre linguistique.

Ce réformisme combattu énergiquement par Messali Hadj représentant l’Etoile nord-africaine considère qu’on peut modifier sensiblement de l’intérieur l’ordre colonial, sans le remettre en cause de manière fondamentale. Le rattachement du peuple algérien au régime colonial, qu’il ne s’est pas donné, mais qui lui a été imposé par la force, n’est pas possible.

Ferhat Abbas a adopté la politique jacobine française, s’est intégré à la culture française pour s’identifier à la France et nié, lui aussi, la nation algérienne. Dans son premier livre intitulé Le jeune Algérien, publié en 1931, il affirmait que "l’Algérie est terre française. Nous sommes des Français avec le statut personnel musulman".

Dans un article publié le 27 février 1936 dans le journal L’Entente, il déclarait sous un titre provocateur : "La France, c’est moi. Si j’avais découvert la "nation algérienne", je serais nationaliste et je n’en rougirais pas comme d’un crime… L’Algérie en tant que patrie est un mythe. Je ne l’ai pas découverte. J’ai interrogé l’histoire ; j’ai interrogé les morts et les vivants ; j’ai interrogé les cimetières : personne ne m’en a parlé". Je fais mienne la formule de Jean Lacouture le concernant : "Il était dans la France, puis à côté de la France, ensuite en dehors de la France, et enfin contre la France." La situation était trop grave, avec des risques incalculables pour l’Algérie avec les revendications des Oulémas et de Ferhat Abbas, pour respecter, les concernant, la célèbre pétition du principe de Voltaire : "Je ne partage pas vos idées, mais je me battrai jusqu’à la mort pour que vous puissiez les exprimer."

Le meeting du 2 août 1936, au stade de Belcourt, organisé par les représentants du Congrès musulman, qui devaient annoncer le rattachement politique de l’Algérie à la France, est perturbé par l’arrivée de Messali à ce stade plein à craquer. Il prit une poignée de terre dans ses mains, et, la tenant à hauteur de son bras levé vers le ciel, déclarait que "la terre algérienne n’est pas à vendre". Il regarda le peuple algérien et lui dit solennellement : "Lève- toi et marche vers l’indépendance. L’Algérie a une histoire et un passé, il y a une Algérie dominée par les Français, mais l’Algérie restera éternellement algérienne." La foule, dont de nombreux militants de l’Etoile nord-africaine est venue de toutes les régions du pays pour dénoncer les Oulémas qui ont opté pour l’assimilation politique à la France, Ferhat Abbas qui a nié la nation algérienne et les communistes algériens qui ont soutenu "l’Algérie nation en formation" fit plusieurs fois le tour du stade avec Messali en chantant et criant : "Vive Messali, vive l’Algérie indépendante." Comme le dit Fernand Braudel, académicien : "Le présent est fait de 90% du passé".

Le PPA-MTLD

Le 11 mars 1937, Messali Hadj a créé le PPA après la dissolution de l’Etoile nord-africaine et déposé les statuts du parti à la préfecture de Paris. Le PPA, comme son nom l’indique, est assimilé au peuple entier, et son autorité est celle de tous les Algériens. De son adhésion au Parti communiste français, Messali a retenu le caractère monolithique du parti et le centralisme démocratique, de sorte que le comité central s’est substitué à l’ensemble du parti, et le président du parti au comité central et au bureau politique.

Les premières années de la présidence du parti par Messali sont exemplaires. Son engagement et sa démarche en faveur de l’indépendance nationale lui valent auprès du peuple considération, estime et respect. Il incarne le parti sur lequel il règne sans partage avec le signe de la durée.

Le parti fonctionne à partir du charisme de son chef, repose sur le prestige du guide et sur le charme de son verbe. Il fait preuve de séduction, d’habileté oratoire, d’éloquence même. Venu du peuple, il se consacre au peuple. Il est aimé, admiré, respecté, adulé, vénéré, adoré par les militants, pour sa résistance au colonialisme. Sa personne fixe sa dimension historique, fait l’objet d’une dévotion particulière, ses photos sont largement diffusées, sa parole exerce un grand attrait sur les foules, ses mots ont du poids et ses gestes revêtent une signification religieuse.

Pour lui, l’hagiographie remplace la biographie, et à mesure que les années s’écoulent, les litanies de dévotion en sa faveur montent, et le schéma féodal de l’obéissance et de la fidélité au chef se met en place. Il se laisse gagner par l’ivresse du pouvoir, dès que l’écho qui vient de la base est adhésion, avant de se faire mécanisme. Il sait que la domination qu’il exerce sur toutes les instances du parti ravit et rassure les militants qui ont un faible pour le zaïm. Le comité central et le bureau politique ne tarissent pas d’éloges pour l’homme providentiel qui préside à la destinée du parti. Il les domine en renouvelant leurs membres et en les modelant à sa guise.

Il ajoute une pratique constante du mystère et du secret qui lui assurent le secret. Les éloges et les vaines flatteries justifient et encouragent le culte de la personnalité. Fort de sa position dominante, il sait jouer habilement les divisions de ses opposants, écarte des centres de décision les dirigeants qui risquent de lui porter ombrage, élimine le docteur Lamine Debaghine qui est en compétition avec lui pour la prise du pouvoir au sein du parti, afin de lui donner un nouvel élan.

Ali Yahia Abdenour

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Commentaires (7) | Réagir ?

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fawzi ben

Ferhat Abbas qui a nié la nation algérienne et les communistes algériens qui ont soutenu "l’Algérie nation en formation" mais c'est ridicule ce que dit le Yahia, l'Algerie est-elle au jour d'aujourd'hui une nation achevée? Comme la transition depuis 88 qui n'en fini tpas, c'est un pays où même les institutions étatique n'ont jamais été parachevées et Ferhat Abbas, il aurait nié la nation Algerie, pauvre Ali Yahia, cette admirable phrase de "consulté les morts" fut admirablement exposée par madam Benmansour dans son livre l'injustice et par quel raccourcis Ali Yahia nous ramène à une négation alors que cet homme prestigieux a croisé le fer avec les latinistes de l'époque et la grande colonisation qui refusaient le minimum de droits aux indigènes. La diversion est claire comme de l'eau de roche au moment où le congrés musulman afficha une grande clairevoyance pour le développement des populations et cette alliance de toutes les classes -élues-communiste et Ouléma, les populistes actionnés par la police tentaient de faire échouer toute politique du possible comme ils le feront plus tard pour les AML en les faisant éclater par leurs actes insensés et inconscients. Je pense plutôt que le combat d'Ali Yahia ressemble plus aux dirigeants messalistes : ils aimaient bien les résidences secondaires en France et en Belgique qu'aux bras de fer frontales avec les gros colons ou la prison sous protection policiére qu'aux martyrs!

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R A M E S S E S II

Guerre et pacification, Quatre témoignages d'officiers français

En quelques mois, de novembre 1977 à mars 1978, quatre officiers français ont publié leur témoignage sur la guerre d’Algérie.

Parmi eux le géneral Jacquin:

Jacquin (Henri), La guerre secrète en Algérie. Paris, Olivier Orban, 1977, 321 p.

Le général (alors colonel) Henri Jacquin est également un spécialiste du renseignement, mais à un autre niveau, et dans un tout autre esprit. Ancien de Saint-Cyr, ayant choisi la Légion, il connaît aussi bien l’Afrique du Nord que l’Indochine. Pour lui, la guerre d’Algérie est avant tout une guerre, avec tout ce que ce mot implique de violence : «La guerre est la guerre [... ], et le colonel Iks (alias Jacquin), que n’abusent pas certains aspects de la pacification, n’est pas un sentimental. La guerre du renseignement, professe-t-il, n’est pas une chanson de geste. La guerre, hélas ! se fait œil pour œil dent pour dent » (pp. 205-206).

On attend de cet homme bien placé pour connaître le dessous des cartes des révélations étonnantes. Elles ne manquent pas, en effet [2]. Mais la vision d’ensemble est très classique. On reconnaît la théorie militaire française de la « subversion » (même si le mot n’est guère employé par l’auteur), qui explique la « rébellion » par les intrigues des puissances étrangères. La première partie du livre est consacrée aux «convoitises » (communistes, panarabistes, mais aussi allemandes, italiennes, espagnoles, anglaises, américaines) qui ont visé l’Afrique du Nord bien avant 1954. L’auteur s’inscrit en faux contre l’affirmation de Malraux, «que les Occidentaux ont toujours exagéré la participation de l’étranger dans les guerres dites de libération du monde colonial». D’après lui, «la génération spontanée des soulèvements populaires appartient à cette imagerie acceptée les yeux fermés par qui se pique d’avoir bonne conscience et le cœur bien placé ; l’irréversible sens de l’Histoire permet d’esquiver regrets, remords et responsabilités ». (p. 25). Il retrouve la même conspiration mondiale tout au long du conflit : « En vérité, la France se bat contre un monde hostile, à l’affut de ses faiblesses et de ses reniements [... ] » (p. 166).

Ainsi, la thèse est claire. D’un côté, la subversion étrangère, qui exploite habilement « une situation économique, sociale et politique archaïque et même détestable par certains aspects » (p. 25). Tous les chefs du mouvement nationaliste sont des agents de l’étranger, ou sont au moins manipulés par ceux-ci : Bourguiba (p. 30-31), le sultan du Maroc (p. 75), Messali et le PPA (pp. 18-19), Ferhat Abbas (p. 14-15), les Oulémas (pp. 23-24). De l’autre côté, les gouvernements français n’opposent à la subversion que leur aveuglement, leur incapacité, leur manque de volonté. L’auteur va jusqu’à dénoncer quelques cas de trahison ministérielle : ceux de Jacques Chevallier dès novembre 1954 (p. 89-90 et 272), et d’Edmond Michelet à partir de 1959 (p. 253-267-268). L’exemple venant de si haut, il ne peut s’étonner des nombreuses complicités dont bénéficia le FLN en Algérie et en France, pour des motifs idéologiques ou autres [3].

Pourtant, les services de renseignement avaient bien fait leur travail jusqu’en 1954. Ils avaient réussi à trouver des informateurs dans toutes les organisations nationalistes, jusqu’au sommet. Car les agents de la subversion, apparemment, se laissent facilement retourner. L’auteur cite « Tewfik El Madani, l’un des Oulémas les plus respectés, agent du gouvernement général, Ben Bella, héros de l’Organisation secrète, jadis informateur de la Sécurité Militaire, et Ferhat Abbas lui-même, longtemps « honorable », correspondant de la police des Renseignements Généraux » (p. 205). Il s’étend davantage sur le cas de Messali [4] « devenu depuis 1945, sous le pseudonyme de Léon, un précieux informateur pour la police française » (p. 22). Dans ces conditions, les responsables politiques ne peuvent sans mauvaise foi prétendre qu’ils ont été surpris par le 1er novembre.

De 1954 à 1956, le FLN gagna la « bataille du renseignement » par la terreur et par la trahison (qui lui permit de connaître dès 1954 à peu près tous les informateurs des services de police ou de renseignement » (p. 272)). Tous les moyens de lutte efficace, comme les « Détachements opérationnels de protection » (DOP) spécialisés dans le démantèlement de l’OPA « rebelle », devinrent « la cible d’une campagne mobilisant les consciences contre des brutalités inadmissibles dans une indignation fort légitime si elle ne s’exerçait à sens unique sur un fond d’arrière-pensées douteuses » (p. 137).

Pourtant, le camp français réussit de 1957 à 1960 à retrouver des sources de renseignement par divers procédés : infiltration d’agents, recrutement d’informateurs bénévoles jusque dans l’entourage du GPRA, retournement de « rebelles » capturés. Il contre-attaque en menant la « guerre psychologique », laquelle vise l’effondrement du moral de l’adversaire par tous les moyens. Le plus redoutable fut la célèbre « bleuite », opération d’intoxication due au colonel Godard qui provoqua en 1958 une sanglante épuration de la wilaya III. En 1959 et 1960, le colonel Jacquin, chef du mystérieux « Bureau d’Études et de Liaisons », directement subordonné à l’état-major du général Challe, fut chargé de l’étendre à toutes les wilayas de l’intérieur. Il exploita systématiquement la méfiance et la sévérité envers les traîtres caractéristiques de l’ALN pour l’inciter à se détruire elle-même. Procédé peu élégant, que l’auteur justifie en montrant que l’autre camp n’était pas plus scrupuleux.

Le général Jacquin raconte en détail la tentative de paix des chefs de la wilaya IV, dite « affaire Si Salah » [5], qui aurait pu d’après lui terminer la guerre d’Algérie en 1960. Le regret d’avoir échoué, par la faute de la « trahison », explique sans doute le ton d’amère dérision dans lequel il se complaît. On peut néanmoins regretter qu’il n’ait pas tenté de surmonter son amertume, ni de dépasser son point de vue étroitement professionnel. En effet, quel que soit l’intérêt de ses révélations - que nous ne pouvons accepter sans preuves suffisantes - on peut douter qu’elles fournissent la véritable explication du conflit algérien. Elles n’éclairent pas les causes de l’insurrection, mais seulement l’origine des moyens dont elle a bénéficié. L’exemple de la guerre d’Espagne, auquel se réfère le général Jacquin, suffit à montrer que la subversion est une entreprise aléatoire et, en fin de compte, décevante.

Pour comprendre un peu la guerre d'Algérie, il n'ya que les services de renseignements le SDECE et le Archives cachés du FLN qu'on peut trouver les informations fiables sinon le reste c'est du pipo.

La phrase qui tue : Il s’étend davantage sur le cas de Messali [4] « devenu depuis 1945, sous le pseudonyme de Léon, un précieux informateur pour la police française » (p. 22).

Y a-t-il quelqu'un pour répondre au général même à titre posthume, je sais que Messali a beaucoup fait pour la nation algérienne mais dans l'autre sens ?

Dahmane Léon l'Africain !

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