Perspectives de la Libye : dépasser l’autoritarisme par la démocratisation

Perspectives de la Libye : dépasser l’autoritarisme par la démocratisation

Eviter la désinformation : le pétrole libyen de la période Mouammar Kadhafi était déjà entre les mains des compagnies étrangères.

Les exportations de Libye de 1970 à 2009 ont été selon le FMI de 578 milliards de dollars contre 714 pour l’Algérie, les importations de 357 contre 555 milliards de dollars pour l’Algérie Cependant pour la Libye selon certaines sources qui sont en train d'éplucher les comptes, les déclarations d'exportation officielles sont trompeuses car pour gonfler leurs fortunes les proches de l'ancien "guide" vendaient occultement une partie. Au moment de l'embargo qui en réalité n'en était pas un, le gouvernent libyen ayant toujours continué d'exporté par d'autres voies ce qui pourrait porter le montant des exportations libyennes en réalité à un montant approchant celui de l’Algérie. Le montant avancé par certains membres du CNT de 1000 milliards de dollars est certainement est gonflé. En 2010, 97% sont composées des hydrocarbures et des produits parapétroliers avec 20% pour la pétrochimie. Avant les événements, la production de pétrole représentait 1,6 million de barils par jour. Elle est en septembre 2011 à environ de 60 000 barils. La Libye est le deuxième producteur de pétrole brut en Afrique après le Nigeria disposant de la plus grande réserve de pétrole en Afrique estimées à 46,4 milliards de barils en 2011. C’est un pétrole léger de haute qualité qui concurrencera le pétrole algérien. La Libye dispose également de réserves importantes de gaz naturel (1 548 milliards de m3) qui sont jusqu'à présent peu exploitées. Par ailleurs, le montant des avoirs déposés à l’étranger, gérés par la Libyan Investment Authority (LIA), bons de Trésor achat d’immobilier, actions et participation dans des sociétés fluctue entre 150 et 169 milliards de dollars en 2011. Ce qui est étonnant lorsqu’on écoute les télévisions étrangères le mot qui revient souvent : "On va aider la Libye, on va lui donner de l’argent", oubliant que ces fonds sont la propriété de tout le peuple libyen. Cela est identique pour les fortunes déposées à l‘étranger des ex-présidents tunisiens, égyptiens, de leur famille et des proches de l’actuel président syrien.

Aussi les pays engagés dans la coalition en Libye sous l’égide de l’OTAN qui ne sont pas des philanthropes mais mus par les intérêts précis, attendent le retour de l’ascenseur ce que les financiers appellent le retour du capital engagé. Une fraction de l’argent libyen déposé à l’étranger ainsi que les revenus pétroliers futurs serviront à rembourser l’effort de guerre comme cela a été le cas Irak bien que pour ce pays une partie a été supportée par les pays du Golfe. Mais fait important à souligner pour éviter la désinformation, les anciens dirigeants libyens après l’embargo pour se donner une virginité internationale ont tout donné aux compagnies étrangères. Aussi, prétendre comme le font certains intellectuels organiques algériens aux ordres qu'il n'y a aucune peur de la contagion démocratique et que le pétrole est le véritable enjeu pour les compagnies étrangères c’est vouloir vendre une utopie et ignorer cette réalité. Car les grandes compagnies pétrolières sont présentes depuis des années en Libye. Il faut éviter de raisonner termes d’Etats/nations au moment où les transnationales transgressent les frontières géographiques dites nationales, influençant fortement les politiques socio-économiques des Etats. L’enjeu stratégique objet de rivalités sera certainement la reconstruction de la Libye dont le montant avancé serait de l’ordre de 400 milliards de dollars, prévoyant d’augmenter sa production de pétrole à 3 millions de b/j à l’horizon 2013-2015. La reconstruction sera certainement facilité grâce à la ressource humaine libyenne.

La période de Mouammar Kadhafi : autoritarisme et concentration des richesses

Nous sommes dans une situation paradoxale : un Etat riche mais une population pauvre avec un déséquilibre spatial. Comme pour la Tunisie et l’Egypte, les rapports internationaux tant du FMI, de la Banque mondiale que de l’OCDE, publiant des indicateurs macro-économiques globaux triomphants ont été biaisés, omettant d’analyser la répartition spatiale très inégalitaire. Benghazi a été délaissé expliquant que la révolte ait débuté dans cette province. La concentration excessive du revenu au profit d’une caste, la corruption généralisée, une justice aux ordres expliquent les révoltes populaires. Une nouvelle donne internationale a été introduite : les discours trompeurs, comme ceux à usage de consommation intérieure invoquant l’ennemi extérieur, l’impérialisme, ne marchent plus et sont incapables de mobiliser une population consciente des pratiques de leurs dirigeants.

Seïf al-Islam, longtemps présenté comme le dauphin de Mouammar Kadhafi, contrôle le secteur stratégique via le groupe public One-Nine Petroleum et la presse à travers One-Nine Group. Aucune publication ne peut exister sans l’accord de cet organisme intimement lié au premier cercle du pouvoir en Libye. Autre domaine sensible : les télécommunications, où c’est donc Mohamed Kadhafi, un autre fils du leader libyen, qui contrôle ce secteur. Pour l’immobilier c’est un autre fils Saadi qui le contrôle. En 2006, il avait lancé la construction d’une ville entière située dans une zone à forte valeur touristique. Et surtout c’est la famille qui contrôle les fonds souverains. Aussi sur une population active de 2,5 millions, nous avons près d’un million de fonctionnaires et une grande partie de la population presque inactive, avec des emplois fictifs via les distributions de la rente des hydrocarbures loin des segments créateurs de valeur ajoutée pour deux raisons : les femmes sont au foyer (77% des actifs sont des hommes). Le taux d’inscription des femmes dans l’enseignement supérieur dépasse aujourd’hui celui des hommes, mais sans conséquence sur le marché du travail. Deuxième raison, les subventions accordées aux citoyens ne les incitent pas à aller au travail. Pour des raisons politiques afin d’éviter la prise de conscience politique l’on a fait du peuple libyen un peuple d’assisté. Pour les travaux pénibles ce sont les employés étrangers (Marocains, Egyptiens, Tunisiens, Algériens, Africains ou Asiatiques) qui s’en chargent. 50 % de la main-d’œuvre est étrangère (Afrique, Maghreb, Asie).

L’avenir de la Libye : fédéralisme et intégration de l’Afrique du Nord

La reconstruction politique, sociale et économique de la Libye sera difficile, le CNT étant actuellement très hétéroclite (intellectuels, hommes d’affaire, islamistes, ancien cadres et ministres de l’ancien régime) et devant être représentatif de l’ensemble des régions. Il faut aller impérativement vers la réconciliation nationale afin de rétablir la sécurité des biens et des personnes. La démocratie d’une manière générale dans les pays arabes ne se fera pas du jour au lendemain.. Ce qui donne l’impression d’anarchie à court terme mais ce ne sont que des illusions entretenues par les tenants de l’ancien système (après moi le déluge, l’homme providentiel). Les institutions démocratiques tenant compte de l’anthropologie culturelle évitant de plaquer des schémas importés occidentaux sur une structure sociale particulière, sont porteuses d’un développement durable car assurant la symbiose Etat/citoyens.

La Libye n’a pas d’institutions au sens véritable du terme. Elle n’a pas également de véritable économie comme l’Algérie exceptée les hydrocarbures. Cependant, elle a des potentialités énormes surtout en ressource humaines richesse bien plus importantes que toutes les ressources en hydrocarbures. Sans entrer dans les détails, selon mes informations d’amis d’experts libyens, l’on s’orienterait vers une démocratie parlementaire se fondant sur la régionalisation économique et politique pour tenir compte d’une bonne représentativité tribale qui devrait assurer la cohésion nationale. L’une des tâches immédiates du CNT est de faire adopter une nouvelle Constitution et d’organiser des élections libres avec l’acceptation de tous de l’alternance, un régime parlementaire où le premier ministre serait issu d’une majorité parlementaire qui aura la confiance du parlement et doit gouverner en application du programme pour lequel il a obtenu les suffrages du peuple. Le président jouera le rôle d’arbitres, de garants des institutions, de l’intégrité territoriale, des libertés individuelles et de la représentation nationale dans les instances internationales. Ce renouveau institutionnel doit avoir pour objectif le développement économique dans le cadre d’un vaste ensemble comme facteur d’adaptation à la mondialisation. Les peuples de cette région ont témoigné et témoignent de leur attachement à l’union du Maghreb. La crainte de "bouleversements incontrôlables" qu’impliquerait une dynamique unitaire est à l’origine d’un conservatisme stérile et contraire aux intérêts des populations. En ce XXIème siècle, l’ère des micros Etats est résolu. la démocratisation de la région favorisera l’intégration maghrébine pont vers le Moyen orient et l’Afrique. L’avantage comparatif c'est-à-dire rentrant dans le cadre de la compétitivité internationale à l’heure de la mondialisation, du Maghreb n’est ni en Europe, ni aux USA, encore moins en Asie mais d’abord en son sein, puis en Afrique, continent vierge, source de toutes les convoitises qui abritera 1,5 milliard d’âmes à l'horizon 2025. En bref, comme pour toute Nation, la Libye sera ce que les Libyens voudront qu’elle soit.

Professeur Abderrahmane Mebtoul

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