Ramadan sans Ben Ali : accès de religiosité ou liberté de culte retrouvée ?

Ramadan sans Ben Ali : accès de religiosité ou liberté de culte retrouvée ?

Le premier ramadan sans Ben Ali a été marqué par un regain de pratique religieuse en Tunisie, où les mosquées et les écoles coraniques n'ont jamais connu autant d'affluence, un phénomène qui fait craindre un activisme islamiste, à un peu plus de deux mois des élections.

Chaque jour après l'iftar, les mosquées brillant de mille feux se remplissent et débordent sur la rue pour les prières de "tarawih". "L'accès de religiosité s'explique par un retour du refoulé. L'ancien régime exerçait de fortes pressions et une surveillance policières très stricte des mosquées", explique à l'AFP l'anthropologue Iqbal al-Gharbi. Selon elle, il s'agit donc de "l'expression d'une liberté retrouvée".

Sous le règne de Zine El Abidine Ben Ali, renversé en janvier après 23 ans de pouvoir sans partage, seuls les plus courageux ou les personnes âgées participaient à ces prières collectives sévèrement surveillées et parfois filmées par la police. Ceux qui se rendaient à la prière de l'aube, notamment les jeunes, étaient l'objet d'enquêtes ou de convocation au ministère de l'Intérieur, qui avait la charge de désigner les imams et décidait du contenu des prêches de la prière hebdomadaire du vendredi.

"A bas la tyrannie, vive la liberté", lance Mohamed, un imam de 47 ans, interdit de diriger les prières sous Ben Ali à cause de la tonalité de sa voix "trop belle" risquant d'attirer les foules.

"Mouvement islamiste rampant"

Mais pour l'universitaire Saloua Charfi, auteur de l'ouvrage Les islamistes et la démocratie, "tout ça est purement politique et procède d'un mouvement islamiste rampant". Ce nouvel activisme salafiste a motivé le lancement d'une campagne d'ONG et partis pour "un ramadan sans violence". Jusqu'à présent, aucune attaque n'a été enregistrée.

Partisan de la laïcité, l'avocat Abdelaziz Mzoughi, minimise les craintes: "Il n'y a pas de quoi fouetter un chat, après tant d'années de répression il est normal que les gens soient plus nombreux à fréquenter la mosquée durant le ramadan". Témoin du regain de la pratique religieuse, la multiplication des écoles coraniques, qui étaient sous haute surveillance et qui ont poussé comme des champignons dans la Tunisie d'après Ben Ali.

"Cette année on a vu des gens assoiffés d'apprendre, auparavant la liste des inscrits devaient être validées par le ministère de l'Intérieur", explique Foued Bouslimi, président d'un centre islamique, évoquant un record d'étudiants, entre 1.000 et 1.200 personnes de tous âges. Le régime du président déchu avait longtemps été soutenu par l'Europe et les Etats-unis qui voyaient en lui un rempart contre le terrorisme et l'extrémisme islamiste.

"Le regain de pratique est certainement en rapport avec la conjoncture politique. Ce rapport entre le fait politique et le fait religieux a déjà été constaté dans le monde musulman à la faveur des moments d'effervescence politique", analyse l'anthropologue, Mme al-Garbi. "Il y a des gens qui viennent pour Allah et d'autres pour la propagande, (mais) la mosquée doit rester un lieu de méditation et de prière", commente un pratiquant apolitique de la Cité populaire Ettadhamen (ouest de Tunis). Et de s'interroger: "Est-ce la charité recommandée par l'islam durant le ramadan, ou une pré-campagne islamiste en vue de l'élection" de l'Assemblée Constituante du 23 octobre ?

A ce propos, le parti islamiste Ennahda est donné par les sondages comme le grand favori de ce scrutin capital.

AFP

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