A l'intention de Monsieur le ministre de l'Education nationale

A l'intention de Monsieur le ministre de l'Education nationale

Djoudi Salah, professeur de français analyse des sujets du baccalauréat, session juin 2011, et interpelle le ministre de tutelle.

Lors de la correction des épreuves de français, il nous a été demandé de procéder à l’analyse des sujets notamment ceux des filières sciences expérimentales, mathématiques, techniques et gestion et économie. Il est vrai qu’au niveau de la forme, les deux sujets répondent bien aux critères de préparations de l’épreuve de français contenus dans les instructions officielles à savoir : la longueur des textes et l’accessibilité au sens, le nombre de questions de compréhension (une dizaine), la typologie et la thématique exigées en production écrite en relation avec les textes proposés.

Cependant, nous ne dirons pas autant du contenu du questionnaire que ce soit du point de vue de la conception et de la formulation des questions qui prête à équivoque, du recours abusif aux QCM, de la correction de la langue ou encore de l’absence d’exercices de création et de manipulation de la langue A cet effet, M le ministre, permettez-nous de soumettre à votre appréciation les remarques énumérées ci-après :

Sujet 1 : «La guerre d’Algérie »

Primo : première question. Cette question, où il est demandé au candidat de relever la fonction de l’auteur, est équivoque sur les deux aspects suivants :

a) Le QCM n’est supposé contenir qu’une seule bonne réponse alors que le candidat pourrait éventuellement, et à juste titre en relever au moins deux, à savoir : journaliste ou éducateur.

Il a d’ailleurs été tenu compte de cette ambigüité dans le deuxième corrigé type parvenu aux centres de correction, le samedi 25/06/2011.

b) Les fonctions de «journaliste» et «éducateur» ne transparaissent à aucun moment d’une manière claire ni dans le texte, ni dans le paratexte. En revanche, il aurait été judicieux de proposer parmi les distracteurs de ce QCM la fonction «internaute» en relation avec l’expression «site Révolution personnelle» contenue dans la source.

Secundo : troisième question. Il est tout à fait erroné de considérer les concepts « hypocrisie » et magie des mots comme principes au même titre que « sincérité ».

Tertio : sixième question. Parmi les réponses proposées dans le corrigé type, la phrase «A force, cela peut provoquer des conséquences graves que ce soit dans le domaine privé ou professionnel» ne peut aucunement constituer une bonne réponse, dans la mesure où l’expression «impact réel» qui a une valeur neutre, ne signifie pas forcement «conséquences graves» qui a plutôt une connotation négative.

Quarto : neuvième question. Il est demandé au candidat de relever l’intention communicative de l’auteur.

Là, aussi, comme cela a été le cas pour la première question, l’ambigüité laisse perplexe car,

a) Chacun des trois distracteurs peut constituer une bonne réponse.

b) Que pourrait-on reprocher à un candidat avisé qui aurait repris les trois éléments du QCM dans leur ensemble pour répondre ainsi : «L’auteur a écrit ce texte pour inciter les gens à communiquer entre eux, et pour cela, il exprime son point de vue qu’il étaye à l’aide d’avantages de la vraie communication.

Cinco : Production écrite. Au niveau de la problématique «sujet2», il est question d’interlocuteurs «jeunes» et «moins jeunes» tandis que, par la suite, dans la consigne, cette question de générations est évacuée pour laisser à des «individus d’une même communication».

Sujet 2 : la communication

Primo : Première question. Il y a là, une erreur d’interprétation qui a dérouté beaucoup de candidats.

En effet, à aucun moment du texte, l’auteur ne montre s’il est favorable, défavorableou indifférent à la guerre d’Algérie. Par contre, s’il prend position, il le fait par rapport à d’autres aspects, entre autres: la guerre d’Algérie telle qu’elle a été menée par l’armée coloniale, l’indépendance de l’Algérie, la France coloniale, les combattants algériens, la torture, la barbarie, les massacres et j’en passe.

Deuxio : quatrième question. Dans cette question, il semblerait qu’il n’ait pas été tenu compte de la différence de signification qui existe entre les mots «terme» et «expression», dans ce sens que dans le texte il n’y a que trois termes (fellagas, terroristes, et à un degré moindre, musulmans) qui sont des substituts de «combattants algériens», les autres réponses éventuelles étant, en fait des expressions (nombreux algeriens, ALN (sigle)).

Tertio : septième question :

Là, une fois de plus l’ambigüité a fait que certains candidats ont pensé que cette question contenait deux parties. Par ailleurs, en posant ce genre de question de synthéses,on a «encouragé» en quelque sorte plus d’un candidat à choisir la facilité pour rédiger leur compte rendu objectif car pour ce faire, ces derniers se sont suffis à reprendre tout simplement les éléments qui constituent les buts recherchés par l’auteur

Quarto : huitième question. La phrase à complétér, proposée dans la question est entachée de trois incorrections du point de vue syntaxique à savoir :

a) L’emploi de l’indéfini «on» à la place de «ils» comme anaphore de «les Français».

b) L’emploi de l’imparfait de l’indicatif «était» au lieu du subjonctif «fût» :

- L’imparfait du subjonctif s’impose généralement, ici parce que la proposition introduite par la conjonctition «que» qui est en prolepse (elle est annoncée à l’aide du cataphote « le fait ») dans la principale est précédée de l’emploi négatif du verbe d’opinion (appréciation) « accepter ».

c) La détermination (articles) des mots proposés pour compléter la phrase n’est pas de valeur équivalente. En effet, l’un «guerre» est indéfini alors que les deux autres «événements» et «rébellion» sont définis.

Par conséquent, la phrase correcte à proposer aurait pu être formulée ainsi : «les Français n’ont pas accepté le fait que ce fût (soit) une guerre. Ils disaient qu’il s’agissait d’événements ou de rébellion ».

Conclusion :

En définitive, beaucoup d’entre nous se demandent comment l’Algérie, pays dont une grande partie de la population maitrisait, il n’ ya pas longtemps la langue de Voltaire n’arrive plus à «dénicher» aujourd’hui des professeurs ayant les compétences et les capacités pour préparer des sujets de baccalauréat dignes de ce nom.

Par ailleurs, d’aucuns sont consternés (le mot n’est pas assez fort) qu’on puisse à ce niveau aussi élevé de notre enseignement (le pré-universitaire) laisser passer ce genre d’erreurs d’autant plus que tout le monde sait que les enseignants chargés de la préparation des sujets de baccalauréat ont deux bonnes années devant eux et s’ils consentent, il est vrai quelques sacrifices pour accomplir cette tâche, ils sont rondement rémunérés en conséquence.

Djoudi Salah (Professeur de français au lycée)

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Commentaires (12) | Réagir ?

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gestion

MERCI

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salah djoumi

Pour ce qui est de l’emploi du subjonctif, remarquez bien que j’ai nuancé mon propos a l’aide du modalisateur "généralement" là où Grevisse, dans le bon usage a recours a l’expression "le plus souvent". De plus "le fait" en question implique une appréciation (ne pas accepter = ne pas admettre)

Par ailleurs, j’aimerais avoir votre opinion sur les autres points de l’analyse.

Amicalement.

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