49 ans après...

Photo prise par Marc Riboud en juillet 1962
Photo prise par Marc Riboud en juillet 1962

Un certain 3 juillet 1962, le peuple algérien entérina par le bulletin de vote l’indépendance de l’Algérie. Les foules sortirent dans un délire de joie pour exprimer leur soif de liberté mise sous la chape de plomb du colonialisme français. Mais dans les structures dirigeantes de la révolution l’heure était aux règlements de compte, à la course au pouvoir, aux menaces et surtout aux retournements de veste. Pendant que les wilayas combattantes comptaient les derniers baroudeurs à l’intérieur, l’EMG recrutait sans discernement parmi les réfugiés et même les tribus des frontières. Il fallait gonfler les rangs pour fouler la terre algérienne en force. C’était le premier mauvais présage.

Le premier clan – celui qu’on appelle le clan d’Oujda - constitué vers la fin de la guerre de libération sort du bois. N’ayant pu faire grand-chose pendant la révolution, il entend peser sur l’Algérie indépendante. Les manœuvres avaient commencé dès l’année 1961 et se poursuivirent jusqu’au fameux congrès de Tripoli en juin 1962. Par la voix d’Ahmed Ben Bella, la dernière recrue, ce clan fit assaut d’intimidations contre le président du GPRA et tous ceux qui étaient susceptibles de lui barrer le chemin du pouvoir. Avec la complicité de quelques chefs de wilayas, et en l’absence du président du GPRA et de nombreux ministres, Ben Bella réussit à désigner le bureau politique, sensé préparer les élections de l'Assemblée. Par ce geste, Ben Bella et sa clique inauguraient un demi-siècle de fraudes électorales. Deuxième mauvais présage.

De plus en plus isolé, Benyoussef Benkhedda avait bien tenté de destituer le colonel Boumediene fin juin, mais en vain. Il était bien trop seul. Avec ses 35000 hommes et un armement jamais servi contre le colonialisme français, l’armée de l’extérieur entame, dès le début juillet, sa marche sur Alger. Elle n’obéissait et n’avait d’yeux qu’à un seul chef : le colonel Boumediene. Exit le Gouvernement provisoire qui avait porté la voix de l’Algérie combattante.

Dès ce premier mois de l’Algérie nouvelle, le GPRA est mis hors circuit par le clan d’Oujda. Un nouveau clan tenta de se constituer pour faire pièce à celui-ci qu’on surnommera désormais le clan de Tlemcen, car ayant prit ses quartiers dans cette ville. Autour donc de Krim, Boudiaf et le colonel Mohand Oulhadj, le clan de Tizi Ouzou avait tenté de barrer la route au premier. Mais la terrible machine militaire était déjà en marche. Elle entendait s’installer par les armes. La légitimité révolutionnaire authentique cédait la place à la force brute. Les maquisards de l’intérieur, sous armés, peu nombreux, usés par sept et demi d’une guerre effroyable, ne purent pas s’imposer dans le nouvel échiquier algérien. Contre toute attente, l’armée de l’extérieur investit le 25 juillet Annaba, Constantine et Skikda. On dénombra une cinquantaine de morts. Troisième mauvais présage pour l’Algérie indépendante.

Malheureusement, ce n’était que les premiers morts de la course folle pour le pouvoir. La fraternité révolutionnaire avait vécu. Fin septembre, d’autres combats eurent lieu entre maquisards de la wilaya IV et l’armée de l’extérieur. Chlef, Boughari, Sidi Aïssa et Sour El Ghozlane sont soumises à la mitraille et aux bombardements vers le début septembre. Selon un décompte de l’APS, il y a eu plus d’un millier de morts au cours de ces combats. Un millier de morts de trop était le prix à payer pour asseoir le nouveau pouvoir. Quatrième mauvais présage.

Le 9 septembre, l’armée de l’extérieur entre à Alger. Quelques jours plus tard, une commission acquise à Ben Bella et au clan de Tlemcen désignait les premiers députés. Contrairement à ce qu’on veut faire croire ce vote n’avait rien de libre. Choisis sur candidature unique, le vote était un plébiscite. Cinquième mauvais présage.

La première assemblée était un savant dosage entre les supporters de Ben Bella et un petit nombre de députés plutôt opposé au premier chef du gouvernement.

Depuis, toutes les élections de l’Algérie indépendante se ressemblent. Elles sont le fruit de fraudes répétées et de bourrages des urnes. Depuis, il y a eu le maquis du FFS avec ses 400 morts et ses trois mille prisonniers. Il y a eu le coup d’Etat du 19 juin, des assassinats de grands noms de la révolution, le printemps berbère et ses dizaines d’arrestations, octobre 1988 réprimé dans le sang de ses 500 morts, la guerre civile et ses 100 000 morts. Le retour au pouvoir d’Abdelaziz Bouteflika, un enfant naturel du système unique et inique qui a conduit l’Algérie là où elle est a sérieusement entamé le peu de crédit qui restait entre le peuple et les autorités. Quoi de neuf depuis ? C’est le retour vers le passé. Le même système politique toujours en place nous ressert les mêmes plats froids.

Aujourd’hui, 49 ans après l’indépendance arrachée au prix du sang, l’Algérien a perdu tout espoir de lendemains meilleurs. L’écrasante majorité des Algériens ne pensent qu’à quitter le pays, ou à défaut faire des affaires pour s’enrichir au plus vite. Les pouvoirs successifs ont érigé le clientélisme, la corruption, la fraude électorale et l’assassinat en modèle de gestion. Ils ont réussi à tuer tout esprit de citoyenneté dans le cœur des Algériens. Les jeunes préfèrent se jeter dans la mer pour gagner d’hypothétiques côtés nordiques que de demeurer ici. Qu’est devenue, depuis, la joie exprimée par le peuple algérien un certain 3 juillet 1962 ? Qu'ont fait les pouvoirs de l'Algérie indépendante de la solidarité révolutionnaire ?

K. Y.

Plus d'articles de : Chroniques

Commentaires (25) | Réagir ?

avatar
Alimousa Mousa

Pourquoi ne pas être réaliste et comprendre bien l'histoire de ces jeunes qui ont eu le courage de sacrifier leur jeunesse et leur vie et qui ont compris à cet âge précoce le langage révolutionnaire ? Vous qui jugez ces gens que faitez-vous ou qu'avez-vous fait depuis 50 ans dans une Algérie indépendante ? Vous osez parler d'Histoire, traiter ces gens paour leur passé qui étiez vous pour parler avec ce langage ?

-1
avatar
monciff lami

Chacun d'entre nous idéaliste, ou réalistes soit il, nous cherchons le moyen viable et efficace de nous reconstruire. Réfléchir à la meilleur façon de rebatir notre pays. Les plus sages parmi nous auront la taches encore plus ardue a collaborer dans une eventuelle ouverture politique (fin de ce régime) devant des énergumènes qui croyant détenir toutes les vérités, bien que celles ci soient multiples, basant leurs argumentations arrêtés et non évolutive, puisqu De la Non-analyse inclusives, sur des récriminations stériles qui ne pèsent pas grands choses dans le travail de reconstructions Sérieux qu'un individu ou une société dois entreprendre. Ces ''gérimiades' d'enfant en colère constante, ne sont fondés que sur une haine dirigée vers les autres (voisins) qui sont aujourd'hui bien dans une réalité autre. Combien même ces individus sont en apparence Instruits, mais en réalité pas intellectuellement Compétents, combien meme les dirigeants de ces 2 voisins a cette époque soient coupable de quoi que ce soit, mais aujourd'hui ces pays avec des générations et réalités nouvelles ont dépassé de très loin le stade ou celui qui est demuré ''concé'' sur ces béquilles d'histoires. Pourtant la recherche de la solution aujourd'hui n'est pas dans le ''Ce que TU m'a fait, mais bien plus dans ce que JE suis en mesure de réaliser aujourd'hui. Il est très claire que certains parmis nous ne démontre aucun signe ou capacité manifeste de pouvoir participer dans l'eventuelle et tres prochaine Reconstruction Saine, experte et sage de notre cher pays l'Algérie que Dieu, plus nos ''têtes'' favorise sa renaissance. Certains ont vraiment intérêt a cessez de radoter des stupidités infécondes a longueurs d'années, monopolisant et maintenant le débat en deça de qu'il doit -être afin de ce faire une ''Place virtuelle'', et se lever de leur chaise Rémuniré ou non par le DRS, plutot et Commencer le vrai travail des vrais hommes sur le terrain. Sans rancunes j'espère. El Monciff

-1
avatar
Ali Mansouri

Gardez donc vos remontrances ridicules qui révèlent le condescendant personnage que vous êtes, ce journal algérien est ouvert aux expressions libres et démocratiques, il n'interdit pas que des faits réels historiques sur les mercenaires étrangers qui ont pris l'Algérie en otage soient dévoilés, bien au contraire!! d'après votre pseudo "moncif" vous êtes sûrement tunisien ou marocain, des gens qui ont la fâcheuse habitude de s'afficher sur les sites algériens comme algériens par complexe d'infériorité ou par complexe ou pour insulter les algériens, et surtout pour distiller des mensonges ou pour contrer des révélations historiques rapportées par différents intervenants algériens, concernant la trahison de nos voisins, des faits réels qui les dérangent. Le mythe de l'aide des voisins à l'Algérie durant sa révolution n'est en fait que mensonges éhontés, le peuple algérien a dû se battre tout seul pour se libérer et libérer par la même occasion ses voisins qui ont obtenu leur "indépendance" grâce à la révolution algérienne. Nous ne pouvons construire l'avenir en faisant abstraction de l'histoire, la révolution algérienne et l'indépendance de l'Algérie ont été confisqués par des mercenaires provenant des pays voisins, ces faits sont d'une extrême gravité, ils doivent être portés à la connaissance du peuple algérien, pour l'inciter à se débarrasser des mercenaires qui détruisent leur pays depuis 50 ans. Nous n'avons pas besoin de dictateurs dans votre genre pour nous faire la morale, si ces révélations historiques, qui font tomber certaines croyances fausses sur la prétendue aide des voisins à la révolution algérienne vous dérangent allez donc ailleurs, nous n'avons pas besoin d'arrogants étrangers sur nos sites. Le débat doit s'orienter sur l'histoire et l'avenir pour sortir de l'impasse et surtout de comprendre comment l'Algérie un si grand pays riche de sa culture de son histoire en est arrivée à ce stade de désolation.

-2
visualisation: 2 / 17