Quelles conclusions tirer des consultations politiques ?

Le trio de la commission de consultations
Le trio de la commission de consultations

Fin des consultations politiques à la hussarde. Lancées dans la perspective de la révision de la Constitution, elles se sont achevées mardi soir avec la réception d’une « mystérieuse » commission ad hoc et des universitaires que le régime a sorti de sa manche pour les besoins du dialogue.

En la matière, il faut avouer que la commission présidée par Abdelkader Bensalah a fait avec ce qu’elle a pu. C’est-à-dire, discuter essentiellement avec la clientèle du régime qui s’est empressée de répondre présent et a plastronné sur le perron d’El Mouradia pour la photo souvenir. Autrement dit, en reconduisant les mêmes vieilles recettes, on n'a pas fait preuve d'imagination. Encore moins de sens d'ouverture sincère. Pendant un mois, Les Algériens ont vu défiler des responsables de partis qu’on avait perdu de vue depuis plus de dix ans, des associations réputées pour leur soutien indéfectible à tous les présidents, des personnalités en quête de lumière, et quelques personnalités néanmoins sincères (naïves ?) voyant sans doute dans ces consultations une volonté à un début de changement. Pour meubler un calendrier de rencontres plutôt vides, le pouvoir a battu le rappel de ses satellites, ses clients et tous ceux qui profitent de ses largesses.

Cela dit, contrairement à ce qu’avait affirmé la commission, ni Ali Kafi, ni Liamine Zeroual, ni Chadli Bendjedid d’ailleurs ne se sont déplacés pour être écoutés sur les réformes. Mieux encore, des partis comme le FFS et le RCD ont répondu par la négative à ce « pseudo-dialogue ». Pour faire bonne figure, la commission avait même laissé croire, un temps, que Hocine Aït Ahmed allait prendre part au dialogue. Peine perdue. Le vieux routier de l’opposition qui a qualifié le dialogue qu’il a qualifié de monologue : « Les réformes proposées par le chef de l'Etat sont peu crédibles et peu susceptibles de remédier au tsunami politique, économique et social provoqué par la décennie de sang suivie par une décennie de prédation de grande ampleur »

Ces rencontres qui ont vite viré au confessionnal ont montré si besoin est que les décideurs jouent la montre. En entretenant le suspense, en envoyant des leurres. Sinon comment comprendre que pendant que Bensalah mène des consultations dans la rue la police réprime toute manifestation contre le régime.

Cette commission n’est qu’un rouage d’une énorme mécanique politique qui risque en définitive de rouler tout le monde dans la farine. La preuve ? Cette déclaration de Mohamed Ali Boughazi : « Notre rôle est d'écouter les invités sans faire de commentaires ni apporter de jugements. Nous respectons les avis des uns et des autres et nous les transmettons fidèlement à la présidence de la république. » Comprendre, nous ne sommes que des sous-traitants. Tout se décidera donc à la présidence qui garde la main ferme sur le calendrier et les initiatives. Exit le parlement et le conseil de la nation, deux institutions décriées. Devant l’essoufflement du dialogue, le pouvoir a fait appel au Cnes pour organiser une rencontre de la société civile, appelée pompeusement assises de la société civile. Ce « souk système » n’a été organisé que pour donner quelque lustre à un dialogue inaudible et peu crédible mené par la commission de dialogue. Autrement, on ne convoque pas le tissu associatif en quelques jours pour débattre de son avenir. La manière et la rapidité avec laquelle ont été menées « ces assises », prouvent encore une fois qu’elles n’étaient qu’un cautère sur une jambe de bois d’un dialogue mal fagoté, directif, et vertical.

Quelles conclusions tirer de ces dizaines de courtes rencontres censées servir de matière première pour les réformes politiques promises ? La première et sans doute la plus importante : hormis le FLN par la voix de Belkhadem, l’écrasante majorité des invités a insisté sur la limitation des mandats du président. Ce qui constitue un sérieux camouflet à l’actuel locataire d’El Mouradia qui, rappelons-le, avait amendé la Constitution pour briguer un troisième mandat. En filigrane des propositions rendues publiques, l’autre déconvenue est la nécessité d’ouvrir l’audiovisuel. Ainsi donc, contrairement aux déclarations du président et de ses ministres qui s’acharnent encore à refuser toute ouverture, il s’est avéré que même les clients du pouvoir ne sont pas insensibles à une démocratisation du service public et surtout à une ouverture rapide du champ audiovisuel aux chaines télé et radio privées.

L’autre revendication capitale remontée à la commission est sans conteste l’indépendance de la justice. Un quasi-consensus est observé sur la nécessité de voir la justice s’affranchir du pouvoir. Enfin, devant le cafouillage dans la mise en train des réformes, l’urgence d’une meilleure transparence des réformes économiques menées est aussi exposée en sus de la lutte contre la corruption.

Les propositions recueillies par la commission des consultations seront remises au président Abdelaziz Bouteflika qui s'est engagé le 15 avril dans son discours à les prendre en considération dans le projet de réformes politiques.

S’il y a une première conclusion à tirer de ces consultations, c’est que la quasi-totalité des consultés ne trouvent aucune grâce au système actuel. D’évidence, c’est le système politique, à sa tête le président, qui s’en trouve remis en cause. Reste à savoir si vraiment Bouteflika est disposé à mener les réformes promises ? Malheureusement, de sérieux doutes planent sur l’initiative.

Yacine K.

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Commentaires (4) | Réagir ?

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sam abed

Tout le monde sait que c'est une mascarade. Par contre, à mon avis, les partis et les personnalités politiques qui ont refusé de participer auraient dû profiter de cette opportunité pour mettre le pouvoir au pied du mur en mettant des conditions préalables. La politique est une negotiation continue. Si la participation avait été conditionnée par le droit de manifester par exemple, je suis sûr que le pouvoir aurait été mis au pied du mur. Des fois, il faut éviter d'être percu comme les partisans du non.

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oziris dzeus

pour les trois sur la photo : maintenant faudra consulter un psychiatre de renommée mondiale.

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