Un chercheur algérien se confie au Monde : "On a le sentiment d'une fin de règne"

L’envoyée spéciale du Monde à Alger a rencontré Nacer Djabi, sociologue et chercheur au Cread d'Alger. Interview.

Dans quel état d'esprit se trouve la population algérienne ?
Elle est sous tension. Longtemps, elle s'est inclinée devant les deux arguments qu'on lui brandissait - la situation sécuritaire et la dette extérieure -, mais ça ne marche plus. Les gens constatent un phénomène récent en Algérie : les disparités de plus en plus manifestes. Certains n'ont rien, tandis que d'autres paradent dans des villas somptueuses, avec des voitures et un mode de vie que la majorité de leurs compatriotes ne peuvent pas s'offrir. Les anciens s'accommodent de cette situation. Pas les jeunes.
Comment interprétez-vous les émeutes qui ont lieu, ici et là, à intervalles réguliers ?
Longtemps, les mouvements sociaux ont été le fait de la jeunesse citadine. Mais ce phénomène se propage à présent partout dans le pays, comme une vague. Les jeunes expriment ainsi leur ras-le-bol du chômage, de la mal-vie, des injustices... Ils choisissent souvent le moment des élections. Ils bloquent les routes, pillent et brûlent, plutôt que de participer à ce qu'ils estiment être une mascarade.
Si le pouvoir essayait d'analyser ces signes, ce serait positif. Mais il a du mal à décoder ce qui se passe. On a le sentiment, aujourd'hui, d'un pourrissement, d'une fin de règne. Le pouvoir n'a pas de vision d'ensemble de la société. Il envoie la police réprimer les manifestants, mais ne gère plus les choses. Tout cela est inquiétant.
Il y a de la pauvreté, mais aussi une frénésie d'achats, en particulier de voitures. N'est-ce pas paradoxal ?
En apparence seulement. La seule possibilité d'investissement, pour la plupart des Algériens, c'est la voiture. Les banques accordent beaucoup de facilités pour ce crédit. Et il y a un manque crucial de transports en commun. Le salaire moyen ne permet pas aux gens de s'acheter un logement, donc de se marier. En revanche, grâce au crédit, ils peuvent avoir une voiture. Elle leur permet de faire semblant d'être libres. Et la voiture sert à tout, y compris de chambre à coucher ! Pour moi, ce boom extraordinaire de l'automobile en Algérie n'est pas une preuve de richesse, mais plutôt de crise.

Propos recueillis par Florence Beaugé

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Commentaires (11) | Réagir ?

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camelia

êtes vous sérieux, ou est ce de la dérision?Donnez moi une période de répit qu'aurez pu connaitre l'Algérien dans sa vie quotidienne? je pense que nous ne sommes pas dans la caricature, les faits sont têtus et avérés. Certes nous ne mourrons pas de faim mais nous tirons le diable par la queue lorsque nous ne faisons pas partie des initiés.

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Ali BEN

On a jamais été aussi mal dirigé que depuis l'arrivée de cette racaille du far west du pays!!! J'appelle à l'armée républicaine pour sauver ce qui pourra l'etre, car sinon, le déluge est trés proche; n'oublions pas que les petits ruisseaux font les grands fleuves, plutot les grands OUED!!!... A bon entendeur, salut...

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