Mohamed Benchicou invité de RTL : « L'incident est clos, mais la crise est là »

 Mohamed Benchicou invité de RTL : « L'incident est clos, mais la crise est là »

La première radio de France a invité le site lematindz.net à commenter la polémique autour de Nicolas Sarkozy, dans son journal de 7 heures ce vendredi 30 novembre 2007.

RTL : Avec nous aujourd’hui le journaliste et écrivain Mohamed Benchicou, directeur du quotidien Le Matin suspendu par le président Bouteflika mais qui est revenu en ligne (lematindz.net) et auteur d’un livre « Bouteflika une imposture algérienne » qui lui a valu deux ans. Mohamed Benchicou pensez-vous que l’incident est clos ?

Réponse : Ne nous y trompons pas : l’incident est clos diplomatiquement, Sarkozy va faire le voyage à Alger, la polémique va s’estomper, mais elle aura révélé une vraie crise, un vrai climat de méfiance, entre les Algériens et Sarkozy, entre le pouvoir algérien et Sarkozy, une vraie frustration algérienne, un sentiment d’humiliation réel né des derniers comportements arrogants de Sarkozy sur les crimes coloniaux et l’immigration et des faux-pas diplomatiques de Sarkozy (notamment le discours de Dakar et l’incompréhensible position sur le Sahara occidental).
Sarkozy a touché à deux domaines sensibles qui ont fait l’union sacrée contre lui : la guerre de libération et la question du Sahara Occidental.
Les Algériens s’estiment fondés à redouter que derrière ses attitudes se cache une stratégie de reconquête néo-coloniale et ils ont voulu lancer un message d’exaspération à Nicolas Sarkozy.

RTL : Mais quand même, cela justifie-t-il les propos antisémites du ministre algérien ?

Réponse : J’y viens. Mohamed Chérif Abbès, chargé sans doute d’apporter la réplique, a exploité tout cela à sa manière, pour des objectifs politiciens, en leur donnant une teinte islamo-conservatrice, haineuse, odieusement antisémite, croyant ainsi caresser la fibre populiste dans le sens du poil. Mohamed Chérif Abbès ou le chef du gouvernement Abdelaziz Belkhadem ne parlent pas au nom des Algériens qui condamnent le recours aux arguments antisémites, exécrables et qui attisent la haine. Ils font partie de la frange politicienne opportuniste qui fait de la guerre et de la mémoire un fonds de commerce mais qui n’en croient pas un mot.
La situation a fait que dans un contexte de démission et de répression des voix républicaines et des intellectuels, ce sont les voix haineuses, opportunistes et islamo-conservatrices, comme celles de Mohamed Chérif Abbès ou du chef du gouvernement Abdelaziz Belkhadem, qui conduisent l’indignation algérienne.

RTL : Mais vous-même, Mohamed Benchicou, qui n’êtes pas un islamo-conservateur et qui avez été emprisonné par le régime algérien pour vos écrits, vous écrivez dans votre dernier éditorial sur le site lematindz.net « Une ‘’ relance des relations algéro-françaises’’ qui reposerait sur notre silence devant le mépris du président français, ne conduirait-elle pas, d’une façon ou d’une autre, à une recolonisation de l'Algérie, à son arrimage à des intérêts obscurs, à un nouveau protectorat en quelque sorte ? »

Réponse : Oui. Et il n’est pas besoin d’utiliser des arguments antisémites exécrables et condamnables pour décrire un fait incontestable : ce n’est pas Mohamed Chérif Abbès qui a déclenché les hostilités, c’est Sarkozy, alors candidat, en s’alignant brutalement sur les thèses des nostalgiques de l’Algérie française, dans son entreprise de séduction de l’électorat lepéniste. Ensuite, comme prisonnier de ce choix, il y eut toute une série de gestes inamicaux : le rejet dédaigneux, un brin outrecuidant, de la repentance. Il y avait une façon diplomatique de refuser la repentance. Sarkozy a choisi celle du mépris. Puis le discours de Dakar, puis la politique sur l’immigration, puis l’ADN, et les diatribes anti-musulmanes rapportées par le journaliste de Libé. Puis, en tant que président, en s’alignant brutalement sur les thèses marocaines à propos du Sahara, en exprimant le souhait que le plan marocain d’autonomie pour le Sahara Occidental sous la souveraineté marocaine soit « couronné de succès » et en le considérant comme « un élément nouveau de proposition après des années d’impasse », a dit le président français ».
Ce fut une faute lourde à laquelle rien ne l’obligeait puisqu’il aurait suffi à la France de s’en tenir aux résolutions de l’ONU qui reconnaissent le droit inaliénable du peuple sahraoui à l’autodétermination et à l’indépendance. C’est une faute qui a cimenté le consensus du régime contre lui. Jamais Mohamed Chérif Abbès n’aurait tenu de tels propos sans l’aval – ou l’instigation – de la hiérarchie militaire.
C’est pourquoi, avec l’Algérie, Nicolas Sarkozy a semé le doute sur ses projets qui se trouvent, du coup, frappés de suspicion : que vise-t-il ? Un nouveau protectorat ? L’allusion à Israel dans les propos de Mohamed Chérif Abbès résume toute la méfiance algérienne vis-à-vis du projet d’Union méditerranéenne qui rencontre beaucoup de réticences en Algérie…
L’évènement pose toute la question de la redéfinition des rapports algéro-françaises sur un vrai respect mutuel…

Pour écouter l’interview sur RTL

Pour écouter l’interview de Benchicou sur Radio Suisse Romande

Pour suivre Benchicou sur le Forum du Nouvel Observateur

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Commentaires (15) | Réagir ?

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ali elmenfi

l'hydre semble bien vous avoir fait perdre la tête, Monsieur Tafrara. Alors puisque je suis « démasqué », - ca, ca me fait sourire :) -je vais continuer ma route en vous laissant réfléchir au sens de mes réponses sibyllines qui, apparemment, vous intriguent. Votre perspicacité vous y conduira sûrement avec l'aide non pas de Dieu, mais d?Hercule, un demi dieu.

Cordialement

elMenfi

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