Libye: à Misrata, les "thowar" tentent de contenir les chars de Kadhafi

Un insurgé a la jambe à moitié arrachée par une RPG. Le front est mouvant mais la logistique suit: un poste de premier secours a été installé à quelques centaines de mètres des combats, dans le garage d'une maison.

Dans le crépitement des balles et des shrapnels d'obus et de roquettes, des centaines de thowar, les combattants rebelles libyens, foncent vers Al Ghiran, aux portes de la ville assiégée de Misrata: les chars pro-Kadhafi avancent vendredi sur la route de l'aéroport.

L'essentiel des affrontements se déroule désormais dans cette zone au sud-ouest, à l'extérieur de la cité d'un demi-million d'habitants dont l'armée a été chassée lundi.

10H00. Quelques projectiles explosent, mais la journée commence plutôt calmement. Dans les faubourgs ouest de Misrata, l'étudiant Hassan Bayoudi, un maigrichon à lunettes, râle: "l'armée de Kadhafi a tiré sur mon école et bombardé ce côté". Il montre un impact de roquette qui a éventré la façade.

Les détonations s'intensifient. Les pick-up rebelles surmontés de canons antichars, anti-aériens ou mitrailleuses lourdes, renforcés de plaques métalliques changées "tous les trois ou quatre jours tellement elles prennent d'impacts" selon un thowar, convergent vers le front.

L'un d'eux transporte, outre les guerriers amateurs, un mouton trouvé en route - le dîner du soir.

Un container de transport maritime vert et un tas de sable servent de barricade et coupent la route bordée de cyprès. La rangée de lampadaires est miraculeusement intacte. En face, à plus d'un kilomètre, deux tanks pro-Kadhafi avancent. Quatre au total ont convergé vendredi vers la troisième ville de Libye, un au moins a été détruit.

Les thowar lèvent de temps en temps le nez au-dessus de la barricade, invoquant la protection divine aux cris de "Allah akbar". L'un porte un gilet pare-balles volé sur un soldat loyaliste, un autre arbore des lunettes d'aviateur, un troisième un tee-shirt avec le portrait de Che Guevara.

Un combattant charge un canon antichar. La visée est arrachée, il place son oeil au cul de l'arme pour la régler.

"L'Otan devrait faire mieux que ce qu'ils font en ce moment", grogne Jaffar Marouk. "Je suis sûr qu'ils peuvent voir clairement l'ennemi, et ils devraient pouvoir faire feu", estime le trentenaire, petites lunettes et bouc noir.

Le feu ennemi est continu et fait trembler le sol. Certains thowar décident de prendre les pro-Kadhafi à revers. Les pick-up démarrent en trombe, contournent les chars par le sud-ouest et arrivent dans une petite localité aux maisons de plain pied, juste à côté de l'aéroport.

Leur mouvement a été repéré, les pro-Kadhafi leur tirent dessus, les jeunes hommes s'abritent dans une maison. L'un deux charge une mitrailleuse lourde, prend une ceinture de munitions supplémentaire sur l'épaule, lance "Allah akbar" et ressort dans la rue où les balles sifflent.

L'aspirant Rambo lâche toutes ses munitions sur le camp adverse et revient dans la maison, indemne. D'autres lui succèdent et font mouche à coup de mitrailleuses de 12,7 mm et de bazooka: un pick-up gouvernemental flambe sur un trottoir.

Un insurgé a la jambe à moitié arrachée par une RPG. Le front est mouvant mais la logistique suit: un poste de premier secours a été installé à quelques centaines de mètres des combats, dans le garage d'une maison.

Le blessé est chargé dans une ambulance. Un autre arrive, criblé de shrapnels au torse et au visage, couvert de sang. Les médecins lui prodiguent des soins tandis qu'il râle de douleur, allongé en position christique sur une civière.

A côté du garage, deux hommes s'enlacent en pleurant. Leur ami a été touché à la tête par un tireur pro-Kadhafi embusqué. "Son état est très critique", confie le docteur Khalit Zalook.

Vendredi, les combats à Misrata avaient fait 18 morts et 83 blessés à 21H00 (19H00 GMT), selon des sources médicales.

AFP

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