Faut-il brûler Mohamed-Chérif Abbas ? Par Mohamed Benchicou

Faut-il brûler Mohamed-Chérif Abbas ? Par Mohamed Benchicou
Paris exige le bûcher pour Mohamed-Chérif Abbas ? Voilà que s’exécutent à Alger les caméristes du nouveau siècle ! Vite, vite, brûlons ce ministre « inconscient » en plus d’être « conservateur » et qui compromet « la normalisation des relations algéro-françaises » ! Mais de quelle normalisation parle-t-on ? Et au profit de qui ? Et à quel prix ? Encore une fois, nos intellectuels, nos opposants et nos analystes se scindent en deux tristes équipes : les muets et les nouveaux mendigots. Les premiers, manquant au devoir d’éclairage de la société algérienne sur la stratégie dominatrice de Sarkozy, évitent de se mêler des affaires qui les regardent et préfèrent laisser Mohamed-Chérif Abbas répliquer avec d’impardonnables arguments antisémites et le philosophe Labica défendre l’Algérie à leur place. Les seconds, plus exubérants, se découvrent une âme de soubrette au service de l’Elysée et vilipendent, à la volée, ce Mohamed-Chérif Abbas qui s’autorise à « fâcher la France » et à compromettre le « prochain sommet entre Bouteflika et Sarkozy ? » Ah, les plumes des babouches ! Il faudrait donc, à tout prix, gagner l’amitié de Sarkozy même aux dépens de notre mémoire, de nos martyrs, de nos enfants, de notre avenir, de nos intérêts ? A tout prix, même aux dépens de notre dignité ?
Mais enfin, ouvrons les yeux : c’est Sarkozy, et pas Mohamed-Chérif Abbas, qui a multiplié, en un an, les gestes de mépris et d’inimitié envers l’Algérie ! C’est Sarkozy qui blesse l’Algérie, qui relaie, volontairement, le discours des nostalgiques de l’Algérie française, qui refuse de s’arrêter sur les crimes coloniaux ; c’est Sarkozy qui a prononcé le discours humiliant de Dakar sur la colonisation; c’est Sarkozy qui a développé ces thèses dégradantes envers les musulmans ; c’est bien Sarkozy qui a choisi de donner un camouflet à la diplomatie algérienne en défendant les thèses marocaines sur le Sahara occidental, au mépris des décisions des Nations-Unies…
En un mot, c’est Nicolas Sarkozy, et pas Mohamed-Chérif Abbas, qui compromet « la normalisation des relations algéro-françaises » en se comportant en « nouveau maître », en exigeant de l’Algérie qu’elle se soumette à son arrogance, en piétinant ce qui nous reste de fierté…
Comment alors, ne pas se réjouir de ce qu’il existe encore une Algérie qui ose encore dire « non » aux nouveaux conquistadores mais qui, hélas, devant la démission des voix démocrates et l’obséquiosité des nouveaux indigènes, en est réduit à se faire entendre par la voix encombrante de Mohamed-Chérif Abbas et par quelques sirènes islamistes.
Car Mohamed-Chérif Abbas a dit « non à l’humiliation », à sa manière, c'est-à-dire à la manière des nationalistes chauvins, en empruntant à l’odieux antisémitisme les arguments que lui offraient pourtant les innombrables dérapages de Sarkozy.
Mais ne confondons pas : c’est son antisémitisme qui est en cause, pas son réquisitoire.
Alors, de grâce, ressaisissons nous : plutôt que d’adopter la posture du mort ou celle du caniche, réfléchissons à la stratégie algérienne de Sarkozy. Une « relance des relations algéro-françaises » qui reposerait sur notre silence devant le mépris du président français, ne conduirait-elle pas, d’une façon ou d’une autre, à une recolonisation de l'Algérie, à son arrimage à des intérêts obscurs, à un nouveau protectorat en quelque sorte ? Et cela n’a-t-il pas déjà commencé avec la concession de nos banques puis, demain, de l’énergie, à des holdings occidentaux ?
Réfléchissons comme des gens libres et souverains sur les risques et les avantages du projet de l’Union méditerranéenne, sur les conséquences de la privatisation du CPA, sur les appétits français (et autres) autour de nos télécoms, sur le naufrage qui menace notre pays, le naufrage ou la mort programmée…
Faut-il laisser un Etat faible hypothéquer le futur plutôt que de l’alerter sur le précipice qui nous attend ? Oh, bien sûr, répliquera-t-on,cet Etat est dirigé par l’artisan de notre déchéance, Abdelaziz Bouteflika, et par des clans gangrénés par la corruption…Est-ce une raison pour démissionner ? S’il faut aider Bouteflika à réaliser l’irréparable qui guette le pays, alors soit, aidons Bouteflika ! Mais finissons-en avec les courbettes ! Tirons de notre passé la fierté pour négocier, d’égal à égal, notre avenir. Arrêtons de nous faire les vils serviteurs des thèses françaises ou américaines, de renvoyer dos à dos « crimes coloniaux » et « crimes du FLN », de fuir le débat sous prétexte de tourner la page ! Et quelle serait la nouvelle page si nous n’aurions rien retenu de la précédente ?
Redevenons nous-mêmes ! C’est alors qu’on pourra parler de « relance algéro-française » et que, sans épouser les avanies de Mohamed Chérif Abbas mais sans le brûler, on pourra dire, souverainement : « Bienvenue M. Sarkozy ! »

Mohamed Benchicou

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Commentaires (21) | Réagir ?

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Abou Kalypse

bravo pour votre analyse mais permettez moi de souligner que les intellectuels critiques existent et quand ils s'expriment c'est le black out total. avez vous lu l'ouvrage 'lEtat rentier en crise publié par l'OPU??

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Mohamed Brahami

C?est vrai qu M. Sarkozy fait du Lepénisme. C?est aussi, peut être, vrai que M. Sarkozy fait preuve d?une forme de néo colonialisme. C?est également vrai qu?il a beaucoup d?idées derrières la tête. Mais comme l'a si bien expliqué, M. Abdeslam Ali Rachedi, ce n?est pas une raison pour voler au secours de MM. Chérif Abbas. Je suis d?accord avec M. Ali Rachedi pour qui « la repentance » est un sujet créé de toute pièces pour les besoins de « la cause » (c'est-à-dire le 3ème mandat). A mon humble avis ce n?est pas en barrant la route à Sarkozy (en brandissant le « spectre » de la repentance) que nous allons éviter le 3ème mandat de Bouteflika. Je rejoins M. A. A. R. pour qui cette affaire de repentance n?est ni innocente, ni spontanée. Elle a été « activée » uniquement pour nous divertir afin d?empêcher les débats de fond. Personnellement, je suis allergique aux déclarations des gens du sérail ; je n?ai jamais cru qu?ils pensent réellement ce qu?ils disent. C?est pourquoi, même quand il leur arrive de dire vrai, j?ai de la peine à croire à leur sincérité.

Il faut savoir que ces rentiers peuvent tout accepter sauf de bonnes relations avec la France (avec l'Allemagne, les états unis, l'Italie, l'Espagne c?est toléré). Et ne croyons surtout pas que c?est pour des raisons historiques ! Non, c?est tout simplement pour des raisons « linguistiques » !. Je sais que ça parait simpliste voire bête de ramener le problème à un tel niveau, mais j?ai la faiblesse de croire que la remise en cause de l'idéologie dominante, basée sur l'arabo-Islamisme, ne peut venir que d?un mouvement maîtrisant parfaitement la Langue Française. Et M. Chérif Abbas et consorts le savent parfaitement.

Enfin, nous sommes obligés de constater, que - pour distraire la galerie - ce sont toujours les gardiens du temple qui choisissent les sujets. C?est vraiment regrettable.

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