Billem, l'autre débâcle de la justice algérienne Par Youcef Rezzoug

Billem, l'autre débâcle de la justice algérienne Par Youcef Rezzoug
La cour de justice de Tizi Ouzou a prononcé samedi la peine de mort par contumace à l'encontre de Hassen Hattab, ex-chef du Groupe Salafiste pour la prédilection et le Djihad ( GSPC), et de son co-accusé, Mohammed Billem, qui seraient impliqués dans la tentative d'assassinat en 1993 du général à la retraite, Kamel Abderrahim. Tout ressemble jusque-là à une "banale" affaire de justice liée au terrorisme, comme celles que traitent par centaines les tribunaux algériens. Sauf qu’il y a Mohammed Billem…

Un petit retour sur les archives et sur tout ce qui avait été écrit en 2002 sur Mohammed Billem, présenté par la cour de Tizi Ouzou comme co-accusé de Hattab, nous renseigne sur l'état de déliquescence de la justice algérienne. L'on n'est plus comme à l'accoutumée dans des procès expéditifs ou des jugements prononcés au bon vouloir des princes en place. Nous sommes carrément dans le pis-aller. Le cas de Mohammed Billem, qui fut présenté par un journal comme un "repenti" se trouvant en France pour des soins alors que pour d'autres quotidiens nationaux il fut arrêté d'abord en 2002 puis transféré après un long séjours en prison à El-Harrach dans un hôpital parisien, est l'illustration parfaite du pourrissement de l'administration judiciaire de notre pays. Qui est donc Mohammed Billem ? Franco-algérien résident au Nord de la France, à Lille, avait été arrêté en 2002 au port d'Alger, en exécution d'un mandat d'arrêt émanant du tribunal de Rouiba, à l'est d'Alger. Il avait été conduit ensuite à la prison d'El-Harrach en attendant l'instruction et le jugement de l'affaire pour laquelle il était poursuivi, à savoir la tentative d'assassinat en 1993 du général à la retraite kamel Abderrahim. L'enquête sur laquelle s'est appuyée la justice était menée par la gendarmerie de Rouiba. L'emprisonnement de Mohammed Billem avait suscité en 2002 beaucoup de remous à Alger ainsi que à Lille, sa ville natale, ou des manifestations avaient été organisées devant le consulat algérien. Son avocat français qui avait fait le déplacement à Alger avait demandé à l'époque que soit diligenté une commission rogatoire pour vérifier en France que son mandant, Mohammed Billem, n'avait jamais mis les pieds avant l'année 2000 en Algérie. Car il est rentré via Oran au cours de cette année, mais il n'avait pas été inquiété par les services de police. Et c'était la première fois qu'il bénéficiait d'un passeport algérien auprès du consulat de Lille. L'argument de l'avocat était simple : puisqu'il n'avait pas de passeport algérien en 1993, il ne pouvait donc rentrer au pays qu'avec un visa alors que nulle trace d'une telle demande par le concerné n'avait été trouvée au niveau des services consulaires. Face à cet argumentaire, il ne restait que l'hypothèse d'un passage clandestin via les frontières Ouest du pays et cela. Mais toute cette hypothèse et d'autres suppositions n'avaient pas tenues devant la demande de confrontation de l'accusé avec les témoins qui auraient pu l'identifié sur une photo prise en 1986 à la gare de Lille avec son cousin habitant tout près de Rouiba et recherché pour activité terroriste. D'ailleurs, cette photo même qui était à l'origine de déclenchement des poursuites à l'encontre de Billem. Après perquisition au domicile du cousin, qui était connu des services de sécurité, la brigade de la gendarmerie s'est emparée de cette photo pour la montrer à plusieurs témoins, dont l'ex- général Abderrahim, afin d'identification. Dans une communication téléphonique avec le journal Le Matin, l'ex-général avait nié en 2002 avoir identifié Mohammed Billem comme étant l'un des terroristes ayant tenté à sa vie. C'est la raison peut-être pour laquelle la demande de confrontation exigée par l'avocat de défense de Billem avait été rejetée. C'est ainsi et après quelques mois d'emprisonnement à El-Harrach, la justice a décidé en 2002, presque en catimini, de libérer Billem en lui rendant son passeport pour quitter le territoire national en direction de Lille. C'est vrai, il garde des séquelles intarissables de son passage en prison à El-Harrach. Mais ce n'est pas la raison et loin de toute volonté de notre part, aujourd'hui comme hier, quand Le Matin était dans les kiosques, de dire ou de plaider l'innocence ou l'inculpation de Billem ( lire les éditions du Matin en 2002 sur cette affaire ). Le droit exige tout d'abord le respect du principe de la présomption d'innocence et un minimum de respect pour les justiciables en présentant avec un peu de sérieux des dossiers enrôlés en justice. Messieurs les juges, prenez exemple des autres pays totalitaires et même en bâclant, mettez un peu les formes !

Y.R

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Commentaires (4) | Réagir ?

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rachid kesri

Merci Mr Mouhdhou... de nous faire rire de temps en temps, LISEZ AMI MOH, CA VOUS FERA DU BIEN.

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wahab benidir

Ce n'est ni la première, ni la dernière ; pour mémoire : l'affaire BENSAAD à Constantine qui a vu la condamnation à mort de cet universitaire (ennemi juré des islamistes poursuivi pour appartenance à un groupe (!) terroriste) qui ne plaisait pas au prince-conseiller du Président de l'époque. Quand la politique envahit le judiciaire, quand il n'y a ni séparation des pouvoirs où voulez-vous trouver l'indépendance de la justice ?

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