Guerre des mots entre Français et Allemands sur la Libye

Les tensions entre les deux moteurs de l'Union européenne sont exacerbées par l'intervention militaire contre le colonel Kadhafi.

La Libye a exacerbé les tensions entre les Français et les Allemands, ces derniers accusant Paris d'avoir mené l'intervention contre Kadhafi pour des raisons de politique intérieure. Les deux capitales, qui se veulent le tandem moteur de l'Union européenne, ont évité jusqu'ici de laver leur linge sale en public, bien que leurs positions soient diamétralement opposées. La France a poussé à l'intervention militaire, l'Allemagne n'en voulait pas et a refusé d'y participer, s'abstenant pour la première fois au Conseil de sécurité des Nations unies lors du vote d'une résolution soutenue par ses alliés, France, Grande-Bretagne et États-Unis. Mais la presse allemande témoignait dimanche de l'exaspération des deux camps.

Dans le Spiegel, l'hebdomadaire le plus influent d'Allemagne, un intellectuel français proche du président Nicolas Sarkozy qualifie le chef de la diplomatie allemande de "catastrophe". De son côté, un ancien ministre des Affaires étrangères allemand reproche au gouvernement de ne pas avoir su empêcher la France de faire adopter la résolution du Conseil de sécurité de l'ONU autorisant le recours à la force pour protéger les civils en Libye. "La France, qui entretenait des relations étroites avec la Libye et (le colonel Muammar) Kadhafi, a ressenti le besoin de couvrir ses agissements par une intervention militaire", a déclaré le social-démocrate Frank-Walter Steinmeier, chef de la diplomatie jusqu'en 2009, au quotidien Frankfurter Allgemeine Zeitung.

Prudence partagée

Le dirigeant social-démocrate dit tout haut ce que dit en privé l'actuel chef de la diplomatie, Guido Westerwelle, d'après son entourage. Celui-ci soupçonnerait la France d'avoir poussé à l'intervention par mauvaise conscience pour ses erreurs en Afrique du Nord, où elle a notamment soutenu le président tunisien Ben Ali presque jusqu'à sa chute. "Je n'ai jamais vu dans ma carrière une décision d'intervention militaire aussi influencée par les intérêts nationaux d'un État", poursuit Frank-Walter Steinmeier en référence à la France. Pour lui, Berlin aurait dû s'efforcer de bloquer la résolution en cherchant l'appui des États-Unis.

Avocat déclaré de l'intervention contre le colonel Kadhafi, l'écrivain Bernard-Henri Lévy mène la charge contre Guido Westerwelle. "Guido Westerwelle est une catastrophe", dit-il. La chancelière "Angela Merkel a le pire ministre des Affaires étrangères depuis très longtemps". "Nous avons perdu beaucoup de temps à cause des Allemands, et c'est une catastrophe avant tout pour les Libyens, mais aussi pour les Allemands, qui paieront cher leur abstention", prédit-il. La tension a monté dès le début de la crise libyenne. Quand la France, seule, a décidé le 10 mars de reconnaître le Conseil national de transition, formé d'opposants basés à Benghazi comme le représentant légitime du peuple libyen, Angela Merkel a remarqué que cette reconnaissance n'avait pas de sens en droit international.

L'Allemagne a empêché que l'Union européenne approuve l'opération militaire. "Un certain nombre d'autres pays partagent cette prudence. Mais c'est l'Allemagne qui s'est opposée", a relevé le ministre français des Affaires étrangères Alain Juppé. Depuis des années, Nicolas Sarkozy et Angela Merkel se sont bousculés mutuellement, avant de parvenir à chaque fois à retrouver une position commune. Sur la Libye, ils sont encore loin du compte.

AFP

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