Discussions orageuses à l'Otan sur la Libye

La France, plutôt isolée, refuse que l'Alliance prenne le contrôle des opérations contre Kadhafi.

L'orage qui menaçait depuis des jours au sein de l'Otan a fini par éclater lundi, la France refusant que l'Alliance remplace la coalition internationale en Libye, et la Turquie rejetant l'idée de lui donner carte blanche pour imposer une zone d'exclusion aérienne. Au cours d'une réunion, les ambassadeurs d'une majorité des 28 pays membres ont confirmé leur souhait que l'Alliance relaie au plus tôt la coalition qui a lancé la campagne de bombardements samedi, selon les diplomates. Un point de vue qu'a résumé le chef de la diplomatie luxembourgeoise Jean Asselborn, venu à Bruxelles pour une réunion européenne qui avait aussi la Libye à son ordre du jour : "Mon pays, comme beaucoup d'autres, n'a qu'un seul moyen de s'engager, c'est dans le cadre de l'Otan." Mais Paris, bien qu'assez isolé, renâcle devant ce qu'impliquerait un tel affichage : si l'Otan dirige l'intervention, les pays arabes ne voudront pas s'y rallier et, pire, finiront par la dénoncer, répète la France.

Actuellement, les opérations de la coalition emmenées par les États-Unis, la France et la Grande-Bretagne, sont nationales et coordonnées par les QG américains de Ramstein (ouest de l'Allemagne) et Naples (sud de l'Italie). Sans exprimer sa préférence, le secrétaire américain à la Défense, Robert Gates, a déclaré, dimanche, que son pays espérait transmettre la responsabilité de la coordination des opérations dans les jours à venir, soit "à la France et à la Grande-Bretagne", soit à "la machinerie de l'Otan". Le ministre français des Affaires étrangères, Alain Juppé, à l'issue de la réunion de l'UE, a observé que "l'Otan était disposée à venir en soutien de la coalition dans quelques jours", semblant réserver un rôle complémentaire et non central à l'alliance. La position française est ainsi décryptée par un responsable militaire : "Il faut trouver une formule permettant de recourir aux moyens de l'Otan, sans que son drapeau apparaisse."

Tension grandissante

Témoignant de la tension grandissante, la Norvège a annoncé qu'elle "suspendait" la participation aux opérations de ses avions déjà arrivés en Italie "à une clarification du commandement". L'Italie, favorable elle aussi à une reprise en main par l'Otan, a placé la barre plus haut. Son ministre des Affaires étrangères, Franco Frattini, a lâché que si la question n'était pas réglée, son pays reprendrait le contrôle des bases qu'elle a mises à la disposition de la coalition. La mesure toucherait en premier lieu les États-Unis, qui n'ont pas de porte-avions dans la zone pour l'instant. Autre point de dissension, l'Allemagne et la Turquie, de leur côté, ne veulent pas que l'Otan, si elle devait finalement intervenir, bombarde à son tour, comme la coalition l'a fait depuis 48 heures. Les objections turques ne portent pas sur le commandement, mais sur la nature de l'intervention de l'Otan.

Au terme d'une semaine de débats intensifs, les plans opérationnels pour deux des trois missions qui pourraient incomber à l'Otan - sécurisation d'une opération humanitaire, respect de l'embargo sur les armes - ont été validés. Dimanche soir, cependant, l'ambassadeur turc a demandé à l'Otan de revoir sa copie en ce qui concerne la troisième mission - une zone d'interdiction aérienne -, voulant apparemment des garanties sur les règles d'engagement afin que les civils libyens ne soient pas mis en danger. Les discussions à l'Otan, qualifiées de "très difficiles" par un diplomate allié, étaient suspendues une fois de plus lundi soir. Quant à l'Allemagne, du fait qu'elle ne veut pas participer aux opérations, qu'elles soient estampillées Otan ou coalition, elle empêche le déploiement des avions-radar AWACS de l'alliance, dont 40 % des équipages sont allemands.

AFP

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