L'ONU autorise l'usage de la force contre la Libye

La communauté internationale ne va pas laisser faire Mouammar Khadafi. L'Allemagne, la Russie et la Chine se sont finalement abstenues mais le conseil de sécurité de l'ONU a voté cette fameuse résolution sur une zone d'exclusion aérienne en Libye. Il autorise même l'utilisation de tous les moyens nécessaire pour faire reculer les troupes du dirigeant libyen si les violences se poursuivent contre les opposants au régime.

Et les premières frappes aériennes pourraient avoir lieu très rapidement. La France, la Grande-Bretagne et le Liban devraient être les fers de lance de l'opération. Le Canada enverra des avions de chasse. Les Etats-Unis ont écarté toute participation directe mais seront présents en soutien, tout comme l'Italie, qui mettra ses bases aériennes à dispositions. Plusieurs autres pays arabes comme le Qatar et les Emirats arabes unis ont annoncé qu'ils rejoindraient la coalition anti-Kadhafi.

A l'issue de trois jours d'âpres négociations, le Conseil de sécurité de l'ONU a voté jeudi soir en faveur d'un recours à la force contre les troupes du colonel Mouammar Kadhafi, ouvrant la voie à des frappes aériennes en Libye.

La résolution autorise à prendre "toutes les mesures nécessaires" pour protéger les civils et imposer un cessez-le-feu à l'armée libyenne, y compris des frappes aériennes, mais précise qu'il n'est pas question d'occupation militaire.

Elle prévoit aussi une zone d'exclusion aérienne pour empêcher l'aviation du colonel Kadhafi de pilonner ses opposants.

Le texte a été adopté par 10 voix sur les 15 membres du Conseil de sécurité

La Chine et la Russie se sont abstenues mais n'ont pas utilisé leur veto pour bloquer le texte. L'Allemagne, le Brésil et l'Inde se sont aussi abstenues.

Au moment où Mouammar Kadhafi venait d'annoncer son intention d'attaquer la ville de Benghazi, tenue par les rebelles, le ministre français des Affaires étrangères, Alain Juppé, avait averti, avant le vote, qu'il restait peu de temps pour intervenir.

La France avait auparavant annoncé des frappes aériennes dès l'adoption de la résolution.

Après le vote, l'ambassadeur britannique à l'ONU Mark Lyall Grant a souligné que la Grande-Bretagne était "prête à prendre ses responsabilités pour mettre fin aux violences, protéger les civils".

L'ambassadrice américaine à l'ONU Susan Rice a déclaré que les Etats-Unis "se tenaient du côté du peuple libyen et (soutenaient) leurs besoins en matière de droits de l'Homme". "Le Conseil de sécurité a répondu à l'appel à l'aide du peuple libyen", s'est-elle réjouie, estimant que "ce vote est une puissante réponse au besoin urgent sur le terrain".

Le ministre allemand des Affaires étrangères Guido Westerwelle, a lui justifié l'abstention de son pays en relevant qu'une intervention militaire en Libye comporte des "risques et des dangers considérables". "Les soldats allemands ne participeront pas à une intervention militaire en Libye", a ajouté le vice-chancelier d'Angela Merkel.

Maria Luiza Ribeiro Viotti, ambassadrice du Brésil, a expliqué que son pays "n'était pas convaincu par le fait que l'usage de la force conduirait à la fin de la violence". "Cela pourrait causer plus de mal que de bien pour le peuple libyen".

L'ambassadeur de Russie, Vitali Tchourkine, a jugé "regrettable" que "la passion pour l'usage de la force ait prévalu". Il a rappelé que son pays avait proposé une résolution appelant à un cessez-le-feu.

L'ambassadeur de Chine Li Baodong, qui assure la présidence du Conseil de sécurité en mars, a expliqué que son pays avait "toujours été contre l'usage de la force dans les relations internationales".

A Benghazi, le fief de l'opposition, la foule a salué le vote par des cris de joie

Sur la place, pick-up, voitures, camions affluent dans un tonnerre de tirs et de feux d'artifice. Des enfants sont juchés sur le toit des voitures, des jeunes font la chenille. Sur la promenade, on lance de la dynamite dans la mer, créant des geysers d'eau de plusieurs mètres de hauteur. L'air marin, iodé, se mélange à l'odeur de l'explosif.

Le vice-ministre libyen des Affaires étrangères, Khaled Kaaim, a d'abord dénoncé une résolution qui "menace son unité" et qui constitue "un appel aux Libyens à s'entretuer". Puis, fidèle à sa tactique de souffler le chaud et le froid, Tripoli s'est dit prête à un cessez-le-feu, à condition de pouvoir discuter de sa mise en œuvre. Selon CNN, qui cite le fils de Mouammar Kadhafi, le régime aurait même décidé de changer de tactique et de ne plus attaquer Benghazi "pour des raisons humanitaires". L'armée encerclerait seulement la ville.

Tripoli se dit prête à un cessez-le-feu mais veut discuter sa mise en oeuvre

La Libye a affirmé jeudi soir qu'elle était prête pour un cessez-le-feu contre l'insurrection, mais a demandé de discuter auparavant des détails de sa mise en oeuvre, a déclaré le vice-ministre aux Affaires étrangères Khaled Kaaim, lors d'une conférence de presse à Tripoli.

"Nous sommes prêts pour cette décision (de cessez-le-feu) mais nous avons besoin d'un interlocuteur bien précis pour discuter de sa mise en oeuvre", a déclaré Khaled Kaaim. "Nous avons discuté la nuit dernière avec l'émissaire de l'ONU (pour la Libye, le Jordanien Abdul Ilah Khatib) et nous avons posé des questions légitimes sur l'application d'un cessez-le-feu", a-t-il ajouté.

Khaled Kaaim a indiqué que son pays allait "réagir positivement à la résolution de l'ONU et nous allons prouver cette volonté en garantissant une protection aux civils".

L'OTAN examinera ce vendredi les conséquences de la résolution de l'ONU

Les représentants des 28 pays membres de l'Otan examineront vendredi les conséquences de l'adoption par l'ONU d'une résolution en faveur d'un recours à la force contre les troupes du colonel Mouammar Kadhafi, a déclaré un diplomate de l'Otan.

"Les représentants des 28 pays membres doivent se réunir pour parler de l'attitude de l'Otan à la suite du vote du Conseil de sécurité", a déclaré ce diplomate, sous couvert de l'anonymat.

"Toute décision de l'Otan se fondera sur les trois conditions qu'a rappelées jeudi le secrétaire général de l'Otan Anders Fogh Rasmussen, à savoir que la nécessité d'une intervention soit démontrée, l'existence d'un mandat juridiquement clair et le soutien des organisations régionales concernées", a-t-il souligné.

Les principaux points de la résolution de l'ONU

Voici les principaux points de la résolution soumise au vote jeudi par le Conseil de sécurité de l'ONU sur la Libye:

Le Conseil de sécurité,

Exprimant une grave inquiétude sur la situation qui se détériore, l'escalade de la violence et le nombre de victimes civiles,

Rappelant la responsabilité des autorités libyennes de protéger la population libyenne,

Considérant que les attaques systématiques qui ont lieu en Libye contre la population civile peuvent être assimilées à des crimes contre l'humanité,

Exprimant sa détermination à assurer la protection des civils et des zones peuplées par des civils et l'acheminement rapide et sans encombres d'une assistance humanitaire,

Rappelant la condamnation par la Ligue arabe, l'Union africaine et le secrétaire général de l'Organisation de la Conférence islamique des violations graves des droits de l'homme et du droit humanitaire international qui ont été commis en Libye,

Déplorant l'utilisation systématique de mercenaires par les autorités libyennes,

Agissant en vertu du chapitre 7 de la charte des Nations unies (qui autorise l'usage de la force, ndlr),

Demande l'établissement immédiat d'un cessez-le-feu et l'arrêt complet des violences et de toutes les attaques contre des civils,

Demande que les autorités libyennes se conforment à leurs obligations en vertu du droit international, y compris le droit humanitaire international,

PROTECTION DES CIVILS

Autorise les Etats membres (..) à prendre toutes les mesures nécessaires (..) pour protéger les civils et les zones peuplées par des civils sous la menace d'attaques par (les forces du colonel Mouammar Kadhafi ndlr), y compris Benghazi, tout en excluant une force étrangères d'occupation sous quelque forme que ce soit dans n'importe quelle partie du territoire libyen,

ZONE D'EXCLUSION AERIENNE

Décide d'établir une interdiction de tous les vols dans l'espace aérien de la Libye de manière à protéger les civils,

Décide que cette interdiction (..) ne concerne pas les vols dont l'unique objectif est humanitaire,

Autorise les Etats membres (..) a prendre toutes les mesures nécessaires pour faire respecter l'interdiction des vols,

RESPECT DE L'EMBARGO SUR LES ARMES

Décide, (..) pour assurer la stricte application de l'embargo sur les armes (contenu dans la résolution précédente du 26 février sur la Libye, ndlr), d'inspecter sur leur territoire, y compris les ports et les aéroports ou en haute mer, les bateaux et les avions se rendant ou provenant de Libye,

Déplore l'utilisation systématique de mercenaires en Libye et demande à tous les Etats membres de se conformer strictement à leur obligations (..) pour empêcher la fourniture de mercenaires armés à la Libye,

GEL DES AVOIRS

Décide que le gel des avoirs (..) concernera tous les fonds, les avoirs financiers et les ressources économiques (..) qui sont propriété ou contrôlés directement ou indirectement par les autorités libyennes,

Affirme sa détermination à s'assurer que les fonds gelés (..) seront dès que possible rendus accessibles pour le bénéfice du peuple libyen,

PANEL D'EXPERTS

Demande au secrétaire général (de l'ONU Ban Ki-moon) de créer pour une période initiale d'un an (..) un groupe allant jusqu'à huit experts (Panel d'experts) (..) qui auront pour tâche:

- de regrouper, d'examiner et d'analyser les informations des Etats, des entités de l'ONU et des organisations régionales et d'autres parties intéressées concernant la mise en oeuvre des mesures décidées par la résolution, en particulier les incidents de non-respect,

- de fournir au Conseil un rapport intérimaire sur son travail pas plus de 90 jours après la nomination du Panel et un rapport final au Conseil pas plus de 30 jours avant la fin de son mandat avec ses découvertes et ses recommandations,

Réaffirme son intention de surveiller constamment les actions des autorités libyennes et souligne sa disposition à réviser à tout moment les mesures imposées par cette résolution et la résolution 1970 (adoptée précédemment ndlr), y compris en renforçant, suspendant ou mettant fin aux mesures le cas échéant, en fonction du respect par les autorités libyennes de cette résolution et de la résolution 1970.

AFP

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