Tensions sociales et économiques inévitables en Algérie sans réformes économiques et politiques

Certains partis de la coalition gouvernementale veulent donner des leçons de représentativité par des discours démagogiques comme ce fut le cas pour les partis du pouvoir en Tunisie et en Egypte. Or que représentent-ils réellement ? C’est l’objet de cette contribution.

I. L’influence des partis de la coalition présidentielle y compris le parti des travailleurs est négligeable et en déperdition. Or, je tiens à rappeler que si l’on tient aux données officielles communiquées par le Ministères de l’Intérieur, certainement gonflé d’environ 10 à 20% en moyenne nationale, le taux de participation des élections locales du 29 novembre 2007 qui ont vu surtout les grandes villes connaître un taux d’abstention inégalé : Blida 29% - Boumerdès 37% ; Alger 23% Constantine 29%, Oran 37% et une wilaya du Sud réputée voter Ouargla seulement 46% y compris les bulletins nuls. Concernant les élections APC/APW du 29 novembre 2007 le taux de participation officiel a été pour les APC de 44% et de 43% pour les APW les bulletins nuls représentent respectivement environ 4% et 5% du nombre d’inscrits, les voix partisanes étant donc 41% pour les APC et 38% pour les APW soit une moyenne globale de participation de 40% du nombre total des inscrits, plus de 60% de la population inscrite ne faisant pas confiance aux partis traduisant un divorce Etat- citoyens. Si l’on soustrait le FFS pour avoir une comparaison correcte, du fait qu’il s’est abstenu lors des dernières élections, ayant représenté environ 4% des voix par rapport aux inscrits, nous avons 36% de taux de participation partisane hors FFS, un taux de participation équivalent aux législatives.

En nous en tenant aux APC, globalement avec tous leurs satellites, (organisations annexes) le FLN représente approximativement par rapport au nombre de votants 12% , le RND 9,8% , MSP 4,3% soit un total pour les partis de la coalition de 26% soit le un quart des inscrits et beaucoup plus faible si l’on totalise par rapport à la population totale active en âge de voter qui dépassait fin 2007 20 millions alors que le nombre d’inscrit déclaré a été de 18.446.000. Par rapport au nombre d’inscrits, le taux est plus bas : Pour les membres de la coalition gouvernementale, le FLN représente 7,5%, le RND 3,1% et le MSP 2,1% soit un total de 12, 7% . Par rapport à 2002, toujours selon l’officiel, les partis de la coalition perdent plus de 34% de voix. Le Parti des travailleurs ( PT) qui est le seul parti à défendre la politique du gouvernement actuel par rapport au nombre d’inscrits a obtenu 1,5% .

II- Quelles leçons tirer de cette démobilisation populaire ?En raison de la défiance nourrie à leur égard et à l’endroit du militantisme partisan, les formations politiques actuelles ont de plus en plus de difficultés aujourd’hui de faire un travail de mobilisation et d’encadrement efficient, de contribuer significativement à la socialisation politique, et envisager, solution de facilité, une mobilisation par l’administration ne peut que conduire à un échec patent et à accélérer le divorce Etat/citoyens. D’ailleurs le fait de s’attribuer un salaire pour les députés et sénateurs de plus de 300.000 dinars par mois soit trente fois le SMIG accroît la non crédibilité des élus auprès de la population, jouant l’effet de repoussoir.

Ce sont là des raisons suffisamment importantes pour envisager sérieusement de réorganiser le système partisan en vue de lui donner les moyens dont il a besoin pour remplir la fonction qui est la sienne dans tout système politique démocratique. La leçon fondamentale est la prise en compte tant des mutations mondiales qu’internes à la société algérienne avec le poids de la jeunesse qui “parabolée”; a une autre notion des valeurs de la société. Cela se constate à travers la baisse progressive du poids des tribus, de certaines confréries religieuses et de certaines organisations syndicales,(ces dernières mobilisant uniquement pour des revendications sociales et non pour des actions politiques), du fait de discours en déphasage par rapport aux nouvelles réalités mondiales et locales. Toutes ces organisations souvent satellites de certains partis avaient fait un appel massif en faveur du vote mais n’ont pas été suivies. D’où l’importance de revoir le fonctionnement à la fois du système partisan et de la société civile , en fait la refonte de l’Etat conciliant la modernité et la préservation de notre authenticité , dont l’objectif stratégique serait plus de liberté, d’efficacité économique, de justice sociale et de moralité des institutions(lutte contre la corruption qui s’est socialisée non par des textes mais par des actes loin des règlements de comptes inutiles ) refondation qui conditionne le développement durable de l’Algérie loin des intérêts rentiers qui paralysent et démobilisent la société. Le passage de l’Etat de « soutien contre la rente » à l’Etat de droit « basé sur le travail et l’intelligence » est un pari politique majeur car il implique tout simplement un nouveau contrat social et un nouveau contrat politique entre la Nation et l’Etat.La refondation de l’Etat algérien renvoie à une vision stratégique globale où le Politique, l’Economique, le Social et le Culturel au sein d’un monde de plus en plus globalisé,(ayant une influence déterminante sur la future fonction de l’Etat) sont inextricablement liés dont le fondement est un Etat de droit, qui peut dans une première phase ne pas recouper démocratie qui est l’objectif suprême, et la promotion de la femme et de l’homme pensant et créateur, loin d’une vision rentière périmée qui risque de conduire le pays à une impasse . Sans la prise en compte de cet élément stratégique et les moyens d’y faire face, concrètement, loin des discours démagogiques, il y a fort risque d’un discrédit.

III- Les axes directeurs de la refondation de l’Etat
Il s’agit d’agir graduellement sur huit leviers.

1- Redéfinir une nouvelle vision stratégique afin de mette en place une économie hors hydrocarbures compétitive dans le cadre des valeurs internationales si l’on veut créer des emplois durables et atténuer les tensions sociales inévitables. Pour cela un débat national sans exclusive sur le bilan de tous les programmes économiques 2000/2010 afin de déterminer la trajectoire future 2011/2020 de l’Algérie et poser la problématique de la démocratisation de la gestion des hydrocarbures et de l’utilisation des réserves de change.

2- La dissolution des deux chambres du fait que ces députés et sénateurs et bien d’autres organisations satellites vivant du transfert de la rente des hydrocarbures incapables de mobiliser la société, les partis FLN/RND/MSP /PT ayant eu moins de 30% de voix lors des dernières élections par rapport aux nombre d’inscrits. Il s’agit d’agréer de nouveaux partis et associations en évitant d’en faire des structures du pouvoir instrumentalisées lors des élections. Dans ce cadre, revoir les subventions aux Partis et associations qui doivent compter sur leurs adhérents, ainsi que la rémunération des députés/sénateurs disproportionnée par rapport à leur rendement.

3- Le Parti du FLN ne doit plus instrumentaliser le sigle FLN, propriété du peuple algérien de la glorieuse guerre de libération nationale, le restituer à l’Histoire, et trouver une autre dénomination pour une concurrence loyale par rapport aux autres partis. En démocratie, le pouvoir est le pouvoir et l’opposition est l’opposition productive nécessaire au pouvoir lui-même pour corriger ses erreurs et éventuellement préparer l’alternance.

4- Un changement presque intégral du gouvernement par un regroupement de Ministères privilégiant l’efficacité au lieu de la distribution de postes qui se télescopent, composé de techniciens et de la composante de la jeunesse qui prépareront cette transition démocratique pacifique jusqu’à l’échéance présidentielle pour des élections libres, transparentes et démocratiques. Afin d’éviter le fonctionnariat, source d‘inertie et de relations de clientèles y les walis, les grandes entreprises publiques/banques et des postes clefs de l’administration (douane, fiscalité notamment), limiter la durée à cinq années maximum d’exercice.

5- Favoriser le fonctionnement des institutions prévues dans la Loi ,tout en procédant à leur amélioration fonction des réformes, non en termes de promesses mais en actes, comme le conseil national de l’Energie, la Cour des comptes, le conseil de la concurrence, car source du développement global parallèlement aux contrepouvoirs économiques, sociaux et politiques en évitant comme par le passé leur gel, le choix dictatorial personnel, étant totalement dépassé et source de dérives nuisibles à l’avenir du pays.

6- Les pratiques sociales contredisant les lois en vigueur, établir, mettre en place des mécanismes de régulation clairs tant politiques, économiques que sociaux, en impliquant la société civile par la promotion de la femme signe la vitalité de toute société, une réelle décentralisation , afin de moraliser tant les institutions que les personnes chargés de gérer la Cité, afin de lutter contre la corruption qui gangrène le corps social et démobilise la population privilégiant la connaissance et le mérite dans la promotion et non les rentes.

7- Revoir la constitution associant l’ensemble des forces politiques, sociales, économiques et des experts en limitant le nombre de mandats présidentiels. Toute révision fondamentale de la constitution devra passer par un référendum et non plus par les deux chambres.

8- Lever l’Etat d’urgence qui n’a pu raison, libérer les canaux d’information notamment l’ENTV, en autorisant des chaines de télévision indépendantes et les manifestations pacifiques, car vouloir étouffer comme une cocotte minute la société qui a besoin de respirer, l’explosion violente à terme pourrait être inévitableEn bref, si l’on totalise les partis de la coalition gouvernementale plus le parti des travailleurs nous aurons un total de participation de moins de 15%.et moins de 25% par rapport au nombre de votants. Les données étant certainement gonfler en moyenne nationale, il faudrait selon certains observateurs les abaisser d’environ de 15/20% pour avoir le taux réel. Aussi, s’agit-il d’éviter la cacophonie et la légèreté des déclarations des différentes responsables par un discours de vérité si l’on veut mobiliser la population algérienne. L’Algérie qui a souffert du terrorisme pensant plus de 10 années et selon les chiffres officiels plus de 200.000 morts, doit aller vers une transition démocratique pacifique, loin de toute violence condition du développement, de la paix et de la sécurité durable. Il faut éviter la vison d’assimiler la population algérienne à un tube digestif grâce à une redistribution passive de la rente des hydrocarbures pour une paix sociale éphémère. Il serait maladroit pour le pouvoir algérien d’ignorer les expériences de la Tunisie et de l’Egypte. Avec la grogne sociale croissante, la population algérienne a soif de démocratie et de justice sociale mais également d’efficacité économique avec un sacrifice partagé car les réformes à venir seront douloureuses.

Professeur Dr Abderrahmane MEBTOUL Expert International professeur en management stratégique

Plus d'articles de : Débats

Commentaires (7) | Réagir ?

avatar
tarlahmam

Les pourcentages cités des adhérants des partis de la coalition "HACHAKOUM" sont totalement faux ils n'ont aucune représentativité du moment qu'ils ont truqué toutes les élections. Ils ont spéculé sur la Misère du peuple.

Un parti qui se dit musulmans, dont les membres "reçoivent"leur TCHIPA en sortant de la mosquée Le Vendredi????NAALT ALLAH AALIKOUM

avatar
lamia

L’ENTV s’érige en donneuse de leçon ?

Par Lamia HAMMAD

Hier soir, jeudi, le PPDA version entv, Karim Boussalem a présenté une émission spéciale sur les révolutions dans les pays arabes. Pour analyser les événements, il a fait venir sur le plateau, un journaliste d’Al Nahar, un personnage douteux dont l’analyse n’excédait pas deux ou trois phrases aux questions suggestives et orientées du présentateur lesquelles étaient à chaque fois beaucoup plus longues que les réponses de son invité. Boussalem fustige l’ingérence de la France, de l’Union européenne et des USA, dans les affaires internes du monde arabe. Il nous apprend que les événements en Tunisie et en Egypte n’avaient rien de révolutionnaire. Il fait dire à son invité que l’Algérie n’a pas besoin de leçon de démocratie à recevoir et qu’elle rejette en bloc la démocratie exportée par l’occident. Que son pays est très démocratique, et que le peuple algérien est un peuple mature et intelligent que pour verser dans une nouvelle décennie noire, que le peuple algérien est très satisfait des réalisations de Bouteflika. Bref, je vous épargne les détails mesquins et mensongers et propagandistes sinon vous aurez qu’une seule envie, vous rendre à la chasse gardée du pouvoir despotique pour administrer une claque au présentateur vedette ou zapper en attendant que le peuple algérien comme un seul homme se soulève pour mettre fin à 50 ans de dictature, de pillage et de répression. Je vous offre enfin les premiers vers d’ABou El Kassim El Chebbi, traduit au français que voici :

Lorsqu'un jour le peuple veut vivre

Force est pour le Destin, de répondre

Force est pour les ténèbres de se dissiper

Force est pour les chaînes de se briser.

Avec fracas, le vent souffle dans les ravins

au sommet des montagnes et sous les arbres disant :

"Lorsque je tends vers un but,

je me fais porter par l’espoir

et oublie toute prudence ;

Je n’évite pas les chemins escarpés

et n’appréhende pas la chute

dans un feu brûlant.

Qui n’aime pas gravir la montagne,

vivra éternellement au fond des vallées".

visualisation: 2 / 7