Pablo Néruda et nous ...

 Pablo Néruda et nous ...

Alors qu’il siégeait au sénat chilien sous les couleurs du parti communiste depuis 1945, le poète et prix Nobel de littérature Pablo Neruda, fut banni par le régime de Gonzalez Videla en 1947 pour avoir commis un brûlot contre la chienlit qui gouvernait le Chili d’alors. Dans ‘’J’accuse’’, un poème dont le titre s’inspire du fameux ‘’J’accuse’’ de Zola, le poète qui écrivait souvent à l’encre verte (couleur de l'’espérance) a gravé dans nos consciences engourdies des mots aux couleurs de sang. Il nous montra le chemin de la grandeur, de l’abnégation et traça dans la mémoire des hommes libres une ligne rouge qui sépare à jamais le bien du mal. Spontanément, il s’est mis du côté des sans voix, des sans recours et des sans espoir. Quand je lis ces strophes qui survolent le temps et traversent les frontières des hommes, leurs couleurs politiques et leurs croyances religieuses, je sens le souffle du poète traverser nos nuits brumeuses, porté par ce vent de feu rempli d’humanité, d’engagement et de résistance qui vous donne envie d’ouvrir la porte, de regarder derrière l’horizon, de respirer cette colère sourde qui surgit des entrailles de la terre pour s’en aller à travers monts et vallées titiller dans leur sommeil tourmenté les forces du mal qui nous gouvernent. J’ai alors une nausée voluptueuse devant la cupidité éhontée de notre ‘’intelligentsia’’ qui ne s’embarrasse d’aucun scrupule pour transformer ses démissions ataviques en haut fait d’armes. Les moutons de panurge reprenant acapela ses sornettes que l’on ne peut, par la force des choses, écrire à l’encre verte. Je préfère arrêter ici-même ma montée de lait pour vous laisser vous abreuver au plaisir de la sainte colère qui prend naissance dans la poitrine des ROIS, au royaume des mots. Vous découvrirez que ce que Pablo Neruda déclamait en 1947 au Chili a un air de déjà vu chez nous. ‘’Ils se sont promus patriotes. Ils se sont décorés dans les clubs. Ils ont aussi écrit l’histoire. Les parlements se sont remplis De faste après quoi ils se sont partagé la terre la loi, les plus jolies rues, l’air ambiant, l’Université, les souliers. Leur prodigieuse initiative C’est l’Etat ainsi érigé, La mystification rigide. Comme toujours, on à traité L’affaire avec solennité Et à grand renfort de banquets D’abord dans les cercles ruraux, Avec des avocats, des militaires. Puis on a soumis au Congrès La Loi suprême, la célèbre, Loi de l’Entonnoir. Aussitôt votée. Pour le riche, la bonne table. Le tas d’ordure pour les pauvres. La prospérité pour les riches. Et pour les pauvres, le turbin. Pour les riches, la résidence. Le bidonville pour les pauvres. L’immunité pour le Truand. La prison pour qui vole un pain Paris pour les fils à papa. Le pauvre, à la mine, au désert L’excellent Rodriguez de la Crota A parlé au Sénat D’une voix melliflue et élégante. « Cette loi, ‘enfin, établit la hiérarchie obligatoire Et surtout les principes De la chrétienté. C’est aussi indispensable que la pluie. Seuls les communistes, venus de l’enfer, comme chacun sait, peuvent critiquer notre charte de l’Entonnoir, savante et stricte Cette opposition asiatique, Née chez le sous homme, il est simple de l’enrayer : tous en prison, tous en camp de concentration, et ainsi nous resterons seuls, nous, les messieurs très distingués avec nos aimables larbins indiens du parti radical. » Les applaudissements fusèrent Des bancs de l’aristocratie : Quelle éloquence, quel esprit, Quel philosophe, quel flambeau Après cela chacun courut A son négoce, emplir ses poches, L’un en accaparant le lait, L’autre escroquant sur les clôtures Un autre volant sur le sucre Et tous s’appelant à grands cris Patriotes ! Ce monopole du patriotisme, aussi consulté dans cette Loi de L’Entonnoir.’’ Pablo Neruda J’accuse (1947)

Larbi Chelabi

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Commentaires (6) | Réagir ?

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wahab benidir

A mettre sous le nez de l'ex-commandant de la SM, actuel et futur directeur parisien du centre culturel algérien. Sans commentaire.

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Khelaf hellal

Permettez-moi de corriger l'orthographe des noms propres que j'ai cités, je voulais écrire ceci : A chacun sa vocation, cette étoile pourrait être, entre autres : Pablo Néruda, Bertold Brecht, Jean Paul Sartre, Albert Einstein, Nelson Mandela, Larbi BenMhidi etc, etc...

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