Maison close, saison deux

      Maison close, saison deux

Aux derniers incrédules qui doutaient que l’Algérie vivait en démocratie, la récente querelle qui vient d’opposer le Premier ministre au RCD aura apporté une bien cinglante démonstration. Voilà, en effet, une algarade qui n’aura manqué ni de sel ni de piquant, et dont les téléspectateurs algériens, qui n’en demandaient pas tant, ont été conviés à en suivre chaque mot par une télévision nationale brusquement reconvertie à la transparence et dont on retiendra que, pour la circonstance, elle a soigneusement rangé ses ciseaux au placard.

Et ce fut ainsi, à notre grand ébahissement, qu’au pays où fut violée la Constitution et imposé le pouvoir à vie, sur cette terre où les rassemblements sont interdits et les manifestants jetés en prison, dans la belle Algérie où des livres sont prohibés et les médias contrôlés, à l’heure où le militant Teguia était arrêté, eh bien, dans ce pays-là, à cette heure-là, le chef du gouvernement était insulté en direct par l’opposition ! Les chorégraphes du régime venaient de réussir la prouesse délicate et primordiale de créer l’illusion du pluralisme par la surreprésentation médiatique d’une réalité politique inexistante.

Mais Dieu, que l’exercice est ardu pour un journaliste ! En tout cas, bien au dessus de nos compétences, au matindz. Tous les anciens vous le diront : le critique de théâtre est, de tous les genres journalistiques, celui le plus redouté. Il faut déployer des trésors d’ingéniosité pour rapporter des faux-semblants à un public adulte et revenu de tout. On n’imagine pas ce qu’il faut de talent, dans cette algarade entre Ouyahia et le RCD, pour relater une guerre des mots qui n’intéresse personne, dans un hémicycle raillé par les Algériens, chez des députés que personne n’a élu, autour d’un programme dont nul ne se soucie, face à un Premier ministre que personne ne croit…

Ce n’était pas du grand Shakespeare, cette façon baroque et peu subtile de pasticher les parlements démocratiques et je ne suis pas certain que les Algériens se soient laissés prendre à la farce, en dehors, bien entendu, d’une société de connivence qui souhaite tout savoir du superflu et surtout rien de l'essentiel, et qui ne rate rien des futilités indispensables aux dîners en ville. Elle a, en tout cas, a dû combler d’aise M. Mehal, intendant, pour le compte du grand chorégraphe, de ce show épique. Mieux que tous ses prédécesseurs, le nouveau ministre de la Communication est en train de réussir dans un apostolat capital pour le régime en place, celui de remodeler l’autoritarisme et le mettre à l’heure de la démocratie.

Le RCD, lui, se sera servi de la surreprésentation médiatique pour compenser un certain déficit militant sur le terrain – qui ne lui est pas propre - et cela reste, ma foi, de bonne guerre. Il en coûte, néanmoins, à nos amis du RCD de ressembler à ce groupe de paroissiens puceaux qui se retrouve, par accident, dans une maison close, qui s’indigne d’y rencontrer des femmes de petite vertu, qui se prend de querelle avec la maquerelle., entreprenant, avec force vocifération, d’informer le voisinage des licencieuses activités qu’abrite le lupanar.

Mais jusqu’à quand le RCD, qui a fait le choix de côtoyer les amuseurs, les doublures et les figurants dans la vaste comédie du pouvoir, s’obstinera-t-il à raconter aux Algériens déniaisés, ce qu’ils savent déjà ?

Ce n’était pas du grand Shakespeare, non, cette bacchanale qui mit si brillamment en scène un Grand vizir ulcéré et des « élus » de l'opposition exhibés comme preuves vivantes d'une « vraie démocratie parlementaire », mais qu’importe ! A quelques jours de la visite de Mme Hillary Clinton, le simulacre de substituer une farce baroque à la vraie démocratie, à la représentation politique de valeurs, d’intérêts et d’idées, c'est-à-dire aux attributs fondamentaux de la vraie démocratie, ce simulacre-là, ma foi, valait la chandelle, pour le régime s’entend. Nous sommes une joumloukia aux atours démocratiques, avec notre Constitution bien écrite, notre Parlement « élu », notre « opposition » et notre président qui prend soin de solliciter du bon peuple le renouvellement périodique de son mandat perpétuel.

Non, ce n’est pas du grand Shakespeare, mais c’est tout de même du vrai faux Tocqueville, n’est-il pas, madame, puisque dans votre monde la démocratie, le jeu parlementaire et les élections sont devenues la seule source de légitimité reconnue et qu’il nous faut donc controverser comme vous le faites et organiser des élections, comme vous le faites. Tout cela, madame, ne sera que simulacre, nos parlements sont verrouillés, et nos élections n’assureront aucune alternance ! Bien au contraire, elles ne feront que légitimer le pouvoir en place. Mais l’important, n’est-ce pas, est que les médias en parlent…

M.B.

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Commentaires (50) | Réagir ?

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ranaferhaninebezafbezaf

une kavylie divise c est la preuve qu on avance, surement qu un partie de la kabylie a raison et qu une autre n a pas raison mais tu sais qu au temps du PPA mon grand pere me racontait qu il y avait les centraliste et les messaliste et ceci avait bien entendu pendu un grand conflit et les militants ont pris parti soit pour l un soit pour l autre mais apres il y a eu le CRUA et puis le FLN et l independance, mais ce que je veux dire que se diviser est naturelle et qu il ne faut pas en faire une fixation comme si le nombre etait tres important pour briser la dictature (thakoumichth tzizwa khir oudhela3 guizan - une poignee d abeille vaut mieux qu un coufin de mouches) mon frere, mon defunt grand pere qui etait dans l Os etait un lieutenent de abane evait partage la cellule avec zabana et etait eclaireur de Boudiaf dans la vallee de la soummam un jour m avait entendu insulte un parti democratique de gauche dans le chef etait un zaim, il m avait pris par la main dans un coin pour me dire n insulte pas ton frere meme si il est d un avis contraire aux votre car un jour ou l autre vous aurez besoin de son aide pour former une force pour combattre la regression et les ennemis de notre nation qui sont toujours la et qui ont survecu a la guerre...... il m avait fait un cours d histoire... je voulais te dire que maintenant je le comprend j applaudis tout democrate qui prend un espace dans les pouvoirs algeriens contre les arabo-islamiste (avec grand respect pour notre islame qui est totalement different du leur). j espere que c est sans rancune. pour le pseudo ranaferhaninebezafbezaf c est un pseud que j avais choisi parce que c est une phrase qui m avait rendu maladedans les annees passees profere par l ENTV a chaque occasion pour vociferer un grand ranaferhaninebezafbezaf, ilsuffit juste que dans la rue tu dise ranaferhaninebezafbezaf que tu es admis a passer sur l ecran de notre minable TV.. que je ne regarde plus depuis novembre 1996... salut de New YOrk USA

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aghaoui de montreal

Trés, très, très déçu Mr bechicou, un géant comme vous n'a pas le droit a cette immense erreur, la cible est pourtant vous la connaissez mieux que qui conque, un de vos lecteur pour un minimum républicain et de démocratie

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