APN, ce que n'a pas dit Ouyahia:3. LA VERITE SUR LES INVESTISSEMENTS ET LES DEPENSES PUBLIQUES

5.- Le bilan de l’investissement productif est mitigé. Selon les chiffres communiqués par l’Agence de développement des investissements, ANDI, fin juillet 2010, les déclarations d’investissement local, en termes de projets et non de réalisation, sont passées de 11.000 projets en 2007, à 17.000 en 2008, pour atteindre le chiffre symbolique de 20.000 en 2009 mais avec 1% seulement d’IDE. De ces projets, les chiffres avancés par l’ANDI, indiquent que ce sont les projets locaux qui sont dominants avec 99% des déclarations de projets. Pour ce qui est de la répartition des projets par secteur, c’est celui des transports qui attire le plus d’investissements depuis 2009 avec 60% en majorité des micro-projets, suivi par le secteur du bâtiment, des travaux publics et de l’hydraulique (16 %), du secteur de l'industrie (10 %), celui de l'agriculture (2 %). Le nombre de projets étrangers déclarés en intention a été de 694 projets en 2008, dont 387 projets dans le secteur de l’industrie pour un montant en valeurs monétaires dérisoire, estimé à 88 millions dinars (moins de 1 million d’euros). D’une manière générale les investissements directs étrangers significatifs réalisés restent insignifiants en dehors des hydrocarbures, avec un déclin en 2009, 4 projets d’IDE.

6.- L’économie se caractérise par un secteur public hypertrophié par rapport au secteur privé et la dominance du secteur informel contrôlant environ 40% de la masse monétaire en circulation moyenne 2008/2009, employant plus de 25% de la population active avec une contribution dans la formation du PIB (produit intérieur brut) hors hydrocarbures de 20 à 25%. Environ 42% des effectifs ne sont pas déclarés et 30% de leur chiffre d’affaires échappent au fisc dépassant 200 milliards de dinars annuellement, soit au cours actuel 2,6 milliards de dollars selon l’UGCAA. Cette organisation précise dans son rapport de 2009 que 80% des transactions commerciales se font sans aucune facturation, 70 à 80% des transactions utilisent le « cash », comme moyen de payement, que près de 900 000 sur les 1,2 million de commerçants inscrits au CNRC ne payent pas leurs cotisations à la Casnos et que l’approvisionnement des 2/3 de la population provient de la sphère informelle. Et selon le rapport du 15 septembre 2010 suite à l’enquête menée par la Direction générale des impôts (DGI) sur les opérateurs du commerce extérieur environ 11 mille entreprises n’ont pas payé leurs impôts en 2009, sur une liste 29 mille opérateurs interdits de domiciliation bancaire et d’exercer des activités du commerce extérieur.

7.- Le pays est fortement dépendant des biens de capital et des biens de consommation intermédiaires et finaux presque tous importés n’ayant pas jeté les bases d’un appareil productif capable d’affronter la concurrence internationale et les tendances relatives des grands agrégats économiques bien que positives, révèlent une macroéconomie sous contrôle relatif. Les hydrocarbures représentent l’essentiel des exportations et la persistance des déficits publics a produit un système d’éviction sur l’investissement productif et une dette publique intérieure et extérieure épongée artificiellement par la rente des hydrocarbures. Devant être attentif pour toute analyse objective à la balance des paiements et non uniquement à la balance commerciale, le niveau de la dette extérieure à moyen et long terme est estimé à 3,92 milliards de dollars au 31/12/2009 (principal et service de la dette) et le montant poste assistance technique étrangère de 4 milliards de dollars en 2004 à 11 milliards de dollars entre 2008/2009. Le montant des réserves de change, signe monétaire dues à des facteurs exogènes et non signe du développement, composée des réserves de change à hauteur de 46% en dollars et à 42% en euros, le reste étant constitué d'autres monnaies étrangères à l'image de la livre sterling et le yen japonais, dont 80% environ placées à l’étranger, notamment en bons de trésor américains et européens, ont été estimées à 56 milliards de dollars en 2005, 77,78 milliards en 2006, 110 milliards en 2007 et à 138,35 milliards de dollars en 2008et pour 2009 à 147,2 milliards de dollars US .

8.- La dépense publique est passée successivement de 55 milliards de dollars en 2004, à 100 milliards de dollars en 2005 puis à 140 milliards de dollars fin 2006 et qui a été clôturée entre 2004/2009 à 200 milliards de dollars mais faute de bilan on ne sait pas si l’intégralité de ce montant a été dépensé. Quant au programme d’investissements publics 2010/2014, le gouvernement a retenu des engagements financiers de l’ordre de 21.214 milliards de DA (ou l’équivalent de 286 milliards de dollars) et concerne deux volets, à savoir le parachèvement des grands projets déjà entamés entre 2004/2009, l’équivalent à 130 milliards de dollars (46%) et l’engagement de projets nouveaux pour un montant de 11.534 milliards de DA soit l’équivalent de près de 156 milliards de dollars. Qu’en sera-t-il des restes à réaliser pour les nouveaux projets inscrits au 31/12/2004 à la fois faute de capacités d’absorption et d’une gestion défectueuse ? Face à ces dépenses, le montant du fonds de régulation des recettes géré par le trésor, différence entre le prix réel des hydrocarbures et le prix fixé par la loi de fiances (37 dollars) à ne pas confondre avec les fonds souverains qui sont des fonds d’investissement (le gouvernement algérien ayant écarté le recours à cette procédure), est passé de 4 280 milliards de DA, à fin décembre 2008, à 4 316 milliards de DA, à fin décembre 2009. En cas d’un cours des hydrocarbures inférieur à 70 dollars à prix constants, et d’un cours de cession du gaz inférieur à 9/10 dollars le MBTU, si on n’arrive pas à mobiliser d’autres fonds à travers d’autres circuits, le déficit du Trésor pourrait atteindre 3615 milliards de dinars dans un proche avenir, ce déficit ne pouvant qu’être couvert qu’à travers le recours au Fond de régulation des recettes qui seront puisés du même fonds, ce qui réduirait ses réserves à 665 milliards de dinars. La loi de finances 2011 confirme cette tendance lourde , puisque le budget de l’Etat pour 2011, nous avons des recettes pour 2 992 milliards de dinars soit 29,7 milliards d’euros de recettes ( 38 milliards de dollars) contre des dépenses de 6 605 milliards de dinars soit 65, 520 milliards d’euros (88 milliards de dollars), la différence 3613 milliards de dinars, soit 36, milliards d’euros ou 48 milliards de dollars US devant être couverte partiellement par le fonds de régulation des recettes. Le rapport de la Banque mondiale 2008 remis aux autorités algériennes montre clairement, à partir d’enquêtes précises sur le terrain, la faible efficacité de la dépense publique du programme de soutien à la relance économique. D’où les effets mitigés de la dépense publique et les réévaluations permanentes qui, sans être exhaustif, sont les suivantes : l’existence d’un décalage entre la planification budgétaire et les priorités sectorielles ; l’absence d’interventions efficaces dues à un morcellement du budget résultant de la séparation entre le budget d’investissement et le budget de fonctionnement ; des passifs éventuels potentiellement importants ; des écarts considérables entre les budgets d’investissement approuvés et les budgets exécutés ; des longs retards et des surcoûts pendant l’exécution des projets. Pour la formulation, l’Algérie utilise un système de classification obsolète avec la lourdeur des procédures qui empêchent la clôture rapide de la période de fin d’exercice pour l’arrêt du budget du fait que le système de gestion budgétaire du pays est inadapté et a besoin d’être considérablement revu, ces surcoûts de transaction étant amplifiés par les longs circuits d’information, avec le chevauchement des responsabilités entre les diverses autorités et parties prenantes (25 commissions ministérielles et 48 commissions de wilaya dans le cas du PSRE). Le guide de management des grands projets d'infrastructures économiques et sociales élaboré en 2010 par la caisse nationale d'équipement pour le développement (CNED) sur le contrôle financier et la dépense d'équipement, stipulant que toutes les études de maturation des projets devront être validées par la CNED, avant le lancement des projets, et la soumission de toute réévaluation des projets au delà de 15%, à l'aval du Conseil des ministres, contribueront ils à affiner l'action des pouvoirs publics en matière d'efficience des dépenses publiques ? Ces mesures mettront-elles fin au gaspillage des ressources eu égard au surcoût caractérisant la majorité des mégaprojets ?

Docteur Abderrahmane MEBTOUL

Expert International, professeur d’Université

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Commentaires (2) | Réagir ?

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Ramdane

A M. Ahmed Bouhenada. Votre proverbe N°1 ne reflète guère la situation actuelle de notre pays: Il n'y a pas de vide, à proprement parler, ne serait-ce que grâce au journal qui vous a ouvert la possibilité de vous exprimer. Quant à votre proverbe N°2, j’en connais un autre qui dit qu'il vaut mieux être peu informé que pas du tout; car l'ignorance totale confine l'individu dans l'obscurantisme, le fanatisme, en un mot, à la régression. Enfin, je ne partage nullement votre opinion sur le Dr Abderrahmane MEBTOUL. Comme un bon Professeur de management stratégique qui donne l’exemple, il applique un autre proverbe qui, lui, répond parfaitement à l'état de sclérose dans lequel se trouve notre pays: Manager, c'est comme écrire dans la neige: Il faut sans cesse réécrire au fur et à mesure que la neige fond. A méditer aussi…. Et puisque vous êtes partisan de ne pas être du tout informé, rien ne vous oblige à lire les articles du Professeur.

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Ahmed Bouhenda

Il y a deux proverbes que je suggère à l’auteur et aux lecteurs de bien méditer: 1) La nature a horreur du vide ; 2) Peu informé et plus dangereux que pas du tout informé.

Alors ce soi-disant expert international qui nous balance des chiffres pour nous impressionner. On le voit dans tous les journaux avec des rapports experts presqu’au quotidien. Comme l’autre professeur de l’école polytechnique d’El-Harrach qui pond des articles tout les jours dans le quotidien L’expression, je ne comprends pas comment on peut produire des articles, soi-disant profonds, presqu’au quotidien. On dirait que c’est une course qui va écrire le premier. On oublie la vertu de la qualité.

Comme les politiciens et entrepreneurs algériens, et maintenant notre soi-disant élite intellectuelle, on pense faire des miracles à la vitesse de la lumière. Du bon travail ca prend du temps. Il faut faire une recherche poussée. Ca prend de la réflexion. Des échanges avec les collègues. Pas comme ca pondre trois articles le lendemain d’un discours du premier ministre. On dirait même que c’est téléguidé.

Ce qui manque en Algérie, c’est une Vision et du Leadership. Les gens à la base sont blasés, sceptiques et non-motivés. Tout le monde veut voir sa condition de vie améliorée dans le respect mutuel. Comment changer cette dynamique. C’est le rôle d’une vraie élite.

On critique le manque de démocratie et de transparence de la part des dirigeants actuels. C’est vrai. Mais comment changer ca. D’abord il faut donner le bon exemple. Pensez-vous que les partis démocratiques avec des leaders au poste depuis 20 ans et plus donnent l’exemple. Personnellement je crois plus à une évolution qu’a une révolution. C’est le rôle de l’élite de tracer cette feuille de route. Comme le pouvoir actuel, l’élite algérienne (si elle existe vraiment) ne joue pas ce rôle. Certains disent on lui a cassé ses reins. Je pense que personnellement je connais pas mal d’experts (de vrai !) algériens qui préfèrent rester dans l’ombre, pour différentes raisons.