La presse algérienne raconte l'interdiction du livre « Les geôles d'Alger »

La presse algérienne raconte l'interdiction du livre « Les geôles d'Alger »

Les grands titres de la presse algérienne ont abondamment commenté ce samedi matin sur l’évènement du week-end : la décision des autorités algériennes de retirer du Salon du livre d’Alger « Les geôles d’Alger » de Mohamed Benchicou, sorti en simultané à Alger (Inas) et en France (éditions Riveneuve).

Dans le Soir d’Algérie

« Ambiance tendue, mercredi soir à la Safex. Les geôles d’Alger, de Mohamed Benchicou, sorti en simultané aux éditions Riveneuve (France ) et Inas, est interdit d’exposition, sous prétexte qu’il ne figure pas sur la liste des ouvrages devant être remis par son éditeur. Salah Cherikou, maître d’œuvre de l’organisation du Sila, a ordonné la fermeture radicale du stand. Prise à partie par des responsables de la Safex, la directrice commerciale des éditions Inas, Mina Talbi, a été accusée d’avoir contrarié l’ouverture de l’événement. Elle a vu son stand fouillé de fond en comble puis fermé et interdit d’accès sans la moindre explication. «C’est en force et éventrant les cartons à la recherche du livre de Mohamed Benchicou, tel un commando, que les agents de la Safex ont déboulé dans le stand. Avant de repartir, ils m’ont ordonné de retirer les affiches annonçant la sortie de l’ouvrage», nous a confié Mina Talbi. «C’est une décision arbitraire, aucun exemplaire n’est sorti avant l’inauguration, seule la vue de l’affiche les a rendus fous», a déclaré Bousaad Ouadi, responsable des éditions Inas. B. Ouadi est choqué par de tels agissements. Participant au Salon du livre depuis sa 1re édition en 1980 et membre fondateur de l’association des éditeurs algériens, B. Ouadi a assisté impuissant face au mépris et à la décision hostile des organisateurs. Il s’est insurgé énergiquement. Cette décision dénote une fois de plus l’abus d’autorité sachant que l’ouvrage en question a été enregistré au dépôt légal (INSB)et que demain, il sera dans toutes les librairies d’Alger. Réagissant à cette décision, Bousaad Ouadi a obtenu du comité d’organisation et à sa tête, Ahmed Boucenna, directeur général des éditions Anep, la réouverture de son stand, la condition sine qua none de retirer le livre de Benchicou. Un chantage à peine voilé. Bousaad Ouadi a préféré retirer sa participation. Le genèse de cette affaire pourrait faire date dans l’histoire du Salon international du livre d’Alger. Un salon qui est censé réunir intellectuels et personnalités culturelles de tous bords a été témoin d’une grave atteinte à la liberté. Résultat : aucun des éditeurs n’a réagi. Aucune forme de solidarité n’a fait résonance dans les couloirs de la Safex. Nul n’a souhaité s’exprimer ou même commenter cette atteinte à la libre expression. On rappellera uniquement que mercredi dernier, le ministère des Affaires religieuses a interdit près de 1200 titres religieux portant sur l’apologie de la violence et du terrorisme. Mais qu’à cela ne tienne, aucun des stands des éditeurs concernés n’a été fermé !

Dans El-Watan

« Des agents de sécurité se sont présentés au stand de Inas et l’ont mis sous scellés, selon un communiqué de l’éditeur, rendu public hier. Des planches de bois ont été déposées pour cacher l’espace des regards du public. Les livres ont été ensuite saisis. La vente-dédicace, qui était programmée jeudi avec l’auteur, a été annulée. Comme celle prévue par l’avocat Ali Yahia Abdenour, auteur d’un livre de mémoire La Dignité humaine paru chez le même éditeur. Les responsables de l’Entreprise nationale de communication d’édition et de publicité (ANEP), en charge de l’organisation du Sila, ont demandé à l’éditeur de s’engager par écrit pour ne pas exposer ou vendre Les geôles d’Alger. Ouadi Boussaâd a refusé et annoncé son retrait définitif du salon, dénonçant « un abus de pouvoir ». « Nous ne saurions, en effet, nous soumettre à un chantage qui aurait des répercussions dommageables sur notre métier et le droit à l’expression en Algérie et qui nous renverrait aux années de plomb », estime l’éditeur. Salah Chekirou, principal responsable du Sila, estime qu’il n’existe pas d’interdit ni « d’histoire ». « L’éditeur Inas n’a pas respecté la procédure et a enfreint le règlement intérieur. Il n’a pas mentionné le livre que vous évoquez dans la liste qu’il a remise au comité national de préparation du Sila », précise-t-il. Selon lui, ce comité consulte toutes les listes des ouvrages exposés et donne son accord à la participation, la refuse ou se réserve sur certains livres. « Nous avons appris la présence du livre en question par l’existence d’un papier qui circulait au salon annonçant une vente dédicace avec tel auteur. Le comité nous a saisis et a demandé de rappeler à l’éditeur le respect du règlement. Chose que nous avons faite en priant l’éditeur de retirer le livre non prévu dans la liste qu’il a remise », explique M. Chekirou. M. Boussaâd refuse cette condition et la qualifie de « prétexte fallacieux ». « Pourquoi imposer aux éditeurs algériens l’obligation incongrue de fournir des listes de livres édités et vendus en Algérie déjà soumis aux obligations de déclarations préalables au dépôt légal et ISBN auprès de la bibliothèque nationale ? », s’interroge-t-il dans le communiqué de presse. Il souligne que son entreprise est de droit algérien, « en règle avec toutes les dispositions et règlements en matière de dépôt légal et enregistrement ». L’édition du livre Les geôles d’Alger n’est, selon lui, entachée d’aucune irrégularité et ne fait l’objet d’aucune interdiction. « Pourquoi nous en interdire la commercialisation ? », se demande l’éditeur. Mohamed Benchicou craint que « la saisie » du livre s’étende aux librairies. Son précédent ouvrage, Bouteflika, une imposture algérienne, est interdit de vente dans le pays. Mais il n’existe aucun document officiel notifiant cette censure. « Jeudi au salon, j’ai rencontré éditeurs, syndicalistes et écrivains. Je suis sidéré par l’indifférence et la passivité pour ne pas dire autre chose des uns et des autres. Je dirai même de la connivence qui règne dans le monde de l’édition en Algérie », s’est indigné le journaliste, contacté hier par téléphone. Il explique qu’il voulait d’abord s’adresser aux Algériens, « mon public naturel », et en Algérie. « Je m’interroge si Benchicou a encore le droit de s’exprimer dans son pays. En tout état de cause, je ne me laisse pas faire », dira-t-il. Il explique que dans Les geôles d’Alger, il est revenu sur les conditions de détention « dans les mouroirs que sont devenues les prisons algériennes ». « J’ai évoqué également la manœuvre politico-judiciaire qui a été engagée contre moi et mon journal. Et je suis revenu également sur les conditions dans lesquelles s’étaient déroulées les élections présidentielles de 2004 », indique Mohamed Benchicou. Directeur du quotidien Le Matin, qui a cessé d’exister et qui est présent sur internet (www.lematindz.net), Benchicou a purgé une peine de deux ans de prison pour une affaire « d’infraction » à la réglementation de changes. Edité en France par Riveneuve, Les geôles d’Alger est préfacé par Gilles Perrault, auteur de Notre ami le roi (sur la monarchie marocaine) et Le Déshonneur de Valéry Giscard d’Estaing, ancien président français

Dans Liberté

Le livre, Les Geôles d'Alger, écrit par le journaliste Mohamed Benchicou, a été retiré mercredi dernier de la vente immédiatement après l'ouverture du Salon du livre d'Alger, qui se tient jusqu'au 9 novembre. L’information a été confirmée à l’AFP par Mohamed Benchicou. “Le livre a été retiré de l'exposition mercredi soir immédiatement après l'inauguration du salon par le président Abdelaziz Bouteflika”, a déclaré Benchicou à l’agence France Presse.
L’éditeur de M. Benchicou, Boussaâd Ouadi, a, pour sa part, précisé à l'AFP que “son stand a été fermé, sans explication, par les organisateurs du salon qui ont aussi saisi tous les ouvrages exposés”. Il faut savoir que le livre est déjà sorti en France aux éditions Riveneuve. Le stand de la maison d’édition Inas a été fermé par les organisateurs qui ont saisi tous les ouvrages exposés. Selon une source du comité d’organisation du Salon du livre, “tout exposant est tenu de transmettre la liste des livres qui doivent être exposés dans les rayons. Inas Éditions a envoyé sa liste dans laquelle ne figurait pas le livre de Benchicou. De ce fait, le comité d’organisation n’a fait qu’appliquer les termes du règlement que l’ensemble des maisons d’éditions exposantes connaît”.
Cette mesure ne vise donc pas le livre de M. Benchicou spécifiquement, puisque le comité d’organisation a interdit 1 200 ouvrages. Il faut savoir que le stand de l’éditeur Inas devait abriter, jeudi après-midi, la première vente dédicace du livre Les Geôles d'Alger. Mohamed Benchicou, directeur du journal Le Matin, suspendu depuis juillet 2004, a été emprisonné durant deux ans à l’issue d’un procès pour une affaire de bons de caisse. Dans son nouveau livre, Les Geôles d’Alger, Mohamed Benchicou raconte ses deux ans d’incarcération à la prison d’El-Harrach. Dans la préface, Gilles Perrault écrit : “Ce livre est roboratif, réconfortant et même enthousiasmant. Car Mohamed Benchicou avait été incarcéré avec en tête l'exhortation du poète Nazim Hikmet, autre détenu politique célèbre : l'important, c'est de ne pas se rendre”. “On ne peut rien contre la volonté d'un homme”, répétait Nelson Mandela. L'auteur de ce livre, ajoute Gilles Perrault, en apporte à son tour la superbe démonstration. “Il est sorti des geôles d'Alger comme il y était entré : la tête haute. C'est une leçon de courage que nous délivre son livre aussi émouvant que passionnant. Puisse-t-elle être largement entendue, et notamment par ces puissants qui croient que l'intimidation et la violence iniques réussissent toujours à courber les hommes libres”, conclut-il.
Devant cette situation, le Syndicat des éditeurs a été saisi. Pour l’instant, aucune réaction n’a été enregistrée.

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Commentaires (8) | Réagir ?

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lyess khenissa

Rien ne dure sauf les plaies qui vous guident ou vous egarent.

je tiens a vous remercier beaucoup Mer BENCHICOU

c'est vrais que les hommes sont rares et vous ete un grand monsieur.

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Karim Belmokhtar

Ce n'est pas une surprise pour moi, ce pouvoir aux abois, ne peut laisser passer un livre qui risque de le faire vacillé un peu plus. Je tiens à rendre hommage à l'éditeur Mr Boussaâd Ouadi, qui ne s'est pas laissé faire et il a refusé le chantage. Par contre, je tiens à dire toute mon indignation, face aux éditeurs qui n'ont pas réagi à cette atteinte à la liberté d'expression dans notre pays.

Pour moi, ce pouvoir comme un débutant, vient de faire une publicité de grande envergure (gratuitement) pour l'ouvrage de Mr BENCHICOU.

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