De Nourredine Boukrouh à Rachid Boudjedra : égocentrisme et inertie au sommet !

Noureddine Boukrouh.
Noureddine Boukrouh.

Les turbulences politico-intellectuelles qui nous ont été servies ces derniers jours ne peuvent laisser indifférent tout citoyen qui rêve d’interactions apaisées entre les nombreux intellectuels et hommes politiques qui s’agitent sans cesse et passent leurs temps à croiser le fer à travers les médias, au lieu de s’entendre et de réfléchir à des actions communes salutaires.

De telles tumultes, même verbales, représentent autant de tribulations complémentaires portées à un moral rendu déjà bien bas par la caste de prédateurs insatiables qui ont décidé de ne pas lâcher prise, quoi qu’il en coûte pour le pays. À cet égard, et suite à la dernière sortie de Nourredine Boukrouh, à travers laquelle il s’est empressé de réagir, avec agressivité, à l’appel des trois dinosaures que l’on connaît (un dinosaure politique décalé du 21ème siècle, par toutes sortes de ténébreux impairs, un dinosaure militaire qui ferait mieux de convaincre ses pairs, et le 3ème, maitre Ali Yahia Abdenour, l’infatigable démocrate qui, à tous les combats justes, adhère) on se demande bien qui, parmi la myriade d’opposants que compte l’Algérie, se soucie réellement du destin du pays ? Tant il apparaît clairement que derrière toutes ces agitations se cachent, avant tout, des projets de carrières et de profits exclusivement personnels, avec pour ultime convoitise celle de laisser une trace et d’associer son nom à l’Histoire du pays.

Si telle assertion semble exagérée, qu’on nous explique pourquoi après une série d’interviews qui laissaient se dessiner une approche mûre et réfléchie de la méthode Boukrouh, malgré quelques non-dits qui laissent l’observateur averti sur sa faim, notre politique éclairé se déchaîne contre l’appel de nos 3 dinosaures en les accusant de plagiat manifeste (rien que ça !), au lieu de chercher à les rallier à sa cause ? Cause que pourtant il voulait unificatrice et intégratrice de toutes les échelles de la société ? Par telle réaction, certainement spontanée et irréfléchie, Monsieur Boukrouh a laissé s’envoler le capital crédibilité qu’il semble avoir récolté, à la suite de ses nombreuses analyses et appels qu’il n’a eu cesse de lancer ces dernières semaines. Pourtant, il aurait suffi qu’il se réfère à l’adage « si quelque méchant vous blesse ou vous nuit, vous feriez mieux de laisser passer quelques nuits entre ses insultes et votre vengeance » pour éviter que de telles réactions néfastes ne surgissent pour lui porter, à court terme, d’irréparables préjudices. Ce genre de réaction, quasi-violente n’est, de toute évidence, pas spécifique à monsieur Boukrouh. Elle nous a, de tous temps, été servie par nos élites. Qu’elles fussent politiques ou intellectuelles.

Face à ces guéguerres d’ego, le citoyen d’en bas se retrouve désarçonné en permanence, ne sachant plus à quels saints se vouer, ne comprenant pas comment nos hommes politiques peuvent-ils ainsi espérer rassembler le p’tit peuple de moutons que nous sommes et qu’en même temps ils font le vide absolu autour d’eux ! Il n’y a qu’à faire défiler les noms de ces grosses pointures qui se réclament de l’opposition depuis la petite récréation démocratique de 1989, pour en déduire que tous, sans exception, cherchent à émerger du lot en jouant à des Zorro solitaires, tout en rêvant, que dis-je ? tout en exigeant la sympathie du peuple ! Peuple qu’ils incitent à sortir dans les rues pour les glorifier et les introniser, en nous signifiant, sans gants et sans détour, qu’adhérer à leurs projets est l’unique moyen pour nous de nous soustraire de notre condition d’éternel « ghachis » méprisé !

S’il y a un mouvement collectif à créer, encourager, engager et pérenniser, il doit se situer, en premier lieu, au niveau de l’élite qui aspire à diriger ! Mais force est de constater qu’il ne transpire aucun terrain d’entente au sommet ! Par conséquent, comment peut-on oser espérer unir le p’tit peuple derrière qui que ce soit ? L’unification du combat politique n’est pas un phénomène spontané ! Il est le résultat d’interactions et de débats constructifs aux sommets ! Quant à nous, pt’it peuple, nous sommes fatigués ! Vous nous avez trop fatigués pour espérer de nous que l’on se laisse entraîner dans ce jeu de baballe incontrôlé ! Une baballe que tout le monde s’acharne à renvoyer dans nos camps pour nous forcer à investir le terrain ! Vous voulez la révolution ? Mobilisez vos enfants ! Le p’tit peuple en a marre de toujours servir de chair à canon ! On peut toujours se réfugier derrière l’idée d’un soulèvement pacifique. Mais si tel soulèvement pouvait avoir lieu, quid des réseaux de baltaguias que le pouvoir s’empressera de lâcher pour enclencher la violence et en faire endosser la responsabilité aux organisateurs, comme il l’a toujours fait ? Voilà des questions de forme sur lesquelles il est utile de se pencher en lieu et place de tous ces discours rébarbatifs que tout le monde nous sert depuis moult décennies ! Le vocabulaire, c’est facile et inefficace ! D’autant que verser dans des descriptifs de l’état des lieux, un état que tout le monde connaît, ne contribue qu’à faire tourner tout le monde en bourriques ! Ce qu’il faut, c’est de l’action (pacifique évidemment) ! les fistons et latéraux en premiers bataillons ! Alors, ptet bien que nous suivrons !

Côté caste intellectuelle, les choses n’offrent pas davantage d’optimisme. De Rachid Boudjedra à Kamel Daoud et Yasmina Khadra, c’est l’altercation verbale à qui mieux mieux qui domine. À ce propos, les réactions, à l’identique, de nos deux intellectuels sont un tantinet démesurées. Même si Rachid Boudjedra ne faillit pas à ses habitudes de querelleur endurci (rappelons-nous de la dispute, rapportée ici même par Meziane Ourad, entre notre athée de jour, bon-musulman de nuit, et Lakhdar Hamina), il eut été plus sage de l’ignorer, comme le fait Boualem Sansal depuis de nombreuses années ! Par ailleurs, n’oublions pas que Rachid Boudjedra a 76 ans ! soit 15 ans de plus que Yasmina Khadra et presque 30 ans de plus que Kamel Daoud !!! Et le respect dû aux ainés alors, vous en faites quoi ? Des brioches ? pour paraphraser notre regretté Kateb Yacine.

Selon nos vieilles traditions du terroir, le respect et l’indulgence que l’on doit aux ainés sont sacrés ! telles preuves de politesse sont fermement ancrées dans la formule "Dada", à laquelle chacun est tenu de se conformer envers les ainés, que ce soit à l’intérieur de la cellule familiale ou à l’extérieur, dut-il ne s’afficher que quelques mois, voire quelques semaines de différence d’âge au compteur, entre les uns et les autres. "Khass yezwarik kane s’yiwene wass, dh’dadakh" (combien même il ne te dépasse que d’un jour, c’est ton ainé ! sous-entendu, tu lui dois égard et respect !). Mais allez donc concilier telle formule avec cette autre, qui veut que "lifatek b’lilla fatek b’hilla" (qui te devance d’un jour, te surpasse d’un tour) !

Ce n’est pas en faisant part de son mépris à un p’tit vieux qui, quoiqu’on dise et quels que soient les écarts qu’on lui attribue, nous a bien revigorés par sa prestation mémorable sur Echourrouk TV, en infligeant un fabuleux "kassaman bi oumi" à la face de tous ces gardiens du temple stériles et inutiles pour une société qui aspire à avancer, que l’on augmentera son capital grandeur et célébrité ! On peut bien invoquer le fait que Boudjedra s’est rétracté depuis, pour s’abjurer et faire semblant de suivre la "sirrat el-moustaqim" pour qu’on lui foute la paix, mais qui peut prétendre faire preuve du cran et de l’audace nécessaires pour affronter toutes sortes de menaces dont il doit être l’objet, dans un pays totalement acquis à la fitna ? Pour sauver sa vie, Galilée s’est vu contraint de renier que la Terre est ronde, pourquoi en vouloir à Boudjedra d’être forcé d’agréer la chahadda ? N’est-ce pas absurde et idiot de risquer sa vie en s’acharnant à ramener à la raison ceux qui ont été dépossédés de toute raison par toutes sortes de fables, de légendes et de vie meilleure au firmament ?

Toute cette effervescence politico-intellectuelle rappelle la célèbre phrase de Chadli Bendjedid "ouehad ma y3tinna eddars" ! Force est de constater que tel postulat s’est généralisé à l’ensemble de nos élites, car des dourrouss, tout le monde en donne, mais personne n’accepte, ne serait-ce que l’idée, d’en recevoir ! Rajouté à cela, le fait saillant que "ouahed ma yesmah fi hakou" (personne n’envisage quelconque renoncement), la cocotte algérienne continuera de bouillir jusqu’à déflagration fatale ! Ya hafid, ya settar ! pour imiter le terroir ! Et, tant que l’union ne se fait pas, d’abord et avant tout, au sommet, le p’tit peuple se contentera de stipuler, en réplique à la léthargie dont il est constamment accusé : yaw fakou !

Rassemblez-vous d’abord ! vous les Grands Benbitour, Benflis, Djillali, Boukrouh, Sadi et autres « douctours » (Allah ibarek les sommités que compte le pays) ! à ce moment-là, l’espoir de faire bouger le « ghachis », qu’à vos yeux nous sommes, ne serait pas insensé ! Tel rassemblement, en haut lieu organisé, faites-nous confiance ! nous nous réveillerons de notre profonde léthargie pour vous acclamer et vous glorifier, comme nous l’avions fait pour ceux qui vous ont précédé, juste avant que l’armée des frontières ne surgisse du fond fin de tout ce qui rime avec imposture céleste et Arabie pour nous b…riser !

Kacem Madani

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Commentaires (23) | Réagir ?

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fateh yagoubi

merci

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adil ahmed

danke schoon

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