A comme Algérie (22)

"Moi, je sais où je vais et il n’y a que la mort qui mettra un terme à ma marche… ", avait confié Bouteflika à Elisabeth Shemla
"Moi, je sais où je vais et il n’y a que la mort qui mettra un terme à ma marche… ", avait confié Bouteflika à Elisabeth Shemla

U comme UN

Un : 1 divise tous les nombres en feignant de se diviser. Personne ne le divise. Il est unique. Dans la multiplication, il fait de la figuration. Il se veut au-dessus de la mêlée. Magnanime tel un Prince sans Machiavel. Quant à son bras droit, zéro, il ne peut diviser aucun y compris lui-même. Il se venge sur la multiplication en annulant n’importe quel nombre y compris 1, son maître. Avant de gouverner le monde numérique, ce duo de choc (1-0) a liquidé tous les autres sauf à l’école. L’institution où on broie le petit génie avant de fabriquer 1000 mongoliens en herbe. Pourtant, le but des moines hindous en les inventant se limitait à façonner des jardins aux dimensions adéquates pour fleurir les statues de leurs dieux. Quant aux affreux chiffres romains, ils n’ont tenu leur pari que pour comptabiliser les soldats et les esclaves. Pour se venger, ces derniers ont saboté l’Empire.

Un le grand : Le Père, Dieu de l’univers. C’est le chiffre du Maître. C’est l’unité, le point de départ. Et comme dit Pascal « Tout l’univers est contenu dans l’Unité.» L’unicité multipliée rétrécit les places disponibles au Paradis. Et l’unicité divisée ne rassure pas plus à voir le monde sunnite en guerre contre lui-même. Le diable est dans les points de suspension quand Allah se met au service du calife. Ce qui implique, par exemple, qu’au palais des Mille et une nuits, le 1 terrestre a sa lune, sa terre, sa comète, sa galaxie et son univers. Le visa pour le Paradis c’est lui : il signe les dates des fêtes religieuses, le montant du pèlerinage, le sermon de l’imam du téléprédicateur et le programme de l’écolier. Quelqu’un a dit que pour savoir si un pays est une dictature ou une démocratie, il faut aller chercher la réponse dans les prisons. Le tyran a intérêt à jeter les meilleurs en prison et remplir sa cour de salopards et de psychopathes. Tandis que le démocrate s’oblige à l’utopie en cherchant des as doublés de saints. Jongler avec l’inégalité terrestre et céleste sans dégonfler les balles. Tout en se heurtant inlassablement à la constante du duo de la mort (1,0) : « si vous tuez un seul homme, vous êtes un assassin ; des milliers, vous êtes un héros ; tous, vous êtes Dieu. »

Un le petit : C’est le père qui s’autoproclame Père terrestre. Staline, l’athée, lui a accolé l’adjectif « petit ». C’est logique, il a fini par mourir seul comme un grand. Une porte le séparait de son zéro : gardes et favoris. On l’a compris le zéro n’est pas la populace puisqu’à droite ou à gauche, elle ne compte pas. Depuis plusieurs décennies, on le savait, on l’a prédit dans les années 1970. On l’a fait : 80 % des habitants de la planète ne servent plus à rien en 2017. Pas de travail, pas d’argent, pas d’existence : l’infini négatif. Quant au 1, il n’échappe pas à la hiérarchie. Par exemple le 1 algérien n’est pas le 1 américain. On peut dire que pour le 1 humain, 0 c’est le policier, le militaire, l’expert accrédité, le magistrat de la cour, le présentateur vedette, la star du cinéma, du foot, de la chansonnette, du mollah-gourou, du Parrain etc. Si elle veut scintiller tel un feu d’artifice chinois, la cour n’a pas le choix. Le 1 est omniprésent et s’offre le privilège d’être égal à l’infini positif multiplié par 0. Quand les mathématiciens sont dans le flou, ils rejettent tout vers l’infini. Et dire que l’homme le plus intelligent de la planète est un mathématicien russe, Gregory Perelman, c’est l’Oncle Sam qui l’affirme, pas la propagande « soviétique ». Cet « extraterrestre » a refusé 1 million de dollars offert par deux prestigieuses universités américaines et en sus l’équivalent du prix Nobel en mathématiques. Il vit dans un minable appartement. Ce génie a résolu la Conjoncture de Poincaré ; grosso modo, le secret du fini qui arrive à créer l’infini. C’est vrai qu’en Russie, le ciel est plus clair donc les idées plus fécondes. Dans le pays de Staline, la voûte céleste se voile bio avec des nuages naturels, divins comme ceux qui se forment après la prière musulmane pour la pluie. En cerveau supérieur, Gregory l’a compris, il ne veut pas qu’on le détruise de l’intérieur avec du papier vert qui n’a aucune pépite d’or pour se faire valoir. Il faut dire que l’Amérique porte plus chance aux pays ennemis qu’amis.

Souvenons-nous, à 15 jours du 4e mandat, le Secrétaire d’Etat de Maison Blanche surfant sur le tapis rouge de la Régence est venu soutenir le Fantôme d’Alger. Ainsi le Gendarme du monde a voté avant les Algériens loin de l’Américain lambda victime des subprimes, des épandages aériens, du gaz de schiste, des OGM, des pesticides, de la drogue, de la violence des banlieues et des attentats islamistes. Et comme la Constitution le lui permet, ce dernier se console en faisant des procès aux responsables. Résultat, le docteur Folamour se délocalise chez les zombies affamés. Sans rire, l’un d’eux affirme au micro de la meilleure chaine du Sérail, la 3, que tout serait bio dans le mégaprojet agricole algéro-américain. Quant au revenant, le gaz de schiste, il sera pompé en réveillant le génie d’Aladin, victime de la mouche tsé-tsé et du mauvais œil. On se demande pourquoi la France endettée et imbibée de cette énergie, dit-on, résiste aux chants des sirènes.

La Suisse, là où il y a les comptes et les luxueux chalets des patrons a fait des tests avant de l’interdire. Les nababs n’ont pas apprécié les secousses sismiques qui en ont suivi. L’Algérie qui a le défaut de délocaliser les résidences de tous ses décideurs, offre la liberté de tout apprécier sans limite à ses serfs enracinés. On a beau aimer le yaourt en ruinant, paraît-il, les réserves en milliards, comment réparer quand rien n’est naturel ni local dans cet élixir : lait importé ; sucre importé ; ferment importé ; couvercle en aluminium importé ; pot en plastique importé ; sucre importé ; ferment, importé. Seule l’eau est provisoirement algérienne. Apparemment transparente, mais trop radine pour abreuver normalement sauf quand le sucre s’y mêle pour la santé du jus. On ne parle pas de l’aspartame qui est noté en minuscule dans le pot de yaourt trop contrôlé puisque fabriqué en France et vendu 2 à 3 fois le prix du « national » dans les rares surfaces haut de gamme. Et dire qu’en France, les « de Souche » découvrent, pour préserver leur santé, le kéfir qui ressemble comme un clone à notre petit-lait d’antan (lben)...

Dans « Mon Journal d’Algérie (1999-2000), Elisabeth Schemla, évoque sa conversation avec le président Bouteflika, numéro 1 de l’Algérie qui insiste sur sa piété et sur le vilain petit défaut des Algériens, la gourmandise : « …Moi, je sais où je vais et il n’y a que la mort qui mettra un terme à ma marche… Je suis un musulman. Je considère donc que chacun d’entre nous s’inscrit dans un destin. Dès lors, je pense que cela devait se terminer pour Boudiaf de cette manière. Moi-même, je suis là parce que j’ai tout fait pour me faire élire. J’ai dit au peuple algérien quelques vérités cruelles, qu’il avait mangé des pruneaux, des kiwis, qu’il avait aimé la politique de Chadli, et malgré ca, je suis là…je veux qu’il y ait un électrochoc en Algérie. Je veux que les Algériens comprennent que leur richesse est celle qu’ils créeront eux-mêmes et que leur devenir s’inscrit dans le défi que leur impose la mondialisation, dans leur capacité à s’armer pour l’affronter. » Une génération plus tard, à peu près, rien n’a changé et tout a changé. La honte du yaourt s’est ajoutée à celle du kiwi périmé et des pruneaux d’Agen de la Californie.

Pourtant, les affamés n’ont salivé que pour le sachet plastique du lait et la baguette du pain à l’améliorant. Même la sardine qui les faisait fantasmer à 1000 dinars le kilo, les harcèle en vain à 120 dinars. On devrait remercier l’Industrie alimentaire américaine qui a tout compris. On espère avoir plus de chances que le Brésil qui accuse la « révolution verte » d’avoir causé les fameuses favelas, sans parler du reste. En Algérie, les rares paysans qui subsistent pourront trouver un boulot de gardien ou d’éboueur dans ces mégastructures contrôlées par des ordinateurs et blindées de caméras. À condition que leur santé le leur permet. Car tout est lié, réglé, ciselé, embarqué, tatoué jusqu’à l’ADN. On se rassure, le numéro 1 de la bouffe est là, Monsanto qui ne cache pas ses ambitions sur l’Afrique subsaharienne. Et pour la sauver de la sécheresse, a racheté le numéro 2 américain de l’industrie météo, le Climate Corporation. Traduction, après le grain et le pesticide qui va avec, voilà que le dieu de notre estomac se met à écrire les cartes du ciel pour le monde entier. Monsanto peut hurler au complot et affirmer que le ciel est bleu limpide avec une douce température printanière. On doit le croire dans l’agonie d’une fournaise africaine sous un ciel martien sulfurisé. Une association française contre les épandages aériens, porte le nom de « Ciel voilé », une autre « Le ciel nous tombe sur la tête »...

En Algérie encore à l’âge de pierre, aucune éclaircie que de lire ce qui est accessible chez les autres quand les coupures du web et de l’électricité le permettent. Essayer de trier le vrai du faux juste avec ce qui nous reste de bon sens et d’instinct primitif avant de comparer. Nos décideurs c’est encore pire, tout ce qui rentre dans leur compte fait leur cerveau et leur ventre. Sauf qu’ils ont meilleure santé, aller manger à Monsanto, c’est comme aller chez le gargotier vendeur de pois chiches. Pas assez cher pour eux, il y va de leur statut. C’est des « 1 » trop fragiles au point de nécessiter une surprotection à classer l’Algérie dans le top 10 des acheteurs d’armes. Sous un ciel plombé et avec un kilo de pois chiches à 350 dinars, on a le droit d’avoir peur quand on lit ces titres venant de pays ni envieux ni retardés ni hostiles tels que l’Angleterre, la France, les USA… : « 17 ONG alertent le président Hollande dans une lettre accusant Total, Monsanto d’avoir influencé fortement le climat ( 04/ 12/ 2015, site : France Nature Environnement) ; « Monsanto, un demi-siècle de scandales sanitaires (Monde.fr 16/02/2012 ; « Monsanto accusé de crimes contre l’humanité et écocide par un tribunal citoyen international (Monde.fr 05/10/2016) et cetera. On s’en doute, en Algérie ce numéro 1 risque zéro procès. Le scandale fait la pub qui fait vendre. Le monde nous apparaît comme arabisé au sommet : le calife et ses janissaires s’acharnant sur des morts-vivants. Le schéma à succès des contrats mafieux, des signatures meurtrières, du chantage soft comme la signature d’une loi européenne interdisant à un État d’interdire un produit jugé dangereux sans payer le manque à gagner à l’entreprise responsable. Hier, la morale des ex-Lumières prônait l’inverse…

En Algérie, cette fatalité enfin partagée, nous console et nous désespère en même temps. Le mot espérance plaît aux politiciens, car synonyme de dépendance. Combien de temps peut-on tenir face à une panne d’électricité, d’eau ? L’important de nos jours c’est d’avoir du blé et du lait à gogo, faux et irradiés, qu’importe. Après tout, avec ou sans, le cancer est bien installé en Algérie. De la tumeur bourrée d’aluminium et autres métaux lourds, on peut y ajouter le cerveau en gruyère grâce à la vache folle.

L’anthropologue René Girard est arrivé à la conclusion qu’une société en crise a besoin d’un bouc émissaire pour affronter l’ouragan. Il faut immoler un innocent de temps en temps pour la survie de la majorité. À force de répéter cet étrange rite depuis des millénaires, pas étonnant d’en arriver au 21e à un dérèglement total. Le sacrifice de la majorité, du vide pour que vive la minorité coupable et responsable, l’indivisible 1.

Mimi Massiva




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Commentaires (27) | Réagir ?

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adil ahmed

danke schoon

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DSP beddiare

Merci pour cet Article

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