L’effet Ouyahia débute par un affaiblissement du dinar (II)

Ahmed Ouyahia
Ahmed Ouyahia

La période de transition économique en Algérie qui a débuté les années 1990 valse entre une démarche dirigiste et celle d’un désengagement parfois irréfléchi de l’Etat pour favoriser les pôles de bazar un peu partout dans les régions du pays.

3 - Tant que la transition dure, le marché parallèle des devises restera influent en Algérie

Pour réguler ce cafouillage, les pouvoirs publics édictent des règles qui n’arrangent pas la sphère commerciale de cet ordre établi. Les acteurs qui ne trouvent leur compte dans l’économie réelle contournent le circuit formel pour satisfaire leur besoin dans celui informel. L’Algérie, contrairement à la Tunisie ou le Maroc, pays dans lesquels la différence entre du taux de change de ces deux marchés est minime à cause de la diversification et l’extraversion de leurs économies, est mono exportatrice pour près de 98% d’hydrocarbures et importe près de 75% des besoins des ménages et des entreprises.

En outre la production nationale est très peu intégrée. Les experts estiment le taux d’intégration entre 10 et 15%. Là où l’Etat par le biais de son système bancaire est défaillant, le complément se fait dans le circuit informel. Pour les industriels : le complément de leurs imputs, les pièces de rechange parfois même la formation. Pour les ménages, la précarité du système de santé, celui de l’éducation, du tourisme pour ne citer que ceux-là, les contraint aussi à recourir au marché parallèle pour compléter leurs besoins. Cette pratique est devenue une loi imposée par une nécessité pour laquelle les pouvoirs publics ne peuvent rien faire pour y remédier. Ces dernières années, une autre forme alimente ce marché parallèle de devises, notamment l’euro, c’est le transfert massif de capitaux pour l’achat de l’immobilier à l’étranger notamment en Espagne. C'est un choix de sécurité pour fuir un pays où la transition vers une économie réelle prend du temps, le cours du dollar et celui du baril gouvernent sa destinée.

L'incertitude politique autour de la maladie du président, l’état de psychose créé par les scandales financiers et la corruption font que des hommes d’affaires et citoyens de classe moyenne vendent leurs biens pour acquérir des appartements et immeubles commerciaux bon marché dans la cité Ibérique.

Même les petites bourses qui avaient pour habitude historique de thésauriser leurs économies dans l’or, se sont mises à le faire dans la devise de part la fluidité à l’échange. Il n’y a pas une ville en Algérie qui ne dispose pas "d’abri" de change parallèle parfois plusieurs qui raflent tout ce qui vient de l’étranger et dirigent l’import/import. L’Etat, en dépit de sa volonté d’éradiquer l’informel, restera impuissant par la loi de la force populaire qui en exprime le besoin et la nécessité.

Abdelmadjid Tebboune a affirmé à ses hôtes parmi les chefs d’entreprise qu’il a reçus avant son limogeage qu’il irait au bout de sa démarche suite aux instructions qu’il a reçues du chef de l’État lui-même. De quelle démarche et dossiers s’agit-il ? "Nous avons la liste des biens achetés en France, en Espagne et ailleurs", leur dira-t-il.

Dans le niveau où il était, et sachant pertinemment à qui il s’adressait, il n’aurait pas tenté de s’aventurer sur cette voie s’il n’avait pas de soutien présidentiel et des sommes en jeu aussi importantes. Qu’est-ce qui s’est passé exactement pour entraver son élan, l’avenir nous le dira.

4- Pourquoi le dinar ne se vendra pas dans les brouettes à la Zimbabwe

Bien que nous ayons un peuple fatigué par les luttes historiques et frustré par le mode de gouvernance depuis l’indépendance, il n’existe aucune similitude entre le régime de Mugabe et celui dans lequel évolue l’Algérie aujourd’hui. Le premier est une forme de dictature pure et parfaite dans laquelle l’abondante ressource minière se trouve entre les mains d’une seule classe proche du président et qui exploite le reste de la population estimé à 15,6 millions en 2016 auxquels il faudrait retrancher 4 millions qui vivent en Afrique du Sud. Le clan de Mugabe qui accapare les richesses représente 20% de la population. Le taux d’alphabétisation le plus haut d’Afrique (83,6%), un taux chômage de près de 85%. L’économie est informelle à près de 75%. La dollarisation de son économie, début 2009, reste un cas d’école. L’hyperinflation à plusieurs chiffres devait obliger le gouvernement zimbabwéen d’abandonner carrément sa propre monnaie au profit des autres. Dieu merci, l’Algérie n’est pas dans la même situation car elle dispose d’une élite consciente qui ne se laisse pas entraîner dans des aventures sans lendemain.

Dans cette affaire de financement non conventionnel, ils étaient plusieurs de stature politique, hommes de sciences et experts qui se sont exprimés sur les impacts négatifs de la planche à billets au stade actuel où se situe l’économie algérienne. Même ceux qui étaient pour, la conditionnent à des garde-fous que le gouvernement actuel ne pourrait pas dresser étant donné les circonstances.

Dans cette démarche très controversée, le Premier ministre semble cavaler seul et a mis tout le monde sur son dos. Les médias, l’opposition, les économistes, ses prédécesseurs, la Cour des comptes, le système bancaire et bien d’autres.

La mise en œuvre de son plan débutera dans l’immédiat pour l’année 2017 et début 2018 mais il est très peu probable qu’il sera mené à son terme. Tout porte à croire et de nombreux signes semblent le confirmer que le président de la république ne pourrait pas être au courant personnellement de cette démarche que le premier ministre vient de réduire à une "impératif et non un choix". Pourquoi ? D’habitude, Bouteflika réagit lorsqu’il se rend compte qu’un de ses gouvernements entreprend une action autant contestée par tout le monde. Il l’a montré lors de la proposition de la loi sur les hydrocarbures en 2005, il a mis fin personnellement au débat sur lez gaz de schiste pour ne citer que celui-là. Le marchandage avec la presse pour réchauffer l’autorité de régulation, le geste envers les agriculteurs pour la relance des fermes agricoles, l’humiliation dans laquelle il a mis les députés et les sénateurs pour leurs salaires que le citoyen lambda comprend comme un chantage purement et simplement montrent incontestablement son isolement.

La deuxième raison et pas la moindre qui pourrait sauver le dinar de s’effondrer serait le prix du baril de pétrole par les réserves de change qu’il dégagerait. En effet, le Brent, proche du Sahara Blend algérien est coté à l’heure où nous écrivons 58,13 dollar. Cela voudra dire que le nôtre par sa légèreté et son taux de soufre réduit à franchit la barre des 60 dollars. Les marchés semblent donner de bons signes pour les perspectives 2018-2020. L’alliance OPEP/non-OPEP a réussi à éponger le surplus pétrolier sur les marchés et poursuit sa volonté de réduire encore plus leurs quotas.

Ensuite dans son rapport du mois de septembre paru la semaine dernière, l’AIE a révisé en hausse ses prévisions de croissance de la demande en 2017 à 1,6 million de barils par jour. Il précise que si la demande continue à croître à ce rythme au cours des prochaines années, la production et les stocks actuels ne suffiront pas. Même un taux de croissance plus modéré absorberait l’offre excédentaire de pétrole d’ici la fin de la décennie, à moins d’un rebond inattendu de la production, ce que la faiblesse des investissements actuels ne permettront pas

5- Alors ! Pourquoi ce drame ?

Si le diagnostic et la situation financière sont tels que dépeints par l’équipe Ouyahia donc il y a péril en la demeure, à quoi servent alors les réserves de change si ce n’est pas pour parer aux situations économiques difficiles ? On retire une dizaine de milliards pour faire marcher les affaires courantes, on sert un peu plus la ceinture en commençant par le haut, on fait sortir les équipes de fisc qui moisissent dans leurs bureaux pour inciter les mauvais payeur à passer à la caisse, quitte à impliquer l’armée au lieu de tripoter une loi qui assure l’équilibre monétaire et ouvre la voie à des dérives inflationnistes sur plusieurs années.

Rabah Reghis, Consultant et Economiste Pétrolier

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Commentaires (8) | Réagir ?

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algerie

merci

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algerie

جزاكم الله خيرا

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