L’effet Ouyahia débute par un affaiblissement du dinar (I)

Le Square Port Said bruisse d'une envolée de l'euro.
Le Square Port Said bruisse d'une envolée de l'euro.

Le dinar poursuit sa chute dans les deux marchés : officiel et celui parallèle. Dans le premier il est coté à l’heure où nous écrivons 134, 0279 dinars pour un euro. A la même période l’année 2016, il l’était à moins de prés de 10% soit 122,5057 dinar pour un euro. Sur la marché parallèle avant la présentation du programme du nouveau gouvernement, l’euro se dépréciait par rapport au dinar pour atteindre dans certaine régions du pays 185 dinars pour un euro. Depuis l’adoption du plan d’action d’Ouyahia et ses réponses aux députés de l’APN, il a grimpé dans les deux sens montrant ainsi la perte de confiance des investisseurs qui n’ont pas été convaincus par le discours du premier ministre.

Depuis jeudi dernier, de nombreux citoyens se débarrassent de leur dinars faisant ainsi exploser la demande de la devise étrangère et notamment l’euro. Pourquoi la situation économique d’aujourd’hui reste semblable à celle de 1986 ? Comment le marché parallèle, que le premier ministre tente de minimiser, reste le principal indicateur de la santé économique de l’Algérie ? Sommes-nous entrain de nous diriger vers un scénario zimbabwéen ? Existent-ils des gardes fous possibles ?

1. Le dinar subit des crises périodiques à cause d’un manque de stratégie

Le dinar est né en 1964. Une décennie après et malgré l’intensification des investissements pour le montage du tissu industriel dans le cadre de l’industrie industrialisante, modèle de développement choisi par l’Algérie, il était bien coté : 1 dinar pour 1 franc et 1 dinar pour 5 dollars. Une année après sa valeur a été rattachée à un panier de 14 monnaies des pays avec lesquels l’Algérie avait des relations d’échange de toute sorte.

L’assise industrielle qui a demandé un endettement interne et externe avait retardé à donner ses fruits et présentait des surcoûts pour être productive et restait désormais fortement dépendante de la vente des hydrocarbures. Il a suffit que le baril du pétrole s’effondre en juin 1986 pour d’abord surprendre le management de l’époque le mettant ainsi face à une crise qui le mènera jusqu’en 2005, année durant laquelle le prix du baril a commencé son redressement. La première dépréciation a débuté sur la période 1986/1990, le dollar monnaie d’échange a pris près de 150% suivie une année après d’une autre de 22%. La fragilité économique de l’Algérie, déjà à cette époque, n’a pas permis de surmonter la crise par sa propre immunité et l’a mené vers une cessation de paiement en 1994 pour procéder sur ordre du FMI, devenu cogestionnaire dans le cadre du programme d’ajustement structurel, à une autre dévaluation de plus de 40%.

La décennie noire et les différentes catastrophes naturelles comme l’inondation de Bab El Oued et les différents séismes ont par leurs dégâts humain et matériel accentué cette crise pour un Etat qui s’est désengagé de plus en plus de la vie économique au profit de l’artifice de débrouillardise. De nombreuses entreprises privées ont ancré leurs ventouses autour d’un secteur privé affaibli pour s’emparer de la rente. Leur stratégie est de viser le marché de consommation en Algérie en faisant travailler par l’importation de leurs imputs les étrangers. Cette situation a favorisé un secteur économique parallèle qui prenait en charge les besoins des citoyens que l’Etat ne pouvait pas assurer. Il s’agit entre autres, des pièces de rechange pour les équipements, les équipements d’occasion jusqu’au usines complètes, les médicaments, les études à l’étrangers et le tourisme etc. Ce marché s’est imposé avec le temps pour dicter sa politique et faire des places algériennes un bazar grâce à la tolérance et parfois avec la complicité des pouvoirs publics.

A partir de 2005, le prix du baril de pétrole a repris son envolée jusqu’au décembre 2014, soit près d’une décennie. Les pics ont atteint parfois jusqu’à 160 dollars le baril mais la moyenne annuelle pour le Sahara Blend s’établissait comme suit de 2004 à 2005, 43,56 à 58,64 dollars pour atteindre 102 dollars en 2008. Un léger recul en 2009 autour de 63,95 puis poursuite de son ascension jusqu’au décembre 2014, année à partir de laquelle il est descendu en deçà des 50 dollars. Cette période prospère a permis à l’Algérie d’abord de se désendetter par anticipation pour rembourser les 20 milliards de dollars restants, constituer un matelas de réserves d’échange qui dépassait les 200 milliards de dollars, combler le déficit budgétaire annuel et mettre en place un fonds de régulation des recettes qui avoisine les 50 milliards de dollars. Mais au lieu d’utiliser cet avantage pour redéployer son économie en la diversifiant pour tirer les leçons du passé, elle a repris son sommeil pour mener la situation économique là où elle est aujourd’hui. L’artifice de la planche à billet n’est qu’une solution provisoire pour surmonter les difficultés de la gestion courante : payer les fonctionnaires, boucher les trous du système de la protection sociale, payer les dettes des entreprises du bâtiment pour reprendre les près d’un millions de logements en cours de réalisation etc.

Aucun dinar imprimé n’aura une contrepartie productive. Tout sera consommé comme d’habitude pour maintenir une paix sociale sans aucun sursaut économique.

2. Qu’est-ce qui pourrait se passer sur le court terme ?

Il n’y a aucun doute, le financement non conventionnel va débloquer la gestion courante et le train de vie de l’Etat, peut-être combler le déficit attendu pour la fin de l’année 2017 que certains experts pensent qu’il est sous-évalué à 11 milliards de dollars. La planche à billets soulagera Sonelgaz et Sonatrach de leur dette qu’elles détiennent sur l’Etat mais ne pourra en aucun cas financer leur développement ni celui d’ailleurs des autres entreprises publiques et privées. On sortira à ce moment une autre théorie comme on l’a fait auparavant. Jusqu’à présent, on s’est interdit de recourir à l’endettement externe parce qu’il visait à combler le déficit budgétaire. Maintenant qu’il s’agit de financer des projets économiques qui vont dégager des cash flows qui permettront de les rembourser, pourquoi pas. On enchainera avec des lignes de crédit garanti par le trésor public pour revenir à la case de départ : celle de 1986 pour faire perdre à l’Algérie une autre décennie et ainsi de suite.

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Rabah Reghis, consultant et économiste Pétrolier

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Commentaires (16) | Réagir ?

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algerie

merci

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fateh yagoubi

merci

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