La Russie est-elle derrière la crise de la Corée du Nord ?

Kim Jong-un serait-il vraiment dément, comme certaines personnes l’affirment, que plusieurs de ses généraux auraient déjà pris la situation en main.
Kim Jong-un serait-il vraiment dément, comme certaines personnes l’affirment, que plusieurs de ses généraux auraient déjà pris la situation en main.

Si la Chine est pointée comme la cause indirecte de la montée de la tension dans la péninsule coréenne, la Russie pourrait très bien tirer les ficelles de ce conflit.

Il y a quelque chose de profondément dérangeant de voir les dirigeants d’un pays avec une population de 25 millions d’habitants et qui n’a hypothétiquement que quelques armes nucléaires, affirmer qu’ils vont détruire par le feu la dernière superpuissance mondiale qui a plus de 2000 têtes nucléaires actives et 5000 autres en réserve. La thèse de la folie souvent mise de l’avant ne tient pas la route. Kim Jong-un serait-il vraiment dément, comme certaines personnes l’affirment, que plusieurs de ses généraux auraient déjà pris la situation en main. L’élite de ce pays doit se sentir suffisamment bien protégée pour continuer ce genre de politique qui semble mener tout droit à une destruction assurée.

La Chine en position de faiblesse

Un des pays qui permettent à la Corée du Nord de braver le monde entier est la Chine. Leurs liens remontent au temps de Mao. Avec Staline, Mao a appuyé Kim Il-sung quand il a déclenché la guerre de Corée. Même si elle a condamné vigoureusement le nouvel essai nucléaire, elle continue donc d’augmenter son support au régime. Malgré tous les engagements qu’elle a pris à l’ONU de diminuer son commerce avec la Corée du Nord, on apprenait le 22 septembre qu’il avait encore progressé en août pour atteindre son plus haut niveau depuis décembre 2016. Cette aide est en partie intéressée puisqu’elle ne veut pas que les États-Unis renforcement leur bouclier antimissile dans la péninsule coréenne qui mine sa force de dissuasion. C’est pourquoi elle a demandé plusieurs fois qu’ils cessent leur implication militaire avec la Corée du Sud, incluant les manœuvres militaires conjointes. Les habitants du sud de la péninsule coréenne ont cependant mal réagi aux frasques de ceux du nord et ont plutôt augmenté et renforcé la puissance de leur armement militaire américain.

La Chine est cependant très vulnérable aux pressions américaines. Comme les États-Unis dénoncent le fait qu’en 2016, leur déficit commercial avec la Chine s'élevait à 347 milliards de dollars, ils préparent une guerre commerciale. Ces derniers veulent utiliser son implication en Corée du Nord comme excuse pour prendre des mesures de rétorsion.

Compte tenu de la faiblesse de sa position commerciale face aux États-Unis, la Chine n’est donc pas un très bon allié pour défendre la Corée du Nord des visées américaines. Côté militaire, avec ses 300 têtes nucléaires, elle ne peut pas non plus assurer une protection adéquate en cas de confrontation nucléaire directe et sans retenue. Mais alors, d’où les dirigeants nord-coréens prennent-ils leur aplomb pour défier une nation qui a plus de 1000 fois plus d’armes nucléaires qu’eux?

La Russie en embuscade

Des cinq pays juridiquement reconnus comme ayant l'arme nucléaire, la seule qui en ait un nombre comparable avec les États-Unis est la Russie. Or, si la Corée du Nord est dépendante économiquement de la Chine, elle a aussi une relation très profonde avec la Russie et les pays de l’ex-URSS. Après la capitulation du Japon le 2 septembre 1945, elle est passée sous gestion soviétique. Se sont les dirigeants de l’URSS qui ont mis Kim Il-sung à la tête du pays. C’est avec l’appui de Staline que le nord a provoqué la guerre de Corée qui a duré de 1950 jusqu’à l’armistice de 1953. Les deux Corée sont d’ailleurs toujours légalement en guerre.

Les dirigeants russes pourraient très bien jouer de ruse dans ce dossier. S’ils affirment être profondément préoccupés par l'escalade des tensions et les échanges de menaces, ils sont cependant ceux qui son jusqu’à maintenant les plus grands gagnants dans ce conflit. Quand Vladimir Poutine dénonce l’hystérie militaire, il oublie de dire que plusieurs composantes de l’armement nucléaire que se bâtit la Corée du Nord portent la marque du bloc soviétique. C’est l’URSS qui lui a fourni les réacteurs, ingénieurs et centres de recherche qui ont amené à la construction des premières bombes nucléaires. Le complexe militaro-industriel soviétique semble d’ailleurs fortement impliqué dans le mystérieux bond en avant de Pyongyang puisque les moteurs du missile nord-coréen qui doit porter la bombe atomique ou même la bombe H auraient été uniquement produits dans l'ex-URSS.

Vladimir Poutine n’a jamais accepté la dislocation de l’URSS. Le départ du giron soviétique de l’Arménie, de l’Azerbaïdjan, de la Biélorussie, de l’Estonie, de la Géorgie, du Kazakhstan, du Kirghizistan, de la Lettonie, de la Lituanie, de la Moldavie, de la Mongolie, de l’Ouzbékistan, du Tadjikistan, du Turkménistan et particulièrement de l’Ukraine sont autant de coups de poignard qu’il a ressenti dans son dos.

Les Russes montrent régulièrement qu’ils ne reculent pas devant une action militaire agressive quand cela va dans le sens de leurs intérêts. Rappelons que cinq jours après le départ précipité du dirigeant ukrainien Viktor Lanoukovitch le 22 février 2014, les commandos russes s’emparaient des points stratégiques en Crimée. Le 16 mars, un référendum non reconnu par la communauté internationale liait la Crimée à la Russie. Depuis l’annexion de la Crimée, les exercices militaires de la Fédération de Russie vont d’ailleurs grandissants. Les grandes manœuvres militaires réalisées du 14 au 20 septembre dans l’enclave de Kaliningrad, sur les frontières de la Biélorussie et en Russie septentrionale montrent le sérieux des Russes. On voit de plus ces dernières semaines les armées et marines russe et chinoise manœuvrer ensemble près de l’Europe et en bordure de la Corée du Nord.

La Russie est aussi activement engagée dans une guerre économique contre les États-Unis. Avec les BRICS et des États tels l’Iran, elle s’attaque actuellement à la suprématie du dollar sur les marchés internationaux. Le contrat signé le 21 mai entre Moscou et Pékin pour la vente pendant 30 ans de 38 milliards de mètres cubes de gaz pour l'équivalent de 294 milliards d'euros est en yuan. Cette contestation de la monnaie américaine prend de l’ampleur. Le premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, lors de son séjour en Indonésie, a aussi annoncé que l'or devrait remplacer le dollar américain à court terme. Le ministre vénézuélien du pétrole affirmait le 15 septembre dernier que le prix de vente du pétrole vénézuélien serait en yuan

L’inusuel allié américain des Russes

La Russie pourrait très bien avoir de l’aide du camp adverse dans la péninsule coréenne. Par son comportement vis-à-vis la Corée du Nord, Donald Trump, semble en effet affaiblir la position américaine. Ses actions face aux menaces qui ont été faites contre les États-Unis lui ont attiré les réprimandes de la très grande majorité des spécialistes, autant en diplomatie qu’en politique et en stratégie militaire. En fait, malgré ce que dit Donald Trump, ses actions depuis le commencement de sa présidence montrent qu’il a aidé Vladimir Poutine dans plusieurs dossiers. En janvier il affirmait que l'OTAN, qui est le pire ennemi de Poutine, est devenue obsolète. Il se réjouit aussi publiquement du Brexit et de la division de l’Europe qui est aussi une structure que Poutine s’active à détruire. En juillet, Donald Trump allait même à Varsovie, pour vanter le peuple polonais qui est dans une crise de confiance avec l’Europe. Le président américain s’est aussi dit ces derniers jours un grand ami du président turc, Recep Tayyip Erdogan, qui vient de signer d’importants contrats d’armements avec la Russie et s’est immiscé dans les élections allemandes.

Il y a d’ailleurs beaucoup de questions qui persistent au sujet de l’implication de Vladimir Poutine dans l’élection présidentielle américaine.

Plusieurs enquêtes parlementaires sur le rôle de la Russie dans cette campagne montrent que les proches de Donald Trump ont eu des contacts avec de hauts dirigeants russes. Bien que les services secrets américains aient prouvé que ces contacts aient eu lieu, il reste encore à déterminer si leur importance peut entraîner des sanctions. Face à tout cela, une question se pose : Trump joue-t-il le jeu des Russes dans le dossier de la Corée du Nord?

Michel Gourd

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Commentaires (5) | Réagir ?

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adil ahmed

merci pour le sujet

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msilaDSP DSP

merci pour partager cet article

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