Région et régionalisation : autonomie et autonomisation

Région et régionalisation : autonomie et autonomisation

Entre la fin du XXe siècle et ce début du XXIe siècle sont apparus dans le champ politique, les concepts de région, d’autonomie et leurs corollaires. Ceux-ci ont défrayé la chronique.

Que d’encre coulée sans pour autant épuiser le débat qui les entoure ! Le texte succinct qui va suivre n’a pas non plus la prétention de les cerner exhaustivement. Néanmoins il s’efforcera de les approcher. Il appréhendera tout autant la problématique de la souveraineté qui leur sont consubstantielle.

Ces termes sont plus l’apanage du système de l’Etat-Nation autant l'est celui des Etats fédérés dans le système fédéral.

Région et régionalisation

Le vocable de région est différemment utilisé dans le débat politique : "micro région", "macro région" ou bien en se référant aux Etats officiellement constitués : "région infranationale" "région supranationale". Avant qu’il y occupe une place importante, il a taraudé l’esprit de spécialistes d’autres milieux.

Les naturalistes et les géographes étaient les premiers sensibilisés à la notion de région. Pour eux le découpage de l’espace est déterminé par des contraintes écologiques (relief, sol, climat, etc.). Ce type d’unité est défini dès la fin du 18e siècle par le terme de "régions naturelles".

L’intérêt de la recherche se focalisait progressivement sur les activités productives. Apparition d’une kyrielle d’appellations : région économique homogène, région industrielle, région agricole, pôles régionaux de développement,…. Les politiques économiques proposées placent les conditions économiques comme préalables au développement et à l’organisation de toute société.

Jusque-là, la région est appréhendée comme espace naturel et existentiel sans aucun souci de son histoire et les cultures des peuples qui y vivent. Les culturalistes, les historiens et les sociologues s’y sont intéressés. Leurs approches considèrent la région comme un espace vécu. Sa constitution est un enchevêtrement de contraintes de dimensions sociologique, économique, sociale, politique et culturelle. Le lien entre le territoire et l’élément humain est foncièrement reconsidéré. Désormais, la région n’est plus perçue comme espace banal mais comme entité territoriale entière pourvue d’une identité multidimensionnelle.

La globalisation économique et la mondialisation des échanges et des techniques de communication s’accélèrent. Dans le même temps une reconfiguration géopolitique de la planète se dessine. Des processus nouveaux de régionalisation voient le jour. Ils bousculent les Etats en place en exerçant sur eux des pressions de réformes, voire des refontes structurelles pour certains. Ceux qui s’opposent au changement se vouent à l’autarcie ou à la disparition. C’est notamment le cas des systèmes d’Etats-Nations rivés à l’uniformité, tournant le dos aux velléités de diversité qui se manifestent.

Conformément à l’Etat-Nation, le processus de régionalisation peut être à l’échelle intra-nationale (niveau local) ou à l’échelle extranationale (niveau global).

Dans le premier cas, il peut résulter d’une politique nationale volontariste de régionalisation édictée par l’Etat central. Ce dernier reconnaît les identités régionales en son sein et prend des mesures afin que les régions participent à la gestion de ses affaires. En ce sens la régionalisation est souvent perçue comme une politique de déconcentration du pouvoir central qui tente d’apporter des solutions aux revendications de décentralisation du pouvoir par les collectivités locales qui restent structurellement dans une dépendance étroite à l’Etat central.

Le processus de régionalisation peut tout aussi résulter d’une prise de conscience politique d’une ou de plusieurs communautés régionales qui s’estiment plus en mesure de gérer leurs propres affaires que l’Etat central qu’elles considèrent très lointain et qu’elles accusent même d’imprimer un moule uniforme aux particularismes régionaux. En ce sens, elles sous-tendent un sentiment accentué d’identité régionale qui résulte de la prise de conscience d’intérêts communs par une collectivité. Celle-ci aspire participer à leur gestion dans le cadre national. Elle estime être la plus apte à les connaître, à les comprendre et à les diriger. Le particularisme culturel qu’elle manifeste, le plus souvent ne s’écarte pas trop de l’identité globale de la nation à laquelle elle estime appartenir. Dans le cas contraire, la collectivité humaine qui y vit, prend conscience qu’elle constitue une entité entière avec tous les attributs d’une identité prononcée différente de celle dictée par l’Etat central. Alors sa lutte politique verse dans un processus d’autonomie ou d’indépendance d’un peuple avec tous les conflits que les rapports de forces politiques puissent engendrer. En ce sens, le terme de régionalisation s’apparente plus à celui d’autonomisation.

En revanche au niveau global, le processus de régionalisation fait prévaloir la logique des réseaux. Il se traduit par la formation de «macro-régions» qui se caractérisent par des marchés communs, des zones de libres échanges ou encore par des accords entre firmes de pays proches.

Tout au long de l’histoire, des regroupements de territoires se font et se défont. Les colonies étaient rattachées aux métropoles pour former de grands empires. Elles leurs fournissaient des matières premières pour les besoins de leur développement, des soldats pour leur défense et un marché pour écouler leurs produits. Autre cas, parmi tant d’autres, marquant autant l’histoire : l’U.R.S.S. et ses satellites. Un groupement de pays qui avait la prétention de créer un espace régional hors du marché mondial et de ses règles. Une "macro-région" au fonctionnement administré par Moscou. Sans aucune autonomie, les Etats membres sont rigidement contrôlés par des partis communistes et l’armée rouge.

Les méga-groupements actuels sont d’une tout autre nature. Le but recherché, jusqu’à présent, n’est pas d’uniformiser les pays mais plutôt de créer des zones de libre-échange sur la base d’un consentement mutuel des pays concernés. Les "macro régionalisations" les plus réussies, malgré les imperfections qui subsistent, sont incontestablement celles qui se forment autour des trois pôles de la triade : U.S.A., U.E. (Union Européenne), Japon-Asie du Sud-Est.

Dans cette sorte de structure, qu’elle soit au niveau infranational ou supranational, la souveraineté réelle des peuples qu’y vivent est souvent soit déconsidérée, soit encadrée pour être canaliser ou soit carrément dévoyée.

Autonomie et autonomisation

Nombreux sont les domaines dans lesquels le concept d’autonomie est fréquemment utilisé. Etant un ferment démocratique, il a pris une dimension importante dans la vie sociale. Sa quête devient foncièrement le dessein de tout projet individuel ou collectif. Dans le champ politique, il couvre des réalités relativement similaires à celles du concept d’indépendance. La problématique qui le sous-tend réside dans la notion de souveraineté qui elle-même se traduit dans le pouvoir sur un espace géographique ou sur une collectivité humaine s’estimant vivre en tant que peuple.

La souveraineté est incarnée différemment selon les systèmes d’organisation. Elle l’est par le monarque dans une monarchie, Dieu dans une religion, … le peuple dans une démocratie. Elle s’affirme à travers des foyers institutionnels, là-même où la traduction du sens de l’autonomie et celle de celui de l’indépendance s’apparentent.

L’étymologie du terme autonomie nous enseigne que ce concept qui a tant suscité de débats et de polémiques, provient de deux mots grecs, "auto" signifiant "soi-même" et "nomos", "loi ou règle". Leur conjugaison donne le sens de "faire ses propres lois". Appliquée en politique, un peuple est autonome dès lors qu’il prenne conscience de sa propre constitution et édicte ses propres lois pour exister et pérenniser.

Dans le système politique d’Etat-Nation, l’autonomie signifiera qu’une entité « infranationale » peut exclusivement détenir des pouvoirs administratifs, législatifs et judiciaires. Encore faudrait-il qu’elle ait des espaces pour exercer la souveraineté dans des règles qu’elle aura elle-même promulguées. En ce sens, l’autonomie se construit et se conçoit comme la conquête progressive des foyers de souveraineté par le peuple incarnant cette entité.

D’espace conquis en espace conquis, le peuple installe sa souveraineté et érigent ses propres institutions répondant aux normes qu’il aura lui-même formalisées. Ainsi il s’écarte progressivement de la posture d’hétéronomie qu’il occupe vis-à-vis d’un pouvoir central qui le contraint. Dans cette perspective le peuple, constitué en entité entière, conçoit l’autonomie comme un processus évolutif. Alors une lutte acharnée s’ébranle entre l’Etat central concentrant quasiment tous les pouvoirs et lui qui veut affirmer sa propre identité. Ses revendications sont poussées au point d’une remise en cause du paradigme de nation homogène adossée à l’Etat.

Ce rapport de forces qu’exerce le peuple, pour se libérer vis-à-vis du pouvoir central se profile selon deux possibilités.

La première est celle où l’autonomie s’achemine en s’élargissant. Le peuple acquière des prérogatives, pour certaines les crée lui-même, pour sa propre existence.

Ce processus d’autonomisation va en s’amplifiant pendant que le peuple s’affranchisse progressivement des règles hétéronomes qui le lient au pouvoir central. Il s’intensifie inexorablement au point de bousculer le système en place le poussant à se réformer fondamentalement. Alors, ce dernier mute en un autre système où l’Etat deviendra fédérateur et la nation vêtira une identité multiple.

Il arrive où l’Etat central jugeant toutes les solutions d’ouverture politiques se présentant à lui relèvent de la mise en cause de ses objectifs uniformisant. Par sa posture rigide, il canalise le processus vers l’enfermement.

Ce qui mène à la deuxième possibilité où le rapport de force qui s’exerce entre l’entité infranationale et l’Etat central se sclérose. Voyant les revendications pour son autonomie ne se concrétisant pas, le peuple incarnant l’entité en question radicalise sa lutte. Alors l’option de l’indépendance se présente à lui comme seule alternative. Moult exemples se présentent à nous dans le monde. Parmi les peuples qui ont choisi la stratégie du processus de l’autonomie et ont versé dans l’option de l’indépendance ne sont pas moins nombreux. Certains choisissent la stratégie des plus radicales même avec une probabilité moindre de réussir.

Madjid Boumekla

(Juin 2017)

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Commentaires (2) | Réagir ?

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algerie

جزاكم الله خيرا

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baker_st mazouz

good