Recherche scientifique : l'Université se cherche encore !

La recherche universitaire est un voeu pieux en Algérie
La recherche universitaire est un voeu pieux en Algérie

La recherche scientifique continue à nager dans une espèce de flou artistique, confinant des milliers de thèses et de mémoires à préoccupations académiques qui n'ont pratiquement aucune incidence sur la réalité du monde économique.

Si, pendant l'euphorie de l'aisance financière, ce genre de "bulot" permettait d'accumuler des études dans des placards, mais surtout de faire gagner des grades et postes à leurs auteurs, la crise qui frappe l'Algérie depuis trois ans devrait logiquement interdire l'usage des fonds publics pour le simple plaisir de rédiger un mémoire ou une étude qui ne sera jamais sollicitée pour la mise en application dans aucune unité de production.

Car, à ce jour, le budget de la recherche scientifique en Algérie n'au aucune autre origine, hormis le budget de l'Etat. Les passerelles avec les entreprises ne sont pas encore établies pour que, à l'occasion, on puisse imaginer un financement mixte. L'état de l'économie algérienne, prise en otage par les recettes pétrolières, lesquelles ont fondu de plus de la moitié par rapport à celles de 2013, par exemple, ne permet pas actuellement de mettre les entreprises en position de solliciter une recherche auprès de la communauté universitaire. Non seulement l'entreprise algérienne, en général, y compris, éventuellement, sous la forme de consortium, ne peut pas se payer la recherche, mais pire encore, elle aura du mal à identifier ses besoins en la matière. Conduites dans une configuration qui font d'elles des consommatrices et de reproductrice de rente, les entreprises n'ont pas encore l'organisation managériale et technique nécessaire pour se tracer des ambitions d'innovation et de gains de compétitivité. La crise actuelle tarde à conférer de la visibilité à l'évolution immédiate des entreprises.

À lire certaines contributions de presse émanant d'universitaires et déclinant leur identité professionnelle en "chercheurs permanents", l'on se rend compte que, en matière de pertinence et de pragmatisme dans le recherche scientifique, l'Algérie a encore du pain sur la planche. La directrice générale de l’Agence nationale de valorisation des produits de la recherche et du développement technologique, Mme Djamila Haliche, a beau faire valoir la mission de "valorisation", comme elle y a insisté la semaine passée sur les ondes de la radio chaîne III, ce concept ne peut avoir de contenu concret que dans une forme de vases communicants entre l'université et l'entreprise. On ne peut visiblement pas prétendre travailler en vase clos, avec des fonds publics qui se raréfient un peu plus chaque jour, et se tracer, par la suite une deuxième phase qui serait la valorisation des résultats de la recherche. Cette dernière est censée être le fruit du mariage heureux entre, d'une part, le monde de l'entreprise - avec la détermination des besoins, le montage financier et la définition des parties prenantes- et le monde de l'université d'autre part. Toute autre vision nous ferait déboucher sur des études du "sexe des anges", comme on en enregistre des milliers chaque année.

Il y a deux ans, le directeur de l'Agence thématique de recherche en biotechnologie et sciences agroalimentaires (ATRBSA), relevant de l'Université de Constantine, relevait que seuls 11% des projets de recherche étaient "viables" sur le plan économique et peuvent être concrétisés sur le terrain. Le reste des recherches relèvent, dira-t-il, de l'investigation classique et académique. Il a précisé que son institution sélectionne des projets de recherche à financer qui ont un impact social et économique, et non pas des recherches académiques qui, malgré leur importance scientifique, ont un impact moindre sur l'économie du pays.

Le ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, Tahar Hadjar, avait déclaré devant les députés, lors de l'examen de loi d'orientation sur la recherche scientifique, que cette nouvelle législation visait à "ancrer l'esprit de la recherche chez les entreprises économiques et industrielles", et qu'elle "vise à adapter les résultats de la recherche et les exploiter dans le domaine économique".

De tels discours ont été entendus depuis des dizaines d'années, sans qu'il y ait une quelconque incidence sur le terrain. Pire, même pour élaborer des thèses qui, on le sait à l'avance, vont encombrer davantage les rayons des archives universitaires, on trouve le moyen de verser dans le piratage et le plagiat. Le nombre de cas relevés au cours de ces trois dernières années donne froid dans le dos. Cela contribue à enfoncer davantage l'Université algérienne, sachant que dans les classements internationaux - à l'image de Shanghai 500 -, elle ne figure même pas au bas du tableau.

Mme Djamila Haliche parle d'une "incitation politique" qui pourrait aider à "créer un écosystème de l’entreprenariat et de l’innovation liant, en synergie, l’université, les centres de recherche, les grandes écoles, les entrepreneurs, les investisseurs, les industriels et jeter, ainsi, les bases d’une économie à même de produire des projets et des produits nationaux". Souligner l'importance de cette synergie est une bonne chose, donner et établir les éléments pratiques devant enclencher le processus, ce sera encore mieux; sans oublier que l'"incitation politique" dont il est question ici n'a reçu aucune espèce de précision. Sans doute que le cœur du problème est à ce niveau-là.

Amar Naït Messaoud

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algerie

جزاكم الله خيرا

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