Les agresseurs des deux enseignants de l’université de M’sila récidivent…

L'université Mohamed Boudiaf de M'sila aux mains de voyous qui font régner leur loi sans que les autorités ne lèvent le petit doigt.
L'université Mohamed Boudiaf de M'sila aux mains de voyous qui font régner leur loi sans que les autorités ne lèvent le petit doigt.

En tant que citoyen et enseignant dans une université publique, je ne puis absolument pas rester muet, silencieux, devant la recrudescence de la violence verbale et physique dont sont fréquemment la cible aussi bien les employés que les enseignants de la part des voyous de tout acabit. C’est pourquoi je tiens tout à la fois à témoigner et à dénoncer les défis que lancent à la sécurité et à l’ordre public ces fauteurs de trouble.

Dire de tout acabit, c’est préciser que ces voyous qui font souvent la loi sur le campus ne viennent pas toujours de l’extérieur, à savoir : des quartiers dits "dangereux" ou malfamés, mais viennent de "l’intérieur" de l’université. Ils sont soit des étudiants "ordinaires", soit des militants affiliés à des organisations estudiantines, et les plus actifs d’entre eux aiment à brandir souvent cette qualité de militant soit pour se faire valoir, soit pour impressionner leurs interlocuteurs, soit encore pour exercer des chantages sur l’administration en vue de l’obtention de certaines faveurs (passe-droit, notes élevées, dérogations d’absence…). Si leurs objectifs ne sont pas atteints par la "négociation", les marchandages, ils n’hésitent pas à recourir alors aux pressions, à la menace, et finalement à l’acte.

Menaces, pressions et chantages…

C’est ce qui vient de se reproduire aujourd’hui dimanche, encore, à l’Université de M’sila où les agresseurs des deux enseignants de la semaine dernière viennent de récidiver. Le 30 mai 2017, à 8 heures 45, les auteurs de ces mêmes agressions reviennent en force à l’Institut de Gestion des Techniques Urbaines (GTU) avec un renfort d’étudiants évalués entre 40 et 60 individus et se précipitent sur le bureau du directeur qu’ils investissent en hurlant à la face de ce dernier. C’est alors que des invectives fusent de partout. On vocifère contre le directeur qui reste stupéfait devant la violence verbale, les propos grossiers lâchés par certains à son intention en même temps que des menaces à peine voilées contre sa personne. En ce mois sacré de Ramadan, rien n’est interdit ou "haram".

| Lire aussi : Un enseignant sauvagement agressé à l'université de M'sila

Tout semble permis, et les frontières entre le sacré et le profane, le licite et l’illicite, sont abolies. Allah même fait l’objet de "Yanaldine Rabbak" et "Yanaaldine Rabou !!" J’entends autour de moi, des propos obscènes, des vulgarités et des insultes qui sortent de la bouche de certains étudiants dont quelques-uns sont accoutrés de manière bizarre et portant des casquettes retournées comme dans les banlieues difficiles de Londres, de Paris et de Harlem…

Des barils d’essence pour s’immoler…

Vingt minutes après leur irruption brutale dans le bureau du directeur du GTU, les étudiants surexcités en sortent et envahissent le bloc pédagogique de l’Institut avec la rapidité de l’éclair. Pendant ce temps, les étudiants passés devant le conseil de discipline le 24 mai 2017 montent jusqu’ au second étage, s’échappent par les fenêtres et s’installent sur les dalles proéminentes qui surplombent la cour extérieure. Des bouteilles d’essence à la main, ils menacent, comme le montrent une vidéo en circulation sur les réseaux sociaux, de s’asperger si leurs revendications n’étaient pas satisfaites. Avisés par le directeur du GTU de la gravité de ces faits, le recteur s’est contenté de confier à ses vice-recteurs chargés respectivement de la Pédagogie et de la Planification la mission de temporiser, de ramener le calme en parlementant avec les étudiants. Après quelques palabres, on finit par céder devant ce chantage éhonté : les sanctions prises à l’encontre des agresseurs le 24 mai par le Conseil de discipline sont "gelées" dans l’attente de procéder à une enquête pour déterminer si le professeur Mohamed Mili avait été ou non agressé physiquement !

Les agresseurs blanchis et les victimes suspectés de jouer la comédie !!!

Ce "gel" a été décidé, non seulement sous la pression de ces circonstances faites de chantages et de menaces de se suicider par le feu, mais aussi par suite de la propagation de fausses rumeurs qui auraient été faites à l’instigation de l’un des membres de l’entourage du recteur, rumeurs sciemment entretenues et selon lesquelles M. Mili avait été plutôt victime d’une chute que d’une agression physique caractérisée. La même rumeur prétend que M. Mili n’est qu’un comédien qui a simulé une agression absente… L’auteur de ces fausses rumeurs est réputé être un des champions des intrigues et des manigances de l’université de Msila. Personnage caméléon, et jouant le comédien de bas étage, cet individu s’apitoie toujours sur son propre sort, rappelle à qui veut l’entendre qu’il a vécu une enfance misérable et qu’en conséquence il ne saurait faire du mal à personne, et pas même à une "mouche !" C’est pourtant sous le couvert de ce langage mielleux, onctueux, et qui se double d’une attitude obséquieuse que se dissimule la langue d’aspic de notre personnage folklorique…

C’est ce personnage à la fois sinistre et piteux, qui a, grâce à l’appui et la complicité de ses pairs, trouvé l’idée séduisante d’innocenter les agresseurs en révoquant en doute l’hospitalisation et l’état comateux de la victime !!! Les paroles du professeur Mohamed Mili, les témoins oculaires de son état, y compris son épouse, le directeur du GTU et ses collaborateurs, les certificats médicaux dûment établis, ainsi que l’auteur de ces lignes, seraient tous des menteurs, sauf les agresseurs et les propagateurs de fausses rumeurs rameutés en leur faveur !!!!

Un scénario diabolique

C’est à la suite de ce scénario monté de toutes pièces, et gobé par le recteur de l’université, que les agresseurs ont bénéficié de la levée des sanctions prises initialement à leur encontre !

Alors que le département des sciences économiques n’a pas cédé au chantage et maintient toujours les sanctions disciplinaires prises à l’encontre des agresseurs de M. Zouhair Ammari et consorts, la GTU a subi et continue de subir de fortes pressions de la part de certain entourage du rectorat pour qu’elle classe l’affaire, et blanchisse les coupables. Mais son directeur, soutenu par les collègues de la victime, tente de résister à ces pressions qu’il estime contraire au bon sens, et surtout, en contradiction totale avec le respect de la loi et de l’Etat.

Le plus grave, c’est que le vice-recteur chargé de la Pédagogie en concertation avec le secrétaire général de l’université, tous deux confortés par le Caméléon et son petit groupe de pression incrusté dans tous les interstices de l’administration depuis l’ex-recteur et inénarrable Slimane Berhoumi, ont décidé, sans tenir nullement compte ni de l’avis du directeur du GTU ni de ses collaborateurs- premiers concernés par le devenir et la bonne marche de l’Institut-, de faire lever les sanctions à l’encontre de ces trublions que sont les agresseurs de M. Mili et du directeur du GTU lui-même, victime d’une atteinte à la fois physique et morale …

Prime d’encouragement accordée par inadvertance aux auteurs de la violence

Céder devant les chantages et les pressions, revenir sur des décisions prises, accéder aux demandes illégitimes des groupes et des coteries d’intérêt, enfreindre les lois de l’Etat, faire preuve de lâcheté et d’impuissance face aux délinquants de tout acabit, c’est ouvrir la voie à l’anarchie, au désordre et à l’insécurité. Reculer ou avoir peur des représailles des voyous, c’est, de la part d’un commis de l’Etat, une faute gravissime. En avoir peur, c’est faire plier l’Etat à la volonté des forces aveugles ; c’est le faire dépouiller de son autorité souveraine au profit des voyous sans foi ni loi. Or, certains responsables de l’université de Msila ne semblent pas avoir pris toute la mesure de leur attitude lâche ou pusillanime envers les comportements violents et incivils de leurs administrés. Qui plus est, certains d’entre eux, n’hésitent pas à jouer avec le feu en menant des intrigues en sous main, et en poussant les uns contre les autres, et en recourant même, en catimini, au service de certains organisations estudiantines pour apurer leurs propres contentieux, et tout cela au détriment de la stabilité et au bon fonctionnement de l’université.

Nul n’est à l’abri des agressions

Pour certains étudiants agitateurs, manipulés et manipulateurs à la fois au service de leurs "partis", les victimes d’agression ce ne sont pas les enseignants, mais les étudiants. Et lorsqu’ils prétendent représenter l’ensemble des étudiants, ils oublient ou feignent d’oublier que la quasi-totalité de ces derniers ne se reconnaissent nullement dans les groupuscules brailleurs auxquels ces agitateurs minoritaires appartiennent. Apolitiques dans leurs écrasantes majorité et soucieux avant tout d’étudier en vue de décrocher leurs diplômes, les quelque quarante mille étudiants de l’Université de M’sila sont des gens pacifiques, débonnaires et n’agressent personnes.

Au contraire, certains d’entre eux sont parfois l’objet d’agression soit des voyous venus de l’extérieur, soit victimes de l’abus d’autorité d’une poignée d’agents de sécurité mal formés et impolis. Les étudiants les plus agressifs, les plus menaçants et qui s’efforcent d’imposer leurs lois aux enseignants qui font leur boulot correctement, ce sont ceux qui revendiquent les étiquettes de telle ou telle organisation estudiantine. Au nom de leur appartenance à telle et à telle organisation estudiantine, les petits leaders qui les animent s’autorisent à exiger des faveurs exorbitantes (notes élevées aux examens, effacement des absences, dérogations diverses…). Ils exigent de l’administration (chef de département, doyen, vice-doyens..) les mêmes faveurs, et quand ceux-ci se cabrent ou refusent d’accéder à leurs demandes, ils bloquent les accès du rectorat en forme de chantage et d’intimidation.

Certains vice-recteurs, il faut bien le dire, joue double jeu. Ils pactisent en sous-main avec certains agitateurs toute en affectant d’être "neutres". Manipulés et manipulateurs se convertissent l’un en son contraire, deviennent interchangeables. On se rend mutuellement service, on a besoin les uns des autres, et c’est ce qui explique pourquoi l’on passe l’éponge sur les dépassements des petits caïds qui ont élu domicile dans le campus au nom d’une fausse représentation estudiantine. Ce sont ces petits groupes très minoritaires qui imposent leur diktat et déstabilisent l’université.

J’accuse le laxisme et le laisser-faire… des responsables…

Céder aux chantages, aux caprices, et au saute d’humeur de ces boutefeux, les disculper ou les innocenter quand ils commettent des agressions flagrantes, comme on l’a fait par le passé à M’sila, et comme on vient de le faire encore dans cette même université, c’est créer un antécédent grave qui pourra être imiter ou rééditer par de futurs délinquants. Accorder des circonstances atténuantes aux auteurs des délits et des crimes, c’est ouvrir grandement les portes des espaces de non-droit où pourront se déployer pleinement tous les instincts agressifs de l’homme. Ce que l’on oublie souvent, c’est qu’en l’absence de l’application univoque, ferme et sans état d’âme de la loi de l’Etat, nul ne pourra être à l’abri des agressions criminelles dirigées contre sa personne, son honneur et ses biens. Même ceux qui sont imbus de leurs hautes fonctions ou charges, et qui se considèrent comme hors d’atteinte, pourront être un jour ou l’autre l’objet d’agressions en raison de l’absence de "freins", de règles contraignantes ou dissuasives. C’est en vertu de ces constats que je pointe mes doigts accusateurs vers les responsables politiques et administratifs qui jouent à l’apaisement quand il a y feu en la demeure…

Faut-il lutter ou abdiquer ?

Face à cette déliquescence de l’université, que faire ? Démissionner comme l’a annoncé avec fracas notre collègue Nacer Djabi, universitaire et sociologue de son état, ou résister vaille que vaille aux forces qui travaillent dans l’ombre à la dégénérescence de la société et de l’Etat algériens et dont l’université n’est qu’un microcosme ? Pour ma part, la démission signifie résignation, fatalité, abdication, et surtout renoncement à ses devoirs critiques de citoyen vis-à-vis de tout qui sort de travers ou de biais.

Rien ne justifie à mes yeux la démission ou la résignation. Ce n’est pas parce que l’université est devenue l’un des lieux propices de la violence délinquante, et de la reproduction de l’abêtissement et de la médiocrité qu’il faille la déserter. Au contraire : c’est le moment justement où elle a le plus besoin des penseurs critiques, comme Djabi et bien d’autres intellectuels, et qui ne sont pas rares dans ce pays, pour contribuer à sa réforme, et même à sa "pacification". Aucun argument ne peut justifier une telle dérobade.

Quand Nacer Djabi se retire de l’université de peur de la violence et de la médiocrité qu’elle génère…

Je pense que notre collègue Nacer Djabi a bien tort d’abandonner le combat, de se retirer du "champ de bataille" intellectuel au motif qu’il est vaincu, battu en brèche, par les contraintes structurelles de l’université et par les violences endémiques qui la traversent de part en part. Il se dit persuadé que "l’université algérienne n’est plus réformable et sa situation va se détériorer davantage. Les agressions contre les enseignants et la violence au sein de l’enceinte universitaire vont croître et se développer car les conditions objectives et subjectives qui y conduisent sont réunies dans la majorité des institutions… Le niveau d’instruction des étudiants et des enseignants va se dégrader davantage et… les différentes formes de corruption vont prendre des dimensions industrielles…"

Pour moi, l’universitaire, le vrai (Djabi en est un), qui aime sa société et son pays, ne doit en aucune manière se laisser gagner par le découragement ou le défaitisme sous prétexte que le pays s’en va à vau-l’eau "par la faute des dirigeants" diront les uns, et par "le système" diront les autres. Le départ à la "retraite" mise en avant par Djabi et présentée par lui comme une forme de protestation contre la violence quasi instituée ou tolérée au sein de l’université est en vérité une forme déguisée de démission intellectuelle et éthique. Démissionner c’est se départir de sa responsabilité de citoyen et d’intellectuel critique au profit justement de ceux dont la médiocrité et l’indifférence envers le bien commun contribuent à la dégénérescence de la société et de l’Etat.

La léthargie de nos universitaires

Frappés d’inertie, défaitistes et peureux, beaucoup de nos universitaires aux titres souvent pompeux ("docteur", "Ostadh") participent en fait et sans le savoir non seulement à la stagnation de la société civile, mais au renforcement aussi de l’inertie de la société politique, et donc de l’Etat dont ils s’avèrent être les vrais parasites. Comme le dit quelque part le Général de Gaulle, "Etre inerte, c’est être battu". Or, nos universitaires s’avèrent être à l’examen, tout à la fois "battus" et "soumis". De là s’expliquent l’émoussement de leur esprit critique et la nullité de leur contribution à l’édification de l’Etat-nation abandonné qu’il est à la discrétion des seuls "politiques".Tout se passe, en somme, comme si l’universitaire n’était pas concerné par le devenir de l’Etat. Comme l’Etat et la société lui sont complètement extérieurs. Le concept du Beylik saisi à la fois comme "exogène" et "hostile" domine l’imaginaire de beaucoup d’universitaires pour qui l’Etat algérien n’est rien d’autre que le successeur du Beylik…

Je conclus en disant aux universitaires les plus consciencieux, les moins gagnés par le syndrome de la défaite, et les moins corrompus d’esprit et d’âme de ne pas démissionner, de tenir bon, et de ne pas avoir peur de dire la vérité haut et fort…

Ahmed Rouadjia

Professeur d’histoire et de sociologie politique

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Commentaires (15) | Réagir ?

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algerie

جزاكم الله خيرا

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Service comptabilité

merci bien pour les informations

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