Charlatans et obscures chercheurs : le faux génie algérien

Le ministre de la Santé, Abdelmalek Boudiaf avec l'obscure chercheur de "Rahmat Rebbi".
Le ministre de la Santé, Abdelmalek Boudiaf avec l'obscure chercheur de "Rahmat Rebbi".

A cause du principe de précaution, nous nous rangeons derrière les médecins qui attirent l'attention des patients sur la dangerosité de "Rahmat Rabbi", présenté par son promoteur comme médicament palliatif à la complexité du diabète. Nous n'évoquons ni la chimie du médicament ni les facteurs aggravants susceptibles de provoquer des complications pour les malades. Du reste, ce qui s'est dit jusqu'à maintenant sur les "inventions pharmaceutiques" est suffisamment éloquent pour nous focaliser sur l'organisation de la recherche pharmaceutique et l'impact sémiologique du discours.

D'emblée, la série de controverses au sujet de ce médicament démontrent une fois de plus la mauvaise gestion de la tutelle et une certaine accointance des organismes étatiques avec les milieux des affaires. Du reste d'après l'article du journal Liberté, le ministère de la Santé ne fait preuve d'aucune vigilance en acceptant l'homologation de ce médicament considéré comme dangereux par la plupart les médecins algériens qui appellent leurs patients à respecter strictement le traitement habituel.

En effet, il se dégage de cette affaire, une vision tronquée du patriotisme des responsables algériens alors qu'eux-mêmes et leur entourage bénéficient de la technologie pharmaceutique de pointe, produite par les meilleurs laboratoires mondiaux. Il fut un temps où les Algériens étaient bernés par la voiture algérienne nommée Fatia qui d'ailleurs n'a jamais vu le jour.

Du point de vue de l'économie de la santé, l'infrastructure du secteur est dans un état lamentable, l'hôpital est un vrai mouroir tandis que la production pharmaceutique représente des carences dans son organisation pour atteindre le niveau des standards internationaux. Pour ce qui est de la recherche pharmaceutique, il étonnant que de veilles institutions comme l'institut Pasteur d'Algérie ne contribue pour sa part à la recherche scientifique.

D'autant que c'est encore plus étonnant, que le dépositaire de la marque 'Rahmat Rabbi" fait habillement usage de la thaumaturgie médicinale. L'emploi de la phraséologie islamique est une astuce marketing qui donne plus de pouvoir à la croyance religieuse qu'à l'aspect thérapeutique du produit. Du coup, la signalétique de "la miséricorde de Dieu" se substitue à l'efficience du médicament pour s'accaparer de la totalité de l'espace mental du malade. Elle produit une sorte de marketing intégral bien supérieur à l'image subliminale. Cette même signalétique est le porte-étendard de l'omniscience de Dieu rendue nécessaire par le marché du produit. Que du mercantilisme! De surcroit, l'usage des mots islamiques, dénote une certaine ruse avec la "raison médicale".

Si le mot Chifa (guérison) est neutre dans l'acceptation générale c'est qu'il n'indique pas une fonctionnalité précise en termes posologiques. Tout le contraire aurait été l'administration d'une potion magique dont font usage les savants guérisseurs. A la charge du dépositaire de la marque, il faut bien expertiser le produit par des laboratoires internationaux afin qu'il soit homologué par l'Organisation Mondiale de la Santé. Il n'a aucune honte à cela d'autant que l'Algérie dépend techniquement et en totalité des pays avancés. Sans coup férir, ce sont bien des entreprises étrangères qui engrangent des milliers de dollars par la simple pose en deux semaines d'une pelouse dans un stade de football. Sans parler des frais occasionnés pour le contrôle technique des avions et autre objet technique, et surtout les frais médicaux de l'actuel président et des dignitaires du régime qui se soignent périodiquement dans les meilleurs hôpitaux et cliniques d'Europe et d'Amérique.

Faute de ne pouvoir rien faire pour améliorer le sort des Algériens, les autorités politiques usent outrageusement de leur énormité ravageuse pour palier leur insuffisance et la gestion médiocre des affaires publiques. A l'épreuve de la paralysie des centres urbains, le premier ministre parle de la ville intelligente. Ainsi, l'autosatisfaction des pouvoirs publics masque la réalité quotidienne de la population où la ville algérienne n'est qu'un amas désordonné des lieux de vie. Le plus étonnant c'est que les lieux publics sont dans un état lamentable qui fait pâlir tous ceux qui empruntent les artères des villes algériennes. Presque tout est à l'abandon. Les trottoirs sont défoncés, les vieux immeubles sont dans un état avancé de décrépitude tandis que les énormes blocs poussent comme des champignons créant du même coup le chaos. N'en parlant pas des transports qui représentent à eux seuls le cauchemar au quotidien des citadins. Il ne suffit pas comme le font les jeunes du monde entier de se servir du smartphone pour parler de la ville intelligente alors que des dysfonctionnements interrompent constamment les réseaux de circulation des personnes et des biens. Même dans les pays ultra développés, la ville intelligente est une promesse d'avenir qui n'a pas encore vu le jour. Du coup, la ville intelligente n'est pas qu'un circuit intégré des mouvements autonomes, elle représente avant tout, un cadre de vie agréable pour ses habitants.

Au dernier mauvais goût de la blague, un directeur de l'enseignement supérieur et de la recherche scientifique promeut un scoop où l'extraordinaire se joint à la magie des mots. Pris dans le tourbillon du vide scientifique, il signifie à ses auditeurs ni plus ni moins qu'une grande découverte algérienne va sauver l'humanité !

En attendant le dévoilement de la découverte, il y a bien des Algériens qui s'activent dans des universités et des laboratoires de recherche et à côté de leurs homologues étrangers, et ils méritent des encouragements pour faire sortir la science en Algérie de la déraison et de l'âge téléologique.

F. Hamitouche

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fateh yagoubi

thanks

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