Président, Bouteflika aura vu passer quatre chefs d’État français (II)

Président, Bouteflika aura vu passer quatre chefs d’État français (II)

Le 12 novembre 2008, Abdelaziz Bouteflika soumet au parlement une nouvelle constitution qui lui permettra de se représenter indéfiniment aux présidentielles.

Résultat : 500 oui, 21 non et 8 abstentions. Le 9 avril 2009, il est réélu pour la troisième fois de suite avec un score stalinien de 90,24 % des voix.

2012 : un président "normal" face à un dictateur

Pris vraisemblablement de cécité politicienne, tout comme ses prédécesseurs de droite, François Hollande, le socialiste, choisit de se rendre en Algérie pour son premier voyage hors UE. Plus qu’une offense : un bras d’honneur à tous ceux qui se sont battus contre le viol de la constitution ! Il est vrai que pour les présidents, qui se sont succédé ces dernières années à la tête de l’État français, Alger, c’est comme une tombola ; plus on y joue et plus on risque d’y gagner. Sauf qu’à la tombola algérienne, on gagne à tous les coups, pour peu qu'on lui consacre son premier voyage et que l’on exprime des semblants de regrets sur la colonisation. En cela, les chefs d'Etat français l'ont compris.

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Le président Bouteflika a essayé constamment d’arracher, des excuses de la bouche de tous les présidents français passés par Alger. Lors de sa visite d’État en 2012, dans un contexte de "révolutions arabes", François Hollande caresse le régime algérien dans le sens du poil, minimise le risque d’une révolte algérienne et loue ouvertement les mérites de Bouteflika. Il admet également devant les parlementaires algériens, en des propos pudiques, les "souffrances infligées à l’Algérie par la colonisation", et dénonce un système colonial "injuste et brutal". Timoré et madré en diable, il n’ira pas plus loin, puisque face aux médias, tout comme l'excité Nicolas Sarkozy, il expliquera qu’il n’était pas venu en Algérie "faire repentance ou excuses". " Je viens dire ce qu’est la vérité, ce qu’est l’histoire". Ambiance...

Pourtant, le président "normal" des Français avait laissé croire, en 2008 à Alger (venu en tant que chef du PS), que, lui président, il condamnerait le système colonial. "Nous condamnons le système colonial, qui n'a pas de caractère positif, et qui ne peut pas en avoir, puisque la colonisation, c'est l'occupation d'un pays par un autre et l'exploitation de ses ressources", avait-il déclaré à l’époque. Qu’à cela ne tienne, il repartira d’Alger avec deux superbes étalons, gracieusement offert par Bouteflika et quatre contrats signés dont les très controversés contrats de l’exploitation par Total des gaz de schistes et celui de Renault d’une ridicule capacité de production de 25 000 véhicules par an. La première a failli traîner en justice internationale Sonatrach avant de revenir en de meilleurs sentiments. Renault a fini par concédé une petite usine de voitures "pour la consommation locale", dit-on.

En guerre contre le terrorisme au Sahel, François Hollande obtient de son homologue algérien, en janvier 2013, l’autorisation de survoler "indéfiniment" les territoires algériens. "L’Algérie a autorisé sans limite le survol de son territoire", avait fanfaronné Laurent Fabius aux médias de son pays. Une autorisation qui, dit-on, aurait précipité le départ du général Toufik, ancien patron du DRS, opposé à cette décision unilatérale de Bouteflika.

2015 : Hollande et la "grande maîtrise intellectuelle" de Bouteflika

Un AVC a terrassé Bouteflika fin avril 2013, qui le fait entrer, lui et tout le pays, dans un état de latence qui perdure encore et toujours.

Contre tout bon sens, Bouteflika briguera tout de même en 2014, un quatrième mandat sans prononcer le moindre mot, ce qui fera dire à ses opposants qu’il aura été élu "sur poster". On aura vu des ministres faire campagne pour un président absent. Un précédent unique dans l'histoire !

Le 14 juin 2015, François Hollande arrive en Algérie pour une visite éclair, où il vantera sans rougir, la "grande maîtrise intellectuelle" de Bouteflika. Cette saillie sera mal acceptée, car tout le monde sait qu'il est très malade et ne s’était pas exprimé publiquement depuis deux ans. Lors de la conférence de presse qui a suivi la rencontre entre les deux chefs d’État, Hollande ira plus loin dans ses propos, il dira qu'il était "rare de rencontrer un chef d'État qui a une telle alacrité, cette capacité de jugement".

Questionné sur l’état de santé de son homologue algérien, il dira simplement que "je ne suis pas médecin (...) mais ce que je peux vous dire, c'est que la qualité de la discussion que nous avons eue pendant près de deux heures était particulièrement intense et particulièrement élevée", avait philsophé M. Hollande. Il admet néanmoins que " sur le plan physique, il ne peut pas se déplacer facilement" mais, qu’"il a toutes les capacités, et il l'a montré, pour apporter sa sagesse et son jugement pour régler les crises du monde". Rien que ça !

Le tweet de la discorde

Hollande en défenseur d’un régime maffieux ? Oui et non. En avril 2016, et sur fond de tensions liées au scandale des "Panama papers", (dans lequel des hommes de main de Bouteflika sont cités) une polémique éclate autour d'un tweet du Premier ministre français Manuel Valls, qui était en visite d'Etat à la tête d'une importante délégation française.

Le regard hagard et visiblement très affaibli, un cliché du président algérien, ainsi exposé au monde, a du mal à passer : à Alger, on crie au "complot"! Plus aucun responsable français ne sera reçu par la présidence. Le ministre français de l’Intérieur, Brunos le Roux, et le Premier ministre Bernard Cazeneuve en feront les frais. Ils repartiront d’Alger sans avoir vu le sociétaire de la résidence médicalisée de Zeralda. L’état de santé de Bouteflika étant fragile, il n’est pas exclu que ça soit pour des raisons médicales, que les rencontres, pourtant inscrites aux agendas, aient été annulées.

Macron - Bouteflika : le dynamisme face à l’immobilisme

Il n’a que 39 ans et il est déjà président d’une grande démocratie. Il y a trois ans, ce parfait inconnu est appelé par François Hollande pour occuper le poste de ministre de l'Économie, de l’industrie et du numérique. Mais c’est en candidat pour l’élection présidentielle, qu’il se fera connaître en Algérie, en février dernier, lorsqu'il tiendra des propos comminatoires sur le colonialisme qui attirent d'emblée la sympathie, côté algérien et soulèvent l’indignation côté français. "La colonisation fait partie de l’histoire française. C’est un crime, c’est un crime contre l’humanité, c’est une vraie barbarie et ça fait partie de ce passé que nous devons regarder en face en présentant aussi nos excuses à l’égard de celles et ceux, envers lesquels nous avons commis ces gestes ", avait déclaré le candidat d’En Marche, seul candidat à avoir fait le déplacement en Algérie.

L’élection de Macron, il y a quelque jours, fera réagir la présidence algérienne, à travers un communiqué, pour féliciter un "ami de l’Algérie" que les Français ont "su choisir". Aussi, la présidence rappelle subtilement au jeune président français ses engagements. Dans une déclaration à RFI, le politologue algérien Naoufel Brahimi, explique que le message de la présidence algérienne était un appel pour qu'Emmanuel Macron réitère ses propos une fois installé à l'Elysée.

Dans le message attribué à Bouteflika, la déclaration d'Emmanuel Macron sur la colonisation est empreinte de "courage politique et de sincérité humaine hors du commun, une attitude pionnière (...) Cette élection bien méritée récompense, à bon droit, la force de votre volonté, la lucidité de votre vision et la rectitude de vos engagements", pouvait-on lire dans le message diffusé par l'agence APS. Le président Bouteflika a salué la position d'Emmanuel Macron, vis-à-vis de la colonisation, faisant d’une simple déclaration "une attitude pionnière". "Cette attitude pionnière de votre part vous place, naturellement et légitimement, dans la position-clé de protagoniste, convaincu et convainquant, du parachèvement d'une réconciliation authentique entre nos deux pays", a souligné Abdelaziz Bouteflika.

L’obsession de la repentance

La question de la repentance, aura été centrale pour le président Bouteflika, dans ses rapports avec les quatre présidents français avec lesquels il a eu à travailler. Hormis Jacques Chirac, tous les autres présidents ont dû s’exprimer sur le sujet. Tantôt agitée à l’externe, comme un moyen de pression (projet de loi incriminant le colonialisme), tantôt à l’interne comme une preuve de l’authenticité révolutionnaire du clan au pouvoir, la colonisation est prisonnière de calculs politiciens malsains. Aussi, pour Bouteflika, les excuses qu’il pourrait soutirer à la France, seraient perçues comme une victoire personnelle, une preuve, (s’il en fallait une), de sa légitimité à s’emparer, lui et les siens, éternellement du pouvoir.

Hebib Khalil

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Commentaires (6) | Réagir ?

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algerie

merci

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walid crsic

grate article thank you for sharing

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