L'Algérie en cendres !

L'Algérie en cendres !

Alger 2019. Une urne. Dans l'urne, des cendres. Derrière l'urne, le drapeau algérien. Au-dessus, le portrait du président.

Les cheveux gominés, les bras lancés vers le ciel. Dieu n'est pas loin, il veille toujours sur la République. Le peuple a voté. Personne ne connaît les vrais chiffres. Le nouveau président a succédé à lui-même. Le pays aime la routine. Le changement inquiète. Les "patriotes" klaxonnent, poussent des youyous, chantent l'hymne national. Ils accusent l'Amérique, Israël, la France et de Gaulle. Tous leurs maux, leur retard, leurs frustrations viennent, disent-ils, de l'ex-colon. On achève bien l'histoire, on la lit avec les yeux chargés de larmes.

La rigueur scientifique est étrangère à la relecture du passé. Touche pas à la révolution de Novembre. Plus sacré que ça tu disparais. Faut bien entretenir la fibre nationaliste. Ça rassure. Faut s'accrocher à quelque chose. À un drapeau, à un cimetière, à un monument. Un million et demi de martyrs. Un chiffre exact. Ni plus, ni moins. Si tu le remets en cause, on te taxe de traître, l'insulte la plus répandue en Algérie. Tu défends tes idées contre celles de la majorité, tu es un félon. Tu es pour les droits des femmes, tu es un vendu à l'Occident. Tu es pour la laïcité, tu es un mécréant. Faut surtout pas dire que tu as cessé d'être musulman. On t'arrachera la peau des fesses. Le mot d'ordre : silence. Suis la caravane. Pense comme tout le monde, pratique l'humour rose, mange du couscous et bois Hamoud Boualem et, surtout, ne perturbe pas le sommeil des dirigeants.

Alger 2019. Le président est réélu pour une cinquième fois. Un record. La troisième, il était malade. La quatrième, il ne parlait pas, agonisant, on le déplaçait en fauteuil roulant. La cinquième, il n’existe pas. Enfin, il y a l'urne, ses restes, ses cendres dans l'urne. La chose politique sera ainsi plus simple. Il ne fera pas de discours. Il n'aura pas de programme. Le programme, c'est lui, son spectre, son esprit. L'Algérie étonne. Nulle part ailleurs, on a osé élire des cendres. À l'ouest, on danse. Au centre, on manigance. À l'est, on brûle des pneus. Dans le sud, on vole le pétrole. Il y a de l'action. Les rêves ne sont pas les mêmes. Chacun tire la couette de son côté. Le sol est riche, mais les enfants ont froid. Au lieu de leur donner de l'utopie, on leur inculque des versets. Le paradis par-ci, l'enfer par-là. Il faut les endormir et leur faire peur. Le sommeil avorte les frondes, la terreur aussi.

Les imams menacent. Ils promettent les flammes aux récalcitrants. Les haut-parleurs des mosquées étouffent la voix des sages. L'Arabie saoudite a envoyé des bateaux de livres religieux. La wahhabisme remplace la paisible foi des aïeux. On paie des pèlerinages pour La Mecque, on organise des concours de chants coraniques, on remet les infidèles dans le droit chemin. Les cafés littéraires sont fermés, les écrivains pourchassés, les femmes qui s'assument harcelées.

Les journalistes n'exercent plus leur métier. Ceux qui arrivent à écrire encore ont troqué leur plume contre la cuiller. La gamelle a remplacé le calepin. Faut bien manger, la liberté d’expression est dangereuse, elle envoie en taule ou au chômage les plus courageux.

Karim Akouche,

Ecrivain, auteur de La Religion de ma mère

Alger 2019. L'Algérie est une comédie burlesque. Elle fait rire le monde entier. Les cendres du président règnent. Les militaires et les islamistes jouent à cache-cache. Le peuple, égaré, ne sait plus s'il va participer au cirque ou disparaître derrière le rideau.

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Commentaires (8) | Réagir ?

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gestion

verry nice post, thanks for share

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baker_st mazouz

Bon article. merci

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