Le FLN et la mafia italienne : quelle histoire ! (I)

La bataille contre le peuple d'Alger en 1957
La bataille contre le peuple d'Alger en 1957

Il est navrant, désolant et même dramatique de laisser entendre aujourd’hui que la lutte armée nationale s’est faite, parmi des alliées de combat, une organisation fondamentalement à caractère criminelle, comme celle de la mafia italienne.

Une organisation qui, historiquement prouvée, est de nature criminelle et socialement de caractère féodal, devenant du jour au lendemain l’alliée d’une cause populaire juste et à valeurs humaine et historique comme celle de la lutte du peuple algérien pour son indépendance politique et l’autodétermination sociale et économique.

À entendre certains propos, nous nous demandons si l’Italie antifasciste des années 30 et 40 du siècle dernier, n’avait jamais existé et que l’héritage des luttes et des sacrifices qui a permis de mettre fin à la royauté, en juin 1946, n’est qu’une ombre de l’organisation criminelle qui ne faisait que s’enrichir sur le dos du peuple italien, et cela auprès de l’armée américaine du général Patton.

Pour le FLN-ALN, il y aurait donc une obligation à s’entretenir et pour la justesse de la cause, avec un interlocuteur de cette nature. A la lecture, nous conclurons que les composantes politiques et idéologiques du mouvement de libération national n’étaient que des bandits de grands chemins !

Si nous avons opté pour cette présentation de notre présente contribution, c’est pour signaler la gravité des propos que nous ne cessons d’entendre et émanant même de milieux dits instruits et éclairés, par rapport aux roublards de rues. Des propos visant d’abord des relations de nature historique entre deux nations, ensuite des militants et des hommes politiques dont la distance géographique qui les sépare est tout juste de 48 km de frontière méditerranéenne.

I. L’encerclement d’Alger : La "bataille" du déshonneur

Nous employons le terme d’encerclement afin d’évoquer l’idée d’isolement de population au détriment d’une autre. La Casbah ou citadelle d’Alger avait été contenue, elle et sa population dans un guet-apens militarisé. À la Casbah, il faudrait associer les bidonvilles qui entouraient la ville d’Alger et cela en pleine période de la lutte armée.

Le choix de l’heure, le mois et l’année de cette opération ont été décidés en Métropole et dans un contexte national et international bien particulier.

En France, le gouvernement de Guy Mollet démissionne sous l’emprise du début de la guerre coloniale et ce le 21 mai 1957. Une guerre qui absorbait 20% du budget de l’État destiné à «l’effort de guerre», expression qui remonte au début du XXe siècle lors des souscriptions obligatoires imposées au peuple français à la veille de la 1er Guerre capitaliste mondiale.

Un second gouvernement est annoncé pour la période du 21/06 au 30/09/1957, avec comme trame de fond, la reconduction des pouvoirs spéciaux en Algérie et Paris passe la main gouvernementale de M. Maurice Bourgès-Maunory à Félix Gaillard et cela jusqu’au 15/04/1958.

La Métropole française est en crise économique des plus hardies. Au mois de novembre 1957, le FMI octroi 650 milliards de francs de l’époque, à une France qui ne fait que doubler les taxes et les impôts d’une population au seuil de la faillite financière. De même, que l’intervention de la Banque de France ne sauve que périodiquement la mise à genoux d’un budget de l’État déficitaire à 30%, elle ingurgitera quelques 250 milliards de francs dans des caisses presque vides. Afin de mener une opération de marketing politique au niveau international, Paris accueille le 1er Sommet de l’OTAN, qui sera le premier dans l’histoire de ce pacte militaro-politique du Bloc occidentale (du 16-19/12/1957).

À Alger et vers la fin de l’année 1956, le général Salan est nommé Commandant Supérieur Interarmes de la 10e Région Militaire (Algérie) et ce le 15/11, faisant de lui le véritable imperator de la colonie. Il s’entoura vite d’un colonel du SDECE (Service de documentation extérieure et de contre-espionnage), M. Léon Simoneau (décédé le 7 avril 1993) qui faisait partie des Services des renseignements du CFLN gaulliste durant l’occupation nazi. Rechercher par la police vichyste, il regagne l’Espagne pour rejoindre le QG du renseignement gaulliste à Alger, rue Charras. Ce "résistant" coordonnera le Centre de Coordination Interarmées (CCI) avec celui déjà mis en place au niveau du Gouvernement Général d’Algérie, avec comme arme de choc, la 11e Demi-brigade Parachutiste de Choc (11e DBPC), créée le 4 juin 1955 et commandé par le lieutenant-colonel Pierre Decorse.

La méthode Simoneau était la reprise du schéma indochinois du RAP (Renseignement, Action, Protection), à travers l’organigramme du CCI et carte blanche de celui qui deviendra le patron du SDECE, en juin 1957, le général Paul Grossin.

Le général Jacques Massu, chef de la 10e Division Parachutistes, mettra en exécution «l’Opération Champagne» est ce, en deux phases répressives, la première de janvier à avril, la seconde de juin à octobre, de la même année afin de déloger la Résistance algéroise et de démanteler tout réseaux de soutien, de financement et de propagande du FLN. Les opérations de cette répression de masse coûteront la vie à 6000, dont 3000 disparus à nos jours, et que le colonel Godard du SDECE et du 2e Bureau de l’état-major, qualifiait avec cynisme ce nombre «d’individus sortant» des centres de détentions (1).

Pour la répression des populations, la région militaire avait mobilisé toute l’armada en sa possession, à savoir : les 9e Régiment de Zouaves, le 13e Sénégalais, les Artilleurs, les Unités Territoriaux, les CRS, les Gardes mobiles, les soldats du Génie, du Train, les polices (RG, DST, PJ et Sureté Urbaine), Sécurité Militaire, Police d’Etat, Gendarmerie nationale, 2e et 5e Bureau, enfin les collaborateurs et les traitres, appelés "Bleus de chauffe". Le général Massu, qui s’est installé depuis juillet 1955 au QG de Bouzaréah, échappera à un attentat monté par deux anciens membres de Combattants de la Liberté (combattants communistes), MM. Briki Yahia et André Castel, dit Mourad.

C’est dans ce contexte de répression fasciste et génocidaire que le monde découvre une question nationale revendicative d’une indépendance politique et d’affirmation identitaire. Si l’opinion internationale dans les pays du bloc soviétique et la Chine étaient favorablement acquit au combat algérien, celui des pays de l’Ouest est demeurait dans l’expectatif et sous l’emprise de l’hégémonisme «atlantiste» français.

L’Italie de 1957 est sous l’emprise américaine devenant un réel porte-avion US pour le flanc sud de l’Europe, avec un champ d’intervention sur le continent africain et le Proche-Orient. Le 25 mars, ce conclu à Rome le Traité européen qui donnera naissance la Communauté Economique Européenne (CEE) sous l ‘emprise de la doctrine Eisenhower. C’est le début de la refonte d’une Etats-Unis d’Europe.

Sur le plan intérieur, le gouvernement Antonio Segui démissionne après avoir été lâché par les sociaux-démocrates du PSI et cela le 15 mai de la même année. Le Président de la République Giovanni Gronchi, nomme alors le démocrate-chrétien Adone Zoli qui forme un gouvernement homogène, mais finit par démissionner après avoir été «piégé» par l’appui que les partis fascistes, dont le MSI de la fille de Mussolini, lui ont apporté le 19 mai.

II- L’Italie de Tayeb Boulahrouf

L’histoire contemporaine des relations italo-algérienne retiendra le nom d’Enrico Mattei, le Pdg de la société pétrolière ENI, de son côté la relation algéro-italienne retiendra le nom de Tayeb Boulahrouf, alias "Saddek", alias "Pablo", alias "Augosto".

Tayeb Boulahrouf (TB), originaire d’Oued-Zenati (Guelma) est un pur produit du nationalisme révolutionnaire des années 1930. Un des premiers membres de l’Organisation Spéciale (OS) qui naîtra à l’ombre du PPA-MTLD, sous la houlette d’Ahmed Bouda, de Mohamed Belouizdad, des luttes syndicales, des événements du Viêt-Nam, de Chine avec l’apogée de l’URSS de Staline formeront la trame de fond d’une formation politique combattante de qualité avec les expériences des luttes antifascistes de France, d’Italie et d’Espagne que Zighout Youcef transmettait comme formation politique.

Roder à la vie et à la lutte clandestine, TB rejoint la France après le procès de l’OS à Bône (Annaba). Il intégrera sous la couverture du Comité Fédéral du PPA-MTLD de France, la cellule de Mohamed Boudiaf, de Didouche Mourad, M’hamed Yazid et bien d’autres (2). Le cercle fédéral des jeunes militants entrera en rébellion contre le zâamisme de Messali Hadj, et verse dans le combat militaire pour se retrouver dans le premier noyau de la direction du Comité Fédéral du FLN en France avec Ahmed Doum, Mohamed Mechatti, Abderrahmane Guerras, Ahmed Taleb, Salah Louanchi et Fodil Bensalem. C’est avant le mois de mars 1957 que TB assurera la direction du Comité Fédéral de FLN de France en tant que chargé de l’information avec notamment Mohamed Harbi, Moussa Boulakraoua, Abdelmalek Benhabyles et bien d’autres encore. Au mois de mars de la même année, Tayeb Boulahrouf assurera la direction du CF à un moment crucial de la cause algérienne. (A suivre)

Dr. Mohamed-Karim Assouane,

Maitre de conférences. Université d’Alger-2.

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Notes

1- Yves Godard, Les Paras dans la ville, Paris, Fayard, 1972. P.390.

2- Ali Haroun, La 7e Wilaya, Alger, Rahma édition, 1992. P.16.

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Commentaires (8) | Réagir ?

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gtu gtu

merci

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gestion

merci

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