Tripartie : quel dialogue pour sortir de la crise structurelle ?

La prochaine tripartite aura lieu les 6 et 7 mars à Annaba
La prochaine tripartite aura lieu les 6 et 7 mars à Annaba

Il s’agira de déboucher, grâce au dialogue social élargi, sur des actions concrètes afin de réhabiliter la bonne gouvernance, l’économie de la connaissance et l’entreprise créatrice de richesses, publiques et privées locales/internationales comme le stipule la nouvelle Constitution, sans distinction, face à un cours des hydrocarbures faible qui risque de durer dans le temps

1.- Oui nous vivons dans un nouveau monde qui verra des transformations plus rapides que ce que nous imaginons. D’ailleurs même en politique, du fait de la mondialisation et de la nouvelle révolution culturelle, les clivages traditionnels Droit/Gauche, surtout en économie, sont remis en cause, du fait de discours et de programmes qui ne tiennent pas compte du nouveau monde et d’une jeunesse majoritaire , en manque de repères. Politiques, entrepreneurs, citoyens, nous vivons tous aujourd’hui dans une société de la communication électronique, plurielle et immédiate qui nous contraint à prendre des décisions en temps réel. La maîtrise du temps étant le défi principal du siècle, en ce XXIe, engageant la sécurité nationale, toute inadaptation à ces mutations mondiales irréversibles et des politiques basées sur des schémas démodés de l’ère mécanique des années 1970, isolerait encore plus l’Algérie. Les nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) ont des implications au niveau de la gouvernance politique, la gestion des entreprises et des administrations et un impact également sur notre nouveau mode de vie renvoyant au savoir et à l’innovation permanente.

Force est de constater qu’en Algérie, certains responsables vivent encore à l’ère des années passées, nous assistons à une déconnectés par rapport aux nouvelles mutations.

Plus qu’une ouverture vers le grand public les TIC révolutionnent l’organisation interne de l’entreprise, les logiciels de gestion appelés les ERP (Entreprise Ressource Planning) gèrent différentes tâches comme les stocks ou la trésorerie, le travail collaboratif est simplifié grâce à l’utilisation de l’intranet et de la messagerie, le système «wireless» ou «sans fil» maintient un lien permanent avec des collaborateurs en déplacement tout comme la vidéo conférence, tout cela génère un meilleur partage ainsi qu’une meilleure circulation de l’information interne. C’est que les nouveaux moyens de télécommunication facilitent l’échange et la diffusion de la connaissance. Ces nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) changent donc profondément la vie au quotidien des citoyens, le fonctionnement des entreprises, de l’État. Cela est plus patent au niveau multimédia (TV, vidéo à la demande, GPS, musique…) sur les téléphones portables. Sur le plan macroéconomique, les nouveaux processus mis en place grâce aux TIC ont des conséquences sur l’analyse de la valeur des produits et services, que l’on effectuera davantage sur le cycle de vie, lequel a tendance à se raccourcir et influe sur les gains de productivité et la croissance liée à l’introduction des TIC. Les TIC influencent également la recherche scientifique et technique et permettent indirectement de réaliser de nouvelles découvertes qui ont à nouveau un effet macroéconomique.

2.- Face à ce monde qui a profondément changé, il s’agira pour l’Algérie de changer son mode de pensée et les critères de dialogue social liés au mode de représentativité utilisés aujourd’hui qui sont peu adaptés à la réalité actuelle. Lorsqu’un pouvoir agit bureaucratiquement, sans concertation réelle, sans tenir compte de la réelle composante sociale et de la nouvelle transformation du monde, la société enfante ses propres règles qui lui permettent de fonctionner en dehors de l’Etat officiel, qui a force de Droit par des règles informelles du fait que sphère informelle représente plus de 50% de la superficie économique ce qui se traduit alors par un divorce Etat/citoyens. Les deux critères traditionnels, activité du syndicat en termes d’ampleur et d’efficacité d’une part, et influence du syndicat d’autre part, c’est-à-dire sa capacité à mobiliser les salariés, n’ont pas permis de surmonter les difficultés. Aussi, il s’agit de s’adapter aux nouvelles technologies pour initier un nouveau dialogue et de fonder la représentativité syndicale sur le seul critère de l’élection et l’audience électorale doit devenir le critère incontournable de la représentativité. Une meilleure représentativité passe par un choix entre représentation uniforme et représentation multiple.

Cette révision des règles de représentativité doit s’accompagner d’une transparence accrue en matière de financement et de certification des comptes des fédérations et confédérations patronales. L’objectif est de renvoyer l’essentiel des décisions sociales à la négociation en modernisant les règles de représentativité et de financement des organisations syndicales et patronales et de faire de la négociation collective le moyen privilégié de la transformation du droit du travail et de la maîtrise des évolutions socio-économiques des entreprises. Pour paraphraser le langage militaire qui différencie tactiques et stratégie, le gouvernement, et c’est sa mission essentielle, est d’agir sur la conjoncture à partir d’une vision stratégique et non de tactiques conjoncturelles. C’est que l’environnement économique et social algérien a profondément changé, car d’autres forces sociales et économiques sont apparues depuis, devant en tenir compte, faute de quoi cela s’apparenterait à un monologue du pouvoir avec lui-même, sans impact pour la résolution concrète des problèmes économiques et sociaux.

3.- On ne relance pas l’activité économique par décret ou des lois d’investissement sans objectifs stratégiques et une nette volonté politique, (combien de codes d’investissement depuis l’indépendance politique) ou par le volontarisme étatique, vision de la mentalité bureaucratique rentière. C’est l’entreprise libérée de toutes les contraintes d’environnement (la liberté d’entreprendre avec un rôle stratégique à l’Etat régulateur fort, mais fort de sa moralité), et son fondement, le savoir, au sein d’une économie de plus en plus mondialisée à travers des stratégies de segments de filières internationalisées que l’Algérie peut créer une économie productive à forte valeur ajoutée. Aussi, espérons des solutions opérationnelles lors de la prochaine Tripartie, devant privilégier les réformes structurelles dans un cadre d’objectifs stratégiques datés, loin des discours et des luttes pour le partage de la rente qui ne peut que conduire, avec la baisse du cours des hydrocarbures, qui sera de longue durée, au suicide collectif. Aussi, en cas de non réorientation de la politique économique actuelle fondée sur l’économie de la connaissance et l’entreprise, devant démystifier l’entreprise privée nationale et internationale, encouragée même en Chine et la Russie, fondateurs du communisme, les réserves de change après l’épuisement du fonds de régulation des recettes risquent de tendre vers zéro vers 2018/2019. Face à cette situation socio-économique, au -delà de l’État, l’ensemble des acteurs de la société doit être mobilisé si l’Algérie veut renouer avec une croissance durable hors hydrocarbures. Mais cela suppose la conjugaison de différents facteurs avec un dénominateur commun, le développement des libertés : dédiaboliser le secteur privé créateur de richesses ainsi que le secteur d’Etat performant, développer le savoir et le gout du risque et introduire des innovations technologiques sans cesse actualisés, le combat contre toute forme de monopole néfaste, une concurrence efficace, un système financier rénové capable d’attirer du capital et une ouverture à l’étranger. Ces réformes passent fondamentalement par une démocratie vivante, une stabilité des règles juridiques et l’équité, les politiques parleront de justice sociale.

4.- C’est que l’Algérie possède d’importantes potentialités de sortie de crise comme je viens de le souligner dans une contribution parue un grand quotidien financier français la Tribune.Fr en date du 19 février 2017. Contrairement aux discours de sinistrose, l’Algérie n’est pas en faillite,(réserves de change au 31/12/2016 de 114 milliards de dollars e une dette extérieure inférieure à 4 milliards de dollars) , tout en reconnaissant qu’elle traverse une situation difficile. Elle peut réussir sa transition économique dans un délai raisonnable, le monde ne nous attendant pas et toute Nation qui n’avance pas recule forcément.

Retarder les réformes ne peut que conduire à la désintégration lente, à l’appauvrissement, une perte de confiance en l’avenir puisque avec l’épuisement de la rente des hydrocarbures.

L’Algérie n’aura plus alors les moyens de préparer ces réformes et vivra sous l’emprise de la peur, voyant partout des menaces où les autres voient des chances. Pour s’inscrire dans la croissance mondiale, l’Algérie doit d’abord mettre en place une véritable économie de la connaissance, faciliter la concurrence, la création par la mise en place de moyens modernes de financement, revoir le code de travail conciliant flexibilité et sécurité, favoriser l’épanouissement de nouveaux secteurs clés, dont le numérique, la santé, la biotechnologie, les industries de l’environnement, les services à la personne avec le vieillissement de la population. Pour mener à bien ces réformes, l’État et les collectivités locales doivent être très largement réformés. A ce titre, lors de différents conseil des ministres, il a été recommandé que les membres du gouvernement et l’ensemble des pouvoirs publics doivent utiliser le nouveau système de communication, tenir un langage de vérité et expliquer davantage à la population la gravité de la conjoncture financière que traverse notre pays ainsi que le caractère unique au monde des dépenses publiques d’investissements et des subventions et transferts sociaux.

Pour cela, l’Algérie a besoin de rassembler et non de diviser, autour d’un large Front National tenant compte des différentes sensibilités. En bref, loin des méthodes des années 1970/2000 périmées , le mode de dialogue politique, économique et social entre 2017/2020/2030, doit tenir compte de la métamorphose du monde qui est devenu une maison de verre, avec les réseaux sociaux, s’il veut avoir un réel impact. Même au sein d’une famille la mère et le père ne dialogue plus de la même façon avec leurs enfants qui ont d’autres échelles de valeur, quitte à désintégrer la cellule familiale

Pr Abderamane Mebtoul

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