Et une tripartite, une !

L'indéboulonnable Sidi Said et Abdelmalek Sellal symbolise l'anasthésie du système.
L'indéboulonnable Sidi Said et Abdelmalek Sellal symbolise l'anasthésie du système.

Après donc Biskra, la Reine des Zibans, c’est au tour d’Annaba, la Coquette, d’abriter les travaux délocalisés de la 20ème tripartite.

Comme de bien entendu, les organisateurs disent vouloir parler de relance économique, de l’émergence d’une base industrielle et de justice sociale. Discours redondant, sinon comment expliquer que depuis des décennies que l’on parle d’économie, d’entreprise et aussi de favoriser la production nationale et de la diversifier, afin de sortir du statut de pays exportateur de gaz et de pétrole et d’importation de Khordawates, on est, encore, au point de départ, loin très loin même des pays voisins ou des pays arabes, dont on n’arrive même pas à exploiter les difficultés conjoncturelles qu’ils rencontrent, comme par exemple dans le secteur touristique.

Pourquoi n’arrive-t-on pas à mettre en place des politiques économiques viables ? Faut-il, pour autant, revenir au bon ministère de la planification, pour mettre de l’ordre dans ce "désordre" ?

Certes, l’entreprise reste au cœur de tous les discours politiques ; elle est même conjuguée à tous les temps, mais de mesures positives sur le terrain, point. On ne relance pas l’activité économique par décret, ou des lois d’investissement ou par volontarisme étatique, a rappelé le professeur Abderrahmane Mebtoul. C’est l’entreprise libérée des entraves et un Etat régulateur qui peuvent créer une économie productive à forte valeur ajoutée.

En outre, si les investissements algériens ne trouvent pas intérêt à aller vers la production nationale, vers la création de l’emploi, faut-il s’étonner, ou encore moins, s’attendre à ce que les investisseurs étrangers, qu’il y ait la règle du 51/49%, ou même l’inverse, fassent preuve de plus d’engagement ?

La vingtième tripartite sera-t-elle exceptionnelle par son contenu ? A savoir le lancement d’un nouveau programme économique pour le pays ?

Pour le Premier ministre la solution consisterait en "la création d’unités productives pour que l’Algérie récupère sa base industrielle". Le ministre de l’Industrie, de la PME et de la Promotion de l’investissement a affirmé, de son coté, que c’est de cette tripartite que sera dévoilée "la nouvelle politique économique de l’Algérie".

L’investissement productif en Algérie, ne représente que 2% du PIB hors hydrocarbures et hors dépenses publiques ; comment va-t-on aborder cette question de relance de l’investissement, alors que perdurent, encore, selon le FCE, le blocage de l’information économique, le recours obligatoire au Credoc et l’absence d’efficacité des chambres de commerce, qui sont autant d’obstacles empêchant la relance de l’investissement ?

Des préoccupations partagées, semble-t-il, par les organisations patronales qui espèrent encore "des mesures de facilitation d’accès aux financements bancaires, au foncier industriel ou plus encore à l’assainissement du marché des produits industriels".

Pendant ce temps là, les conflits à l’intérieur de l’entreprise s’intensifient et ils sont toujours perçus négativement alors qu’ils portent sur des revendications socioprofessionnelles, avérées. L’UGTA se contente d’observer les grèves, à partir du banc de touche, pendant que les syndicats, autonomes agissent et gagnent en crédibilité, même si, faut-il l’admettre l’action de certains d’entre eux n’est pas dénuée d’arrière-pensée… politicienne ;

On continuera longtemps, dans notre pays, à se rejeter la balle longtemps : l’éternelle chicanerie du rôle de l’Etat régulateur, de la responsabilité des producteurs, de la non maîtrise des prix des matières premières qu’on ne produit pas, de l’anarchie de la consommation, de la faiblesse de l’agriculture, de l’industrie, etc.

Oui, mais jusqu’à quand continuera-t-on à fuir ces problèmes qu’au final on réglera à coups de subventions qui en définitive "ne profiteront qu’aux profiteurs", ce qui ajouterait encore au désordre social ?

A moins de reformuler l’ordre du jour de cette 20ème tripartite, de l’élargir à un grand nombre d’intervenants et de décider de débattre de la thématique consistant à plancher sur "le passage d’une économie de rente à une économie de production, seule manière de réhabiliter la notion de productivité et de relier les revenus à la production" ?

Le président du FCE Ali Haddad a souligné à partir de Djelfa que la relance de l’économie nationale et la promotion de l’Algérie au rang des pays émergeants n’était pas chose aisée mais pas impossible ! L’incident protocolaire du forum africain est-il pour autant oublié ! Ou va-t-il plané sur les débats ? Quant aux syndicats autonomes, sont-ils capables de s’unifier pour constituer une force de propositions pour prétendre à une place à la table de la tripartite ?

L’UGTA tarde, d’ailleurs, à s’expliquer au sujet de leur existence et du refus quasi pathologique qu’elle cultive à l’égard d’une pluralité légale et surtout complémentaire. Pour un chroniqueur (*), elle est devenue "une institution bureaucratisée. Et conséquemment, le salariat est déçu par une centrale si proche du pouvoir politique et si loin des cols bleus ! La belle affaire que cette UGTA revigorée grâce à la drôle de statistique de ses dirigeants dont le premier d’entre eux plastronnait, ridiculement, en mettant en relief une performance singulière s’agissant de l’encartage de 300 mille retraités et de 200 mille femmes ! En somme, une performance ayant consisté à faire adhérer des hommes du 3ème âge et des couturières travaillant à domicile. Fini donc la force de frappe des cols bleus des usines ainsi que la mobilisation des paramédicaux et des marchands d’alphabet ; et bienvenue aux septuagénaires impotents et des femmes au foyer !"

Le triste quotidien des travailleurs a, au moins, ému la fédération algérienne des consommateurs qui a lancé un appel au Premier ministre, lui demandant 'l’ouverture d’une enquête approfondie sur les mécanismes de régulation du marché, de mesurer leurs effets et leur efficacité sur le terrain et procéder à la poursuite des responsables qui exposent le pouvoir d’achat des consommateurs à l’effondrement".

En définitive, force est de constater que 55 années après l’indépendance et 19 tripartites plus tard, on en est encore et toujours aux vœux pieux. Aux constats. Mais les chiffres restent implacables :

* 98% de notre substance est tirée des hydrocarbures

- on n’exporte que 2 milliards de dollars de produits

- notre agriculture n’est pas compétitive

- notre territoire maritime est pollué

- notre tourisme n’est pas attractif

- notre réseau de PME/PMI est insignifiant

- notre industrie a été démantelée

- nos barrages sont envasés

- notre trésor solaire est ignoré

- nos déchets ne sont ni recyclés ni valorisés

- notre produit national n’est ni valorisé ni concurrentiel.

- les Chinois nous construisent nos logements et aussi notre Grande Mosquée

Le fond des recettes est appelé à s’épuiser à brève échéance. Et les réserves de change aussi. En 2019 !

Face à cette situation, tous les experts économiques s’accordent dire qu’il faut réagir :

1. Le gouvernement doit convier à la table de la 20ème tripartite d’Annaba, toutes les organisations syndicales en relation avec les ministères du travail, l’enseignement supérieur, l’éducation nationale et la santé

2. Il doit éviter que la tripartite ne soit, comme par le passé, un lieu de distribution de la rente

3. Le gouvernement se doit de poursuivre et d’accélérer le programme des réformes. Les retarder ne peut que conduire à la désintégration, à l’appauvrissement et à la perte de confiance en l’avenir.

4. avec la fin de la rente, le pays vivra sous l’emprise de la peur, voyant partout des menaces où les autres voient des chances. Il est temps a rappelé encore une fois Abderrahmane Mebtoul de mettre en place une véritable économie de la connaissance, faciliter la concurrence, revoir le code du travail, privilégier l’épanouissement du numérique, de la biotechnologie et du solaire. Sans oublier les industries de l’environnement qui ne semblent pas plus que ça susciter l’intérêt du ministre du secteur, beaucoup plus préoccupé par les fuites d’eau, certes préjudiciables du fait du vieillissement des canalisations datant en partie de l’ère coloniale, que par le recyclage des déchets industriels et ménagers dont on peut retirer d’immenses bénéfices et d’innombrables emplois directs et indirects !

5. L’emploi justement, doit être le crédo du gouvernement. L’embellie des cours du pétrole depuis le début de l’année donne du répit au gouvernement qui doit se «décarcasser» pour en créer. Ailleurs, on parle «d’emplois d’avenir» et même «d’emplois générationnels» !

6. Le gouvernement doit, enfin, dire toute la vérité au peuple algérien et non pas insulter son intelligence par des discours totalement négatifs, pour des raisons politiques et idéologiques,

en prétendant que «l’Algérie n’est pas en faillite» tout en reconnaissant «qu’elle traverse une situation difficile» !

La 20ème tripartite va se tenir dans la foulée de la double célébration du 24 février. Date hautement symbolique choisie par le président de la République pour délivrer un message de vérité qui a l’avantage d’annoncer clairement les difficultés qui attendent les algériens.

Il se trouve, heureusement, que de ce point de vue les citoyens, sont déjà entrés en résistance depuis de longs mois. Et le message d’Abdelaziz Bouteflika qui, pour l’occasion, s’adresse aux travailleurs a rompu avec le discours rassurant du gouvernement.

Les Algériens résisteront, estime Mustapha Hammouche, excellent chroniqueur par ailleurs ; ils ont résisté à des décennies de terrorisme islamiste sanglant, souvent en le souffrant plutôt qu’en le combattant ; ils ont résisté à l’autoritarisme, en s’y adaptant, plutôt qu’en s’y opposant. Ils résisteront donc à la récession en y ajustant leur mode de vie. Puisque c’est cela qu’on leur demande. Tant qu’on ne leur demande pas de se mettre au travail, ils résisteront assurément !

N’est-ce pas que le secret de notre stabilité nationale est là, ajoute le journaliste, qui conclut sa chronique par cette réflexion : le pouvoir ne demande des comptes aux citoyens, ni eux ne lui demandent pas des comptes !

Cherif Ali

Renvoi :

- 24 février : une célébration sur fond de malaise

- Boubakeur Hamidechi- Le Soir d’Algérie

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Commentaires (6) | Réagir ?

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adil ahmed

merci

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fac droitsp

merci

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