"Saïd Bouteflika ouvre et ferme la porte", selon la politologue Isabelle Werenfels !

Said Bouteflika, l'homme par qui tout passe pour arriver au président.
Said Bouteflika, l'homme par qui tout passe pour arriver au président.

Dans un entretien accordé à RFI, la politologue allemande et spécialiste des pays du Maghreb, Isabelle Werenfels, exprime sans concession son point de vue sur la situation politique de l’Algérie.

Au lendemain de la visite avortée en dernière minute de la chancelière allemande Angela Merkel, l’associée senior à la “Stiftung für Politische Wissenschaft” (SWP), le plus influent think tank allemand pour les Affaires étrangères, accuse Bouteflika d’avoir «divisé l’Algérie pour mieux régner»

La vice-présidente du Foundation Board du Graduate Institute of International and Development Studies de Genève répond à des questions graves qui concernent le président, sa maladie, sa succession, son entourage, son frère… etc.

"On ne peut savoir qui a le plus de pouvoir"

Pour Isabelle Werenfels le clan Bouteflika est constitué de "gens avec une grande loyauté au président et ce sont ceux qui protègent le président contre les adversaires et qui l’aident à maintenir la façade". Le pouvoir algérien est, selon la politologue allemande, un mélange de plusieurs groupes. "Des membres de la famille, on a surtout le frère. On a des compagnons de la Révolution encore, des personnes de sa région par exemple le chef du FLN Ould Abbes ou Messahel, le ministre pour le Maghreb, l’Union africaine et la Coopération arabe, puis le chef de l’armée Gaïd Salah. On a Ali Haddad, le chef du Forum des entreprises, Ahmed Ouyahia, chef du cabinet, Tartag des renseignements" analyse-t-elle, avant d’ajouter que l’on ne peut savoir qui a le plus de pouvoir dans le lot de toutes ces personnes qui gravitent autour de la personne du président. Une nuance toutefois, peut être que l’on sait que "le frère (Saïd Bouteflika) ouvre et ferme la porte", pour dire sûrement que l’omniprésent frère est constamment dans la chambre du président et y verrouille l'accès.

Selon la doctoresse Werenfels, c'est la rente pétrolière qui a aidé Bouteflika et son clan à se maintenir au pouvoir et non "sa sage politique économique" comme on voudrait le faire croire dans l’entourage du président.

Quant à la transition, la politologue pense qu’une partie des élites au pouvoir n’a pas intérêt à ce que les choses changent car la transition peut apporter "un Etat de droit, la transparence. Alors beaucoup d’élites ont peur de perdre dans un tel système", estime-t-elle.

"Un système de diviser pour mieux régner"

Concernant la succession, la politologue allemande écarte la possibilité que Saïd Bouteflika ait des ambitions présidentielle. Elle croit que "Bouteflika est, ou était assez intelligent" pour ne pas tomber dans le piège d’une succession par filiation. Certes, "Saïd Bouteflika joue un rôle important" mais la politique de Abdelaziz Bouteflika a toujours été pour "un système de diviser pour mieux régner". C’est la méthode que Bouteflika utilise avec tout son entourage, croit-elle savoir. "Et les personnes qui sont devenues trop fortes ont dû partir. Par exemple Amar Saadani, l’ex-chef du FLN".

Mais pour autant, la politologue allemande ne voit pas l’Algérie sombrer forcément après la mort de Bouteflika, car elle croit qu’il n’est qu’une pièce du système et non le système en entier. Le système algérien étant un système des pratiques clientélistes "… je pense que c’est plutôt un système de pratique, des pratiques clientélistes. Et dans un tel système, une personne peut être remplacée par une autre qui remplit la même fonction". L'analyse tranche radicalement avec certaines projections avancées par des cabinets ou médias, notamment américains.

Pour les Occidentaux, la stabilité est le maître mot !

Sous couvert de stabilité, les pays occidentaux tablent sur le maintien du système en Algérie, car dans un contexte chaotique, les conséquences sur l’Europe seraient catastrophiques. "Le paradigme d’aujourd’hui c’est la stabilité. On veut une Algérie stable. Surtout vraiment en vue de sa fonction comme un tampon contre l’immigration subsaharienne. C’est ça la fonction que l’Europe veut pour l’Algérie". Autrement dit la realpolitik prévaut chez les Européens qui se savent trop proches d'Alger pour laisser quelque risque menacer l'Algérie. Pour les Américains, "les prisonniers de conscience ou la liberté de la presse, l’Etat de droit, etc" est le dernier de leur soucie. "Là, je pense que certains Européens – surtout les Allemands, les Scandinaves – vont être un peu plus concernés, peut-être plus concernés que les Français"., observe enfin Isabelle Werenfels.

La rédaction

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Commentaires (12) | Réagir ?

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msilaDSP DSP

MERCI

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gtu gtu

merci

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