Plus de 50 000 départs en retraite dans l’éducation

Le ministère de l'Education nationale va-t-il anticiper ces départs ?
Le ministère de l'Education nationale va-t-il anticiper ces départs ?

Le vrai chiffre du nombre de départ en retraite n’est connu de personne, le ministère avance 40 000 futurs retraités dans l’éducation, les syndicats pensent que ce chiffre est loin de la vérité et dépasse les 50 000 parmi eux 80% sont des enseignants. Mais la réalité est que le secteur de l’éducation se vide à grande vitesse. Pour tout le monde ce boom de départ en retraite est anormale, cette ruée vers la sortie des travailleurs de l’éducation doit inquiéter tout le monde et devrait être le sujet d’une enquête minutieuse pour arrêter cette saignée et trouver les solutions pour y remédie.

Cependant le constat amer que l’on fait c’est que cette situation n’intéresse ni de près ni de loin les responsables, en Algérie c’est un non-évènement. Quelles sont les conséquences financières pour les caisses de retraite ?

D’abord chez nous en Algérie il nous faut 5 travailleurs cotisants pour garantir aussi bien la pension d’un retraité que l’équilibre financier de la CNR. Donc si on fait confiance aux statistiques avancées par l’ONS en 2015 : on avait une population active de 11 937 000 (chômeurs et travailleurs) parmi eux, il y avait 10 600 000 en activité et 1 337 000 chômeurs pour 2 000 000. Ce chiffre assure totalement l’équilibre de la caisse nationale des retraités sauf si parmi les 10 600 000 travailleurs certains ne payent pas leurs cotisations ou ne les déclarent pas. Mais comme on s’intéresse à l’éducation, tous les travailleurs cotisent car ils font partie de la fonction publique et sont automatiquement déclarés. De là que le déséquilibre de la CNR annoncé ne concerne aucunement les travailleurs de la fonction publique et s’il y a problème pour la caisse nationale des retraités il faut dénoncer les responsables qui se trouvent dans les autres secteurs qui s’enrichissent sur le dos des travailleurs par de fausses déclarations et que les fonctionnaires sont en train de payés mêmes remettre en cause les acquis sur leur retraite.

Aujourd’hui, il faut trouver parmi les 10 600 000 travailleurs ceux qui ne payent pas les cotisations pour cela il suffit d’enlever les effectifs de la fonction publique qui s’élèvent au 31/12/2014 à 2 020 172, ce qui nous donne 8 579 828 fonctionnaires. Le gouvernement doit voir dans les poches de ceux qui ne déclarent pas leurs employés donc parmi les 8 579 828 et non dans les poches de ceux qu’ils le font déjà.

La première raison qui a poussé le gouvernement à opter pour la réforme des retraites n’a pas de raison d’être car s’il y a déséquilibre dans la CNR les responsables ce ne sont pas les travailleurs de l’éducation qui en sont responsables; l’éducation est victime aussi bien des décisions du FMI et des multinationales pour ses directives antisociales parmi elles, celles de la réforme des retraites à travers le monde que ceux du gouvernement pour sa passivité et qui n’arrivent pas à obliger tout le monde à cotiser. Cette décision de réforme des retraites a boosté les départs en retraite partout dans la fonction publique et surtout dans l’éducation, secteur stratégique pour tout l’avenir d’un pays et d’une société. Donc pour ces 50 000 départs en retraite, il faut la cotisation de 250 000 travailleurs pour un secteur qui en comptent 592 831 ; donc l’alarmisme du gouvernement ne s’explique pas pour le secteur de l’éducation.

Quelles conséquences pour l’enseignement ?

Si pour l'année 2015, 7 000 enseignants ont bénéficié d'un départ à la retraite. Ce nombre des demandes enregistrée» en 2016 est au moins cinq fois plus important, ce qui confirme l'existence d'un rush généré par la fin annoncée de la retraite proportionnelle et sans condition d'âge. Donc le nombre d’enseignants désirant partir en retraite dépasse les 35 000 ; ce qui représente sur 495 000 enseignants 7% et parmi les plus expérimentés, ces départs d’excellents cadres pourraient créer un déséquilibre et une instabilité dans le secteur aussi bien en qualité qu’en quantité car le métier n’attire plus ceux qui ont une vocation pour l’enseignement. La première conséquence positive, c’est un certain rajeunissement de l’encadrement qui compte désormais plus de jeunes enseignants que d’anciens.

Du côté pédagogique et expérimentale, ce sera l’une des plus grande perte qu’aura connu l’éducation depuis l’indépendance qui n’a pas su préserver certains de ces cadres pouvant encore donner un plus à ce secteur qui est en continuel déclin pour plusieurs raisons, entres autres les départs précoces de certains enseignants soient vers des écoles privées soient vers d’autres fonctions moins contraignantes et plus onéreuses. Le plus inquiétant est : qui a poussé ces cadres vers la porte de sortie le plus tôt possible et comment encore une fois pouvons-nous y remédier. L’inquiétude de ces départs concerne surtout les simples citoyens dont les enfants sont encore dans les écoles publiques alors que les autres ne sont pas anxieux et se frottent les mains puisque leurs enfants sont dans des écoles privées et seront encadrer par certains de ces enseignants ou bien tout simplement ils ne sont pas concerner car leurs enfants étudient à l’étranger. La finalité dans tout ça, est pour le pauvre citoyen qui ne peut s’offrir un enseignement particulier à son enfant car le seul avantage qu’il avait dans l’école publique c’était ces chevronnés de l’enseignement que les écoles privées cherchent à récupérer petit à petit par tous les moyens et aidés par les responsables dans certaines décisions telles celle de toucher aux acquis du travailleurs et en rendant les conditions d’enseignement dans l’école publique impossible, ils ont aussi été usé par des décisions illogiques prises soit par le ministère lui-même ou par des inspecteurs ayant confondu le coté pédagogique avec le côté administratif ou par des proviseurs incompétents.

Quelles sont les raisons de ce boom de départ en retraite ?

Le rush vers ces départs en retraite n’est pas généré uniquement par la fin annoncée de la retraite proportionnelle et sans condition d’âge mais aussi par les conditions de travail éprouvantes qui se sont installées à tous les niveaux et dans la durée dans les établissements scolaires. Environnement pédagogique agressif, violence, manque de discipline, stress, surcharge des classes…, sont autant de facteurs intervenant dans le malaise des enseignants et leur démotivation croissante. Pour beaucoup, la majorité peut-être, enseigner n'est pas qu'une partie de plaisir.Ce sont essentiellement les traumatismes psychologiques : troubles psychosomatiques, crises dépressives ou d'angoisse… Aujourd’hui en 2017, plus de 30% des enseignants vivent avec des antidépresseurs. Le plus inquiétant c’est que chaque semaine, et dans chaque wilaya on assiste aussi chaque jours à des décès précoces d’un ou deux enseignants encore en fonction qui peuvent avoir un lien direct avec le métier et la pression exercée sur eux. Ils sont harcelés par l’administration, par les parents d’élèves, par les inspecteurs, par leurs élèves eux-mêmes et par la société en générale ; alors ils préfèrent quitter car aujourd’hui tout le monde s’ingère dans leur travail et leur donne des cours sur la méthode d’enseigner ajouter à tout ça la charge de travail administrative demandée chaque année pour évaluer le suivi des programmes alors que tout le monde sait qu’ils sont impossibles à terminer. Dans quelques années, si les conditions de travail ne changent pas, nous assisteront à des démissions de plus en plus fréquentes même après plus de 30 années de travail et ils attendront leur retraite loin de la pression car le goût et la motivation n’y est plus.

Comment empêcher cette saignée dans le secteur et garantir la stabilité de l’encadrement de l’école ?

Certains enseignants vous diront qu’avant enseigner était une mission. L’école apportait tout, l’intégration, l’estime, nourrissait la curiosité, donnait les meilleurs amis. En famille, le week-end, il n’est question que de pédagogie, de projets, d’innovations. L’école marquait le respect de tous, parents, élèves, société, ministère. L’enseignant était sacré et personne n’osait remettre en cause ses décisions c’était l’autorité suprême et le respect qui dépassaient ceux des parents, mais aujourd’hui tout est remis en cause.

C’était un honneur d’être enseignant, alors aujourd’hui comment convaincre l’enseignant à choisir ce pénible métieret à y rester jusqu’à sa fin de carrière. Il est temps d’investir en l’homme en sauvant l’école sans hésiter sur les moyens car c’est l’avenir de tous les citoyens qui est en jeu; et pour cela regardons ce qui se passe dans d’autres pays comme l’Allemagne, la Norvège, la Finlande, le Japon… ; ces pays ont compris sans un enseignant bien rémunéreret respecter et une école publique de qualité, il n’y a pas d’avenir pour le pays. Donc je pense que chez nous la moindre des choses à faire est de :

• Rendre à l’enseignant l’autorité pédagogique à son niveau strictement.

• Réévaluer son statut social par rapport à la société.

• Elaborer un statut du travailleur de l’éducation digne lui permettant une promotion verticale et horizontale continue en fonction des années de service avec un aménagement horaire.

• Permettre à l’enseignant de prendre sa retraite quand il veut mais ne pourra exercer une autre fonction avant 60 ans qu’après avoir démissionner.

• Permettre à un enseignant à prendre une année sabbatique lui permettant de faire une pause pendant sa carrière.

• Créer des remplaçants pour des enseignants malades ou se sentant fatiguer pendant une période.

• Faire une refondation de l’enseignement tout en veillant à trouver des passerelles professionnelles pour les élèves qui ont plus de 13 ans et qui sont en difficultés pour suivre un long cursus les menant vers l’université. On n’est pas né tous pour être médecin ou ingénieur ou professeur ou magistrat ou tout simplement cadre d’état.

Hakem Bachir, professeur de mathématiques au lycée Colonel-Lotfi d’Oran

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