L’Orient, l’Occident, les sciences et l’idéologie !

Pour l'Occident, l'Orient c'est avant tout ça : une question d'affaires et de sous.
Pour l'Occident, l'Orient c'est avant tout ça : une question d'affaires et de sous.

Sommes-nous condamner à subir le monde à travers le regard des autres, regard souvent biaisé ou assombri par le temps qui s’écoule. Car il faut savoir que l’Orient et l’Occident (Machrek et Maghreb) sont des notions géographiques dans le monde dit arabe. Et par je ne "sais" quel tour de passe-passe, l’Occident y colla un corpus idéologique qui chantent ses valeurs et folklorisent l’Orient d’où l’invention de l’orientalisme dénoncée par Edouard Saïd.

Hier folklorisé et aujourd’hui attaqué alors que cet Orient des mille et une nuit, berceau des trois religions du Livre avait fantasmé ce même Occident. Il était tellement fasciné par cet Orient mystérieux que l'Occident y envoya ses armées pour le dominer et ses cohortes d’écrivains et de chercheurs pour éventer ses secrets. Haroun el Rachid offrit une horloge à Charlemagne pour calculer l’écoulement du temps. Le temps, le secret des secrets de l’Histoire devint en Occident "time is money" (le temps c’est de l’argent). Oubliant ces données fondatrices des civilisations, d’aucuns chez nous fantasment sur le monde dominant d’aujourd’hui fatigué justement par l’Horloge du temps :

Souviens-toi que le Temps est un joueur avide
Qui gagne sans tricher, à tout coup! c'est la loi (Baudelaire)

pour nous vendre des "valeurs" mises à mal par le temps et les enfants de cet Occident. J’ai lu ces derniers temps dans la presse algérienne des points de vu, des "idées" qui reposent sur du "vent". Mais avant arrêtons sur des notions qui se nourrissent d’idéologie en méprisant le temps qui met justement les horloges des hommes à l’heure.

1) L'économie : après avoir connu le socialisme "spécifique", le pays fait aujourd’hui l’expérience du libéralisme au moment où les pays du paradis de cette idéologie (USA et Angleterre) érigent des murailles protectrices pour sauver les meubles. Ce discours économique "dialna" se fraie petit à petit son chemin dans l’espoir de sortir l’économie du pays de sa léthargie. Une ambition dans l’objectif (illusoire) est de faire taire les bruits des émeutes, suicides, crimes et autres kidnapping qui rythment le quotidien de la société. Naïvement, les marchands de ces rêves pensent soulager les douleurs d’une société noyée dans ses inquiétudes. Alors que le lourd héritage de l’histoire, la nature et du pouvoir et des partis politiques d’opposition, les défis de la nouvelle économie mondialisée nécessitent un traitement de choc politique et intellectuel, "nos" marchands proposent de petites recettes mijotées à la sauce d’idées rances. Recettes qui ne dérangent pas les petites habitudes acquises par la jouissance des misérables privilèges que procure une rente dilapidée au lieu de servir d’outils de décollage économique. Nos "spécialistes" ont un rapport "mystique" avec l’économie et pensent qu’elle obéit à des lois scientifiques indépassables. Ils couvrent cette "science" d’idéologie, la privant ainsi du manteau protecteur de l’histoire. Ils oublient les lois des rapports de forces qui régissent l’économie aussi bien à l’intérieur d’un pays que dans les relations internationales. Ils vantent la neutralité des notions économiques alors qu’elles ne sont que le reflet des féroces réalités économiques traversées par des mouvements contradictoires inhérents à toute société. Chez nous par exemple, ça devient fatiguant d’entendre la ritournelle chanson de la disparition de tel ou tel produit ou bien l’augmentation exponentielle des prix, expliquées par la seule règle de l’offre et de la demande. Certains poussent le ridicule jusqu’à voir dans ces dérèglements chroniques le produit d’un quelconque complot alors qu’ils ne sont que le résultat d’une économie déstructurée et mal gouvernée.

Au lieu de cerner tous les facteurs historiques qui expliquent ce mal développement, nos "spécialistes" s’adonnent au jeu des comparaisons pour expliquer les réussites ou les échecs économiques dans tel ou tel pays. J’ai été frappé à la lecture d’une contribution où l’auteur faisait l’éloge de la Turquie et d’Israël présentés comme modèle de réussite économique. Avancer pareils exemples en cachant au lecteur, (à moins que l’auteur ignore tout des raisons de ces ‘’réussites’’) n’est en définitive que manipulation. Car la Turquie actuelle n’est que la riche héritière de l’empire Ottoman qui a dominé le Moyen-Orient et le centre de l’Europe en campant devant Vienne la capitale la plus raffinée de l’Europe de cette époque. A cela il faut ajouter la révolution en 1923 d’Atatürk qui sépara la religion de l’Etat. Enfin, depuis plus de 60 ans le flux incessant des dollars américains avec l’entrée de ce pays dans l’OTAN a servi à la construction d’infrastructures de toutes natures et la formation de techniciens pour surveiller les faits et gestes de l’ex-URSS. Voilà donc le secret de cette réussite qui est le fruit d’accumulation du capital et de conquêtes politiques.

Quant à Israël, sans entrer dans les détails de son "miracle", il suffit de signaler que cet Etat a été dès sa formation alimenté en capital humain (américano-européen) de très haut niveau. Quant au capital financier il suffit de savoir que cet Etat jusqu’à aujourd’hui reçoit de la seule Amérique en aide directe l’équivalent de 1000 dollars par habitant. Si l’on combine la base économique et technique construite par ces américano-européens, l’aide économique des USA et de la diaspora juive notamment américaine, on devine aisément les origines du "miracle économique" grâce à des investissements et des soutiens politiques pour des raisons connus de tous.

Comment dès lors comparer ce qui n’est pas comparable ? Sachant que les pays du monde dit arabe qui ont connu la gloire à l’époque de la splendeur de Baghdad, de Damas et de Cordoue, ont non seulement raté la phase du capitalisme naissant, et par la suite connu une double hibernation due à la domination étrangère et à la persistance de structures féodales, féodalisme qui partout ailleurs a été détruite peu à peu par la naissance de l’économie capitaliste. A l’indépendance de ces pays, non seulement leurs économies étaient archaïques mais la nature des régimes qui les gouvernent, ont été souvent des obstacles à l’émergence d’une économie moderne. Et quand certains pays ont tenté de sortir de ce cycle infernal, comme l’Egypte, l’Irak ou la Syrie, on s’est arrangé pour les épuiser par des guerres jusqu’à les envahir, encore aujourd’hui, tout ça pour des raisons de géopolitiques (pétrole et Israël).

2) L’idéologie : C’est quoi ce terrorisme intellectuel qui somme les gens de choisir entre l’idéologie du wahhabisme et "l’universalisme" à géométrie variable d’un Occident nostalgique de sa domination d’antan. Ces deux idéologie à prétention ‘’universelle’’ ne tire pas les leçons de l’histoire (ce n’est pas étonnant, c’est le propre des idéologies conservatrices). Elles oublient que le concept de l’universalisme appartient à toute l’Humanité puisqu’il est le fruit qui a lentement muri au fur et à mesure des conquêtes de cette même Humanité.

Sommes-nous condamnés à se laisser emmurer entre les mystifiés d’un Orient "wahhabisé" et un Occident fantasmé ? Alors que les propres enfants de cet Occident sont ses premiers et sévères procureurs (1).

Pourquoi gober les vieilleries idéologiques qui ne saisissent pas le monde complexe d’aujourd’hui. Par exemple on ne peut plus ignorer le rapport entre l’universel et le singulier, l’absolu et le relatif, conceptualisé sous le nom de l’identité des contraires. Ainsi la maîtrise de ces concepts permet d’éviter les idées moisies sur la prétendue supériorité d’une civilisation que l’on entend chez des gens sans mémoire et nullement étouffés par leur ingratitude envers des pays qui leur ont fait connaître la poudre et la boussole, le papyrus, le chiffre zéro sans qui l’algèbre n’existerait pas. Et dire que chez nous, des incultes servent de relais à ces gens-là sous prétexte que des zombies en Afghanistan et en Irak baignent encore dans les ténèbres. Et lire dans un journal algérien que les savants de la civilisation musulmane ne sont pas Arabes mais proviennent de pays musulmans, me fait dire que ce genre ‘’d’intellectuel’’ nous fait respirer les parfums des caniveaux. L’auteur de cette "pensée lumineuse" oublie simplement que celui qui est à l’origine de cette civilisation est un Arabe (2) que des gens censés quelque ce soient leur nationalité ou leurs croyances religieuses ou philosophique reconnaissent la puissance de son verbe qui ne laisse pas indifférent de nos jours.

Ce n’est pas avec un tel raisonnement que l’on combattra et l’ignorance et le racisme et que l’on fera reculer l’intégrisme qui veut faire main basse sur cette religion. Ce genre de bêtises proférées sans rougir alimente l’inculture qui fait des dégâts dans la société. Et ceux qui tentent de résister à ces vils préjugés prêchent dans le désert et leurs paroles s’évaporent à cause du silence des uns et de l’autisme des autres. Le vide oppressant ainsi créé étouffe les cris qui finissent toujours par se fracasser devant des murs érigés par ceux qui ont peur qu’une parole libre dérègle leur mécanique intime. C’est ce désert et ce vide qui ont ouvert les vannes pour noyer des esprits fragiles dans des jugements douteux. Jugements que l’on lit en effet ici, trahissant la méchanceté de leurs auteurs et le mépris à l’encontre des réfugies d’Afrique et du Moyen-Orient qui viennent ‘’mendier’ en Occident. Rependre des idées que l’on trouve dans les délires de l’extrême droite fasciste, ce n’est rien comprendre à la détresse humaine mais surtout ne rien comprendre à l’histoire qui n’est qu’un long fleuve de l’humanité vers plus de lumière.

On ne jette pas la pierre aux opprimés qui sont souvent à l’origine des conquêtes de la liberté alors que les classes dominantes prennent souvent la fuite et reviennent quand l’orage est passé. Les exemples sont multiples. C’est un Polonais qui a dirigé la commune de Paris (1871) contre les Prussiens pendant que les aristocrates et la bourgeoisie réactionnaire se cachaient à Versailles. Pendant la Seconde guerre mondiale, ces sont des émigrés du groupe Manoukian immortalisés par Aragon et chantés admirablement par Léo Ferré qui ont fait de la résistance avec leurs camarades français en plein Paris pendant que d’autres Français collaborateurs se la coulaient douce à Vichy la bien nommée. Alors Basta de dire des énormités d’autant que les réfugiés qui frappent en Europe aujourd’hui sont les victimes de l’exploitation des richesses de leurs pays (Afrique) ou bien victimes des guerres suscitées et alimentées par le "fascinant" Occident, par exemple en Syrie aujourd’hui.

Ces énormités contre les réfugiés et la fascination délirante assénées avec un certain aplomb par certains "intellectuels" sur un occident que l’on dédouane de ces pires méfaits font mal. L’entendre de la bouche d’enfants de cette Algérie qui a payé le prix, cher très cher de son Indépendance ne peut qu’enrager des gens qui se battent pour envoyer dos à dos les oppresseurs quelque que soit leur origine ou leur croyance.

Ali Akika, cinéaste

Notes

(1) Les déclarations d’Emmanuel Macron sur les crimes de la colonisation en Algérie ont mis en lumière les profondes contradictions entre la France moisie et des catégories sociales rattachées à d’autres sources de l’histoire de France.

(2) Raisonner ainsi c’est ni plus ni moins un acte raciste et tomber dans le piège de ces "Arabes" qui vantent leur origine de Chorfa (noble) et justifiant ainsi leur mépris pour les autres ethnies. Il y a une différence entre les habitants de l’Arabie et leurs dirigeants féodaux qui emmurent leur propre peuple.

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Commentaires (2) | Réagir ?

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gestion

verry nice post, thanks for share

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Le Matin d'Algérie

Comment dès lors comparer ce qui n’est pas comparable ? Sachant que les pays du monde dit arabe qui ont connu la gloire à l’époque de la splendeur de Baghdad, de Damas et de Cordoue, ont non seulement raté la phase du capitalisme naissant