Misère des mots (français) utilisés chez nous

Alep, où chaque mot, chaque être humain a son importance.
Alep, où chaque mot, chaque être humain a son importance.

On connaît la célèbre formule ‘’butin de guerre’’ de Kateb Yacine sur la langue française.

Comme son nom l’indique, un butin une fois possédé, le vainqueur l’utilise comme il l’entend. On sait que Kateb a mis en application cette définition dans le domaine de la langue française. Aussi a-t-il fallu qu’il "viole" cette langue quand les mots ont été détournés ou bien dévitalisés par une gangue idéologique. C’est pourquoi "Nedjma" son roman sort des sentiers battus. L’écrivain a tout de suite compris que pour parler des luttes et des amours de son pays, il lui fallait choisir entre la langue d’un Rimbaud ou d’un BHL d’aujourd’hui. Chez Rimbaud, le poète sait que les mots ont une histoire et à partir du lieu et de l’époque de leur naissance, l’écrivain les fait grandir pour regarder et raconter le monde de son époque. Chez les BHL, les mots sont squelettiques et nauséabonds parce qu’ils sont mis au service du monde d’hier sentant la naphtaline.

Je fais cette petite introduction pour parler de l’utilisation des mots de la langue française par certains pour "philosopher" sur l’actualité internationale à la fois brûlante et complexe dont les vieilleries du langage ne peuvent la maîtriser. Et à la lecture de certains articles de journaux, je me suis surpris à entendre les échos d’une certaine presse de l’hexagone. Surpris, mais à vrai dire pas tout à fait, quoique un peu triste de lire entre les lignes des mots qui font partie du lexique de ceux qui se croient encore les maîtres du monde et les seuls avocats de la justice et des libertés. Oui les mêmes mots avec lesquels on "bombardait" l’actualité en Algérie qui dans la solitude hier se battait contre ses zombies qui ont squatté le champ d’une religion. N’est-ce pas les Robert Ménard d’hier et d’aujourd’hui ! J’ai enfin compris pourquoi Ménard, hier secrétaire général de Reporters sans frontières, soutenait nos intégristes et qui aujourd’hui stigmatise et exclut des cantines scolaires les enfants français de parents immigrés. J’ai compris qu’il partageait la même conception que les intégristes. Pas de mélange des communautés, chacun chez soi et les vaches seront bien gardées…

Quant aux mots et notions utilisés pour décrire la situation actuelle en Syrie, pourquoi servir de la soupe aux lecteurs déjà rassasiés par la presse dominante qui sévit ailleurs… Je comprends que les avis puissent diverger et fleurir des opinions multiples. Personnellement j’ai toujours fait attention à ne pas me laisser envahir par une dose de subjectivité alimentée par quelque idéologie et par l’émotion suscitée par les massacres en Syrie. Pour moi, le régime du Baath au pouvoir est une dictature depuis belle lurette et ses opposants qui veulent le chasser sont encore pires quand on connait leur "exploit" dans le monde musulman. Mais hélas l’histoire et la politique incitent à prendre position pour empêcher que la peste ne prenne le pouvoir de manière à éviter que le choléra ne perdure (*). Les exemples dans l’histoire ne manquent pas où l’on a vu des adversaires irréductibles faire une alliance conjoncturelle pour abattre l’hydre qui risque de faire entrer l’humanité dans ténèbres pour longtemps très longtemps. Le lecteur aura compris que je fais allusion à la seconde mondiale et à l’alliance Occident/URSS… Ainsi dans des situations d’une extrême complexité, il faut se garder de se faire manipuler par les protagonistes en conflit. Chaque camp cherche à mobiliser à son profit en utilisant toutes les palettes de la désinformation, actionnant ici l’émotion, ailleurs les peurs et les menaces ou en empêchant l’accès à l’information.

Pour s’en sortir, on doit faire appel à l’histoire qui nous gratifie de quelques outils. Elle nous apprend des choses sur la nature et la pratique politico-idéologique des adversaires, leurs alliances avec les catégories sociales à l’intérieur du pays et leurs alliés étrangers dont on doit aussi analyser leur politique du passé et deviner la nature de leurs intérêts dans le futur. La Syrie offre un laboratoire grandeur nature sur les forces politiques qui se battent pour le pouvoir dans le monde dit arabe. Il y a le mouvement national et le mouvement islamiste avec leurs particularités dans chaque pays. Je ne reviens pas dans le détail (**) car j’ai eu l’occasion de faire des papiers sur le sujet dans "Le Soir d’Algérie" et dans "Lematindz.net". Les peuples de ce monde ont donc fait l’expérience de la confrontation politique de ces deux courants politiques. Reste les alliés des protagonistes du conflit syrien. Nous avons d’un côté les monarchies féodales du golfe main dans la main avec les stars de l’Occident dont on connaît les amours pour les peuples colonisés. Point besoin d’analyses pointues pour savoir pourquoi et pour qui leurs cœurs palpitent. En face on trouve d’abord l’Iran qui empêche ces stars de dormir et la Russie qui a quelques raisons d’éloigner de ses propres frontières ces intégristes et de contrer cet Occident qui tente de l’encercler hermétiquement dans l’Est européen (Ukraine).

J’ai fait référence aux mots utilisés qui font de l’information/spectacle en les confrontant à l’actualité de la Syrie. Cette info/spectacle qui étale ses modes langagières qui se veut moderne n’est qu’une tentative désespérée de faire appel aux mots et aux images du monde ancien pour sauver un bateau qui prend l’eau de toutes parts. Exemple, sous la plume de certains observateurs de chez nous, la fin de la confrontation armée à Alep même devient ‘’la chute d’Alep’’ ou la ‘’reconquête’’ d’Alep. Les auteurs de ces mots ‘’innocents’’ devraient nous expliquer leur sens. La chute signifie que les habitants "chassés" d’Alep sont légitimes et ceux qui vont occuper les lieux seraient des conquérants. Idem pour la notion de "reconquête". A ce que l’on sache, la ville d’Alep n’a pas été conquise une fois et reconquise une deuxième fois. Alep qui est l’une des plus vieilles villes du monde où est née l’écriture a toujours été syrienne et habitée toujours par les Syriens. Le pays fut conquis une fois par les sinistres croisades et devint pour ces derniers leur cimetière pour l’éternité… Alors un peu de pudeur les "artistes" de l’info/spectacle, respectons les mots quel que ce soit la langue, langue qu’il ne faut jamais confondre avec le langage des revanchards.

Ali Akika, cinéaste

Notes

* Dans lematindz j’ai signalé les conséquences de la guerre en Syrie et entre autres l’inévitable compromis du parti Baath quelque peu fâché avec la démocratie qui sera obligé de négocier un nouveau paysage politique avec les forces démocratiques syriennes

** voir l’article dans ‘’le soir d’Algérie’’ du 13 janvier 2014.

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Commentaires (11) | Réagir ?

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adil ahmed

merci

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Quelqun EncoreQuelqun

@moh arwal:

Je viens juste de découvrir "ta dernière réponsation" à mes égarments.

Ya3ni, ourthésséth'hadhara? Bon, disons que moi je t'ai cherché quoique.... i yemma meskinte dhachou ik thakhdhém à moh vou chemma? Et puis, comment pourrais-tu savoir si elle a envie déjà?

Wallah ya3djizou allisanou 3âne la re-réposation à ta dernière réponsation!

De plus, depuis tout ce temps, normalement thézridh belli en écrivant ce que tu as écrit, tu t'es soumis à cette collecte de corpus que j'avais appelée de mes voeux à vou lahnak. Comment donc ne pas prendre en compte ta charmante sémantique dans une tentative de décryptage de la psychologie de mono-neurone ayant présidé à tes choix lexicaux?

Eh bien, même-si th'ghadhiyi yemma meskinte, mais wallah ar tséslédh lima yatba3:

Il est souvent dit que nos mots trahissent nos maux. "Maux" est lire au 500e degré bien sûr, car il peut tout simplement s'agir d'aspirations, de sentiment amoureux ou de haine, d'ambition ou bien... de refoulement (s) !

Eh nous y voilàààà ! Th'fahmédh nagh adhkémlagh à zayla?

Je continue alors. Mine fadhlika, ach'hal aya ith s'khéznédh a3ni? Youliyakéd ar walléne wakila? Pourtant, le Bois de Boulogne ne doit pas être loin dhinna, non?

Allez, sans rancunes à moh amarwal mébla assarwal !

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