Accord SH/ENI : le lobby français se lâche contre Sonatrach (II)

Sonatrach table sur le gaz.
Sonatrach table sur le gaz.

Il faut dire que le soutien de l’Iran au gouvernement de Bagdad est d’abord politique.

1- L’Irak pourrait entraîner dans son indiscipline l’Iran

L’objectif de ce pays est de tenir les milices chiites irakiennes loin de Mossoul et ne veut en aucun cas attiser les tensions confessionnelles. Les deux pays considèrent que l'Arabie saoudite est le principal acteur à la source des crises politiques et des violences en Irak. Cependant, elle n’est pas la seule : la Turquie a affirmé récemment que Mossoul lui appartenait historiquement. Sans concertation avec le gouvernement irakien, elle maintient ses troupes dans la province : c’est l’exemple même d’une ingérence, au mépris du droit international. Et cela ne peut que créer de l’instabilité. L’Irak a besoin de sa dignité et donc de soutien pour se préparer en cas où. Depuis la levée des sanctions économiques et financières multilatérales et nationales liées au programme nucléaire iranien, ce deal entre l’Iran et l’Irak s’est élargi au domaine économique et notamment pétrolier. En effet, les dernières brouilles de l’Iran avec la famille des Ibn Saoud devraient réorienter la stratégie de l’Iran vis-à-vis de ce royaume. Ainsi, profitant de cette légère ouverture économique du monde occidental envers les Iraniens, ils se sont rapprochés des Irakiens pour une alliance afin qu’à long terme, ils prennent le contrôle de l’OPEP et donc écarte le veto saoudien sur les prix. Il faut dire que l’Irak a encore de nombreux défis à relever pour devenir le géant pétrolier qu’il ambitionne d’être d’ici quelques années. Le potentiel pétrolier de l’Iraq est très important : au coude à coude avec l’Iran pour la position de deuxième producteur de brut de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP), le pays possède 9% des réserves mondiales d’or noir, selon la BP Statistical Review of World Energy. L’Irak est au pétrole conventionnel ce que les États-Unis sont au pétrole non conventionnel. Il est probable que cet entêtement irakien n’est donc pas fortuit mais certainement requiert l’appui des iraniens qui recherchent un prétexte.

2- Le baril au-dessous de la barre des 50 dollars n’arrange plus les affaires des saoudis

En arrosant les producteurs américains de gaz de schiste, l’Arabie saoudite s’est mouillée. En effet les chiffres montrent que l’objectif de reconquérir ses parts de marché par une guerre des prix qu’elle a lancée a été largement atteint. Les Etats-Unis ont annulé leurs investissements pour plus de 1000 milliards de dollars avec des faillites en cascade. Elle a prévalu sa stratégie politique en supportant ses effets secondaires pour la simple raison que sa situation n’est guère rassurante. Il est pratiquement certain que les producteurs américains sont aux abois. Il y a eu beaucoup de faillites et les dernières nouvelles montrent que le nombre d'appareils de forage a été divisé par trois. On est passé de 1900 appareils à près de 500 appareils. De plus, la production américaine contrairement à ce que dit la presse, a chuté. La courbe de production américaine, après avoir atteint le niveau record de 9,61 millions de barils jour en juin, a finalement commencé à baisser.

Cependant, les Etats-Unis ont commencé à augmenter leur niveau de stocks au-delà de sa valeur moyenne dès le mois de janvier 2016. Les stocks américains sont passés de 380 millions à 490 millions de barils. Plus de 25% d'augmentation, 100 millions de barils sur environ 100 jours ouvrables. Les pays industrialisés qui ont des capacités de stockage ont fait pareil avec un pétrole bradé. Un pays comme la France a gagné 25 milliards de dollars du fait de la chute des prix. L'arrivée des gaz de schiste et des pétroles de schiste a fait long feu. Le secteur du schiste est maintenant financièrement sous stress-tests. Cela fonctionnait bien dans un environnement caractérisé par des prix du pétrole brut relativement élevés et une politique monétaire ultra-accommodante. Ce n'est plus le cas avec les nouvelles décisions de la FED.

Les faillites s'envolent dans le secteur pétrolier américain. Au moins 67 compagnies pétrolières et gazières américaines ont fait faillite entre 2015 et 2016, selon le cabinet de conseil Gavin/Solmonese. Cela représente une hausse de 379% par rapport à l'année précédente où le cours du pétrole était nettement plus élevé. Même Chesapeake Energy (CHK), l'une des entreprises les plus connues lors de l'essor du schiste, a été contrainte de démentir les rumeurs de faillite alors que son action chutait lourdement. L'augmentation spectaculaire des faillites correspond à une baisse du cours du pétrole qui est passé de 110 dollars le baril à la mi-2014 à moins de 45 dollars environ en juin 2016. Cette hausse des dépôts de bilan est liée également à la baisse du prix du gaz naturel qui est à son plus bas niveau depuis près de 14 ans. Lorsque le cours du pétrole se situait dans une zone comprise entre 90 et 100 dollars le baril et que le boom du pétrole de schiste décollait, les entreprises s'endettaient massivement pour financer les forages coûteux. Mais la forte production de pétrole aux États-Unis a créé une surabondance phénoménale de l'offre, ce qui a engendré un effondrement des cours du pétrole.

En mars dernier, Quicksilver Resources basé à Worth Fort s'était effondrée sous le poids de plus de 2 milliards de dollars de dettes contractées pour financer ses forages dans le Barnett Shale situé dans le nord du Texas, dans le bassin Bend Arch-Fort Worth. Il est clair que cette démarche, confirmée par la réunion des G20 début septembre, réconforte l’alliance occidentale contre le comportement de Poutine dans son intention de renouer avec la guerre froide mais elle entraîne avec elle de nombreux pays dont les recettes pétrolières demeurent la ressource pour leur développement économique comme l’Algérie, le Venezuela, le Nigeria pour ne citer que ceux-là. Les pays du Golfe ont, eux, une assise financière qui les met à l'abri de toute difficulté sans compter la garantie de leurs alliés américains. Cette victoire si l’on peut l’appeler ainsi n’a pas été fortuite pour les Saoudiens qui se sont retrouvés avec un vrai déficit budgétaire qui les a contraint de recourir aux marchés intermédiaires et de décréter des mesures d’austérité draconiennes.

3- La stabilisation des cours revient maintenant aux fondamentaux

La barre au-dessus des 50 dollars n’est pas acquise en épongeant seulement le surplus de l’offre sur les marchés pétroliers, estimé à près de deux millions de barils. Il faudrait que la croissance mondiale suive ; est-ce le cas ? Selon une synthèse des principaux rapports notamment de la Banque mondiale, le Fonds monétaire international et des experts de la Goldman Sachs, 2017 sera l’année d’une double confirmation pour l’économie mondiale. Confirmation, d’abord, du basculement géographique de la croissance avec d’un côté, la consolidation de la reprise des pays avancés qui devrait s’établir à 2% environ, contre à peine plus de 1% en moyenne entre 2010 et 2015. Avec, en miroir, une nette décélération des pays émergents dont la croissance passerait de près de 5 à 2,4% seulement. Ce dernier chiffre porte surtout la marque de la conjugaison de trois grosses difficultés : la baisse des prix des matières premières, d’abord, qui les pénalise directement en tant que producteurs ou indirectement en tant qu’exportateurs, l’instabilité provoquée par la sortie de la quantitative easing (QE) des Etats-Unis, même si cet assouplissement est piloté avec une grande prudence et enfin, les conséquences de l’atterrissage brutal chinois sur ses voisins directs et ses principaux fournisseurs.

Cette opposition de phase entre pays avancés et émergents aboutit in fine à un jeu à sommes nulles, axant la croissance mondiale autour de 2%. La logique de recentrage des multinationales sur les pays développés, qui sous-tend ce mouvement de bascule, n’a en effet pas le pouvoir amplificateur que l’on pourrait espérer sur la croissance occidentale. Car derrière ce recentrage se cachent aussi des restructurations musclées et des consolidations au détriment de la croissance organique, limitant la portée de la bascule des capitaux du Nord vers le Sud.

Par région, le diagnostic s’affine un peu. Parmi les émergents, l’Amérique du Sud inquiète le plus car elle est la plus directement impactée par la déroute des matières premières.

Rabah Reghis, consultant et économiste pétrolier

Lire la première partie : Accord SH/ENI : le lobby français se lâche contre Sonatrach (I)

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Commentaires (5) | Réagir ?

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adil ahmed

merci

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Kichi Duoduma

Je suis resté sur ma faim. Le contenu n’a rien à voir avec le titre. Je n’y ai rien trouvé concernant le lobby français. Les mots “lobby” et “français” n’apparaissent pas une seule fois, même par allusion, dans le texte des deux parties de cet article.

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